Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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À cheval à Vilvorde
© Ville de Vilvorde
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Tour de Flandre
Société

À cheval à Vilvorde

Lors d’un voyage à Vilvorde, près de Bruxelles, Derek Blyth fait la découverte d’un monument à un Anglais mort en martyr, un restaurant traditionnel proposant de la viande de cheval, et des quais qui évoquent Brooklyn.

J’avais pris le train en direction de Vilvorde ce matin-là. Cette ville se situe à seulement dix minutes de Bruxelles, sur la plus vieille ligne de chemin de fer d'Europe continentale. Lorsque j’ai fait part de mon plan à un ami, il m’a dit: «Ne te laisse pas rebuter par la gare de Vilvorde».

La gare a été construite en 1882 dans un style splendide, fidèle à la Renaissance flamande. Mais cela faisait déjà plusieurs années qu’elle avait grand besoin d’un coup de neuf. Son élégante ferronnerie rouillait, les six quais étaient à l’abandon et le passage souterrain, assez humide, n’était pas un endroit que vous auriez voulu fréquenter la nuit tombée.

Le bourgmestre, Hans Bonte, avait menacé de fermer la gare parce qu’il craignait qu’elle ne s'effondre. Un politicien s’en était plaint: «Une gare envoie un message important. Si un voyageur pose le pied dans une gare insalubre et hideuse, il va se demander à quoi ressemble la ville.» Un grand projet de rénovation a donc été lancé. La gare est maintenant entrée dans la dernière phase des travaux. Les quais, tout comme le passage souterrain, ont déjà été renouvelés. La place devant la gare a aussi été rafraîchie: de la verdure et plus de supports à vélos s’y sont invités.

Allons voir à quoi ressemble le reste, me suis-je dit, en sortant de la gare en travaux. De l’autre côté de la rue, j'ai poussé une grille qui mène à un parc romantique muni d’un pont en fer. On y trouve un restaurant doté d’un pavillon moderne et une troupe d’oies mal lunées. Le centre-ville est rapidement accessible par une belle rue bordée de maisons du XIXe siècle. Ces dernières, parfois ornées de détails propres à l’art nouveau ou de jardins romantiques, sont des reliques de l’époque où les familles riches habitaient près de la gare.

Je me dirigeai vers la flèche de l’église gothique. C’est toujours un bon plan, mais l’église Notre-Dame-de-Consolation, flanquée d’un grand Lidl, était malheureusement fermée ce matin-là.

J’ai cherché ensuite la Grand-Place, où j’avais plus de chance de trouver des cafés et des restaurants. La Grand-Place se trouvait derrière le Lidl. Il y avait un hôtel de ville appartenant au mouvement néoclassique, plusieurs cafés et une bibliothèque publique. Tout ce que vous pouvez désirer.

La bibliothèque avait l’air intéressante. Auparavant, c’était une maison datant du XVIIe siècle offerte à Vilvorde par la famille Lauwers-Van Ootegem. J’ai jeté un coup d'œil à l’intérieur, il restait encore des traces de l’époque, dont des vitraux ornés de portraits d’artistes flamands. La bibliothèque s'étendait aussi dans un immeuble plus moderne aux murs carrelés, immeuble qui était autrefois des halles aux viandes.

J’ai été amené à découvrir l’histoire de William Tyndale. Tout ce que je savais, c’est qu’il avait été exécuté à Vilvorde et que ses derniers mots avaient été: «Seigneur, ouvre les yeux du roi d’Angleterre.» J'espérais que la bibliothèque publique aurait plus d’informations, mais je n’ai trouvé qu’un livre, une biographie universitaire écrite par David Daniell, fondateur de la Tyndale Society. J’étais assis dans la salle de lecture en train de lire la dernière lettre de Tyndale, écrite alors qu’il était détenu au château de Vilvorde.

«Je prie Votre Seigneurie, et celle du Seigneur Jésus, que si je devais demeurer ici durant l’hiver, vous demanderez à l’intendant d’avoir la bonté de m’envoyer, parmi mes biens qu’il possède: un couvre-chef plus chaud, car je souffre gravement du froid à la tête, et je suis affligé d’un catarrhe perpétuel qui s’aggrave beaucoup dans cette cellule; un pardessus plus chaud également, car ce que j’ai est très mince; une pièce de tissu aussi pour rapiécer mon collant.»

Cette lettre désespérée et déchirante, écrite en latin, était possiblement adressée au gouverneur du château de Vilvorde. Elle n’est pas datée, mais Daniell pense qu’elle a été écrite à l’automne 1535. Cette lettre offre un aperçu du malheureux William Tyndale, frissonnant dans une cellule humide de Vilvorde, pendant que les autorités décident de son sort.

William Tyndale était un prêtre anglais qui maîtrisait huit langues. Il aurait pu connaître une vie tranquille s’il n’avait pas défié l’autorité du pape en traduisant la Bible du latin vers l’anglais afin que tout le monde puisse la lire. Sa version, sur laquelle il a travaillé pendant les années 1520 et 1530, introduisait de nouveaux mots et de nouvelles locutions qui, comme pour Shakespeare, ont intégré la langue anglaise. Tyndale a imaginé les mots atone (expier), scapegoat (bouc émissaire), et sour grapes (raisins verts), ainsi que des locutions telles que the meek shall inherit the earth (les débonnaires hériteront la terre), the powers that be (les puissances qui existent sont) et let there be light (que la lumière soit). Cependant, cette superbe traduction de Tyndale a défié les autorités de l’Église catholique et contrarié Henri VIII d’Angleterre. On peut dire que les pouvoirs en place étaient loin d’être ravis.

Tyndale séjournait à Anvers avec un marchand anglais, Thomas Poyntz, quand il a été trahi par Henry Philips, un étudiant anglais de l’université de Louvain. On l’a emmené à la prison de Vilvorde où il a été détenu pendant 18 mois. Hilary Mantel se plaît naturellement à relater cette sombre histoire dans sa trilogie historique.

J’ai soudainement remarqué l’heure. Je devais me dépêcher si je voulais visiter le William Tyndale Museum qui n’est ouvert que le mercredi de 10 heures à midi. Le musée se trouve, un peu ironiquement, dans une ancienne maison de correction construite près du site de la prison où Tyndale était détenu.

La maison de correction, ou Tuchthuis, a été construite en 1776, à titre de prison modèle. Une de ses ailes est maintenant occupée par un hôtel qui offre de passer la nuit dans une ancienne cellule. Non merci, ai-je pensé.

Une autre, tombée en ruine, est classée. Mais la troisième aile a été restaurée avec soin. Le Tyndale Museum occupe une chapelle protestante au rez-de-chaussée. On y accède via un long couloir bordé de petites portes de cellules. L’une d’entre elles était ouverte. J’ai regardé à l’intérieur et j’y ai vu une petite pièce éclairée par une fenêtre étroite. C’est maintenant un débarras dans lequel les techniciens de surface rangent leurs balais et leurs seaux.

Au loin, je pouvais entendre une voix retentissante. Un représentant de l’église faisait visiter le musée à un visiteur. Il décrivait la collection de bibles, d’estampes et de médailles. Ensuite, il s’est tourné vers la célèbre dernière lettre de Tyndale (la seule à subsister), celle dans laquelle il se plaignait du froid. Elle avait apparemment été perdue pendant trois siècles, enfouie dans les archives locales.

Le musée ne possédait pas de grande collection, simplement quelques vitrines dans un coin de l’église, présentant tout au plus un intérêt pour les érudits religieux. Dehors, dans le corridor, les murs étaient bordés de gravures et de plans du vieux château, une forteresse sinistre calquée sur la Bastille parisienne.

J’ai ramassé une brochure qui invitait à une promenade de 1,5 km sur les traces de Tyndale. Elle m’a mené à l’emplacement du château, désormais une parcelle d’herbe à côté de la Senne. J’ai pensé à William Tyndale, frissonnant dans sa misérable cellule, ayant désespérément besoin d’un pardessus en laine, d’un bonnet de nuit et d’une lampe. Mais surtout, comme il l’a écrit dans sa lettre, il souhaitait à tout prix se procurer une bible hébraïque afin de pouvoir poursuivre ses travaux.

La promenade sur les traces de Tyndale se poursuit devant l’église (toujours fermée) et jusqu’au William Tyndale Monument, mémorial à sa mémoire. Au début, je ne le trouvais pas. Puis j’ai vu le panneau. Tyndaleparking, disait l’écriteau. Ils ont baptisé un parking de la ville en l’honneur du martyr anglais.

Toujours à la recherche du mémorial, je me suis dirigé vers la Hellestraat. Il était là, le William Tyndale Monument, sobre colonne en bordure d’un parc. Sur celle-ci, une inscription disait, en ancien néerlandais: Aan een Engelschman — à un Anglais. Il y avait aussi une version en français et en anglais. Une plaque de métal expliquait les circonstances sinistres de sa mort.

Le mémorial a été érigé en 1913. On pense qu’il se trouve à l’endroit où Tyndale a été exécuté, mais personne n’en est certain. C’est un coin plutôt triste. «Très sale!» a posté quelqu’un sur un forum. «Des canettes de bière, du pain et plein d’autres déchets traînent partout.»

Ensuite, quelqu’un m’a parlé. C’était le visiteur du musée. Il parlait tout en dévorant un sandwich œufs-mayonnaise. «C’est important», a-t-il dit. J’ai acquiescé. «On doit pouvoir lire la bible», a-t-il ajouté. J’ai remarqué qu’il y avait de l’œuf dans sa barbe.

Ça m’a rappelé qu’il était temps de manger. J’étais vraiment mort de faim.

C’est quoi, paardenvlees? a demandé un touriste américain au serveur.
«De la viande de cheval, monsieur.»
«De la viande de cheval, vous dites?»
«C’est une spécialité de Vilvorde. C’est délicieux.»
«Je pense que c’est peut-être illégal là d’où nous venons,» a dit son épouse.

C’était l’heure de dîner au restaurant De Kuiper. J’y étais allé pour goûter la viande de cheval. On m’a dit que De Kuiper, c’était l’endroit à tester. Ce vieux restaurant flamand se trouve dans une rue calme nommée Vissersstraat, ou la rue des pêcheurs. Fondé en 1859 par un boucher spécialisé en viande de cheval, il a été durant un temps dirigé par Alfons Gulickx et Lieve Gewillig. Leur fils et leur belle-fille ont maintenant repris le restaurant. La décoration intérieure est un mélange de vieux panneaux de bois, de nappes plastifiées et de sol carrelé. La viande est frite dans de la graisse de cheval, puis servie avec des frietjes, des frites. C’est une vieille recette belge. C’est délicieux. Et sûrement illégal aux États-Unis.

Après avoir dîné, je me suis mis en route pour en apprendre plus sur Vilvorde. La ville est localement connue sous le nom de Pjeirefrettersstad, ce qui signifie «la ville des mangeurs de cheval». J’avais déjà remarqué une statue de cheval au milieu d’un des nombreux ronds-points. J’avais aussi remarqué une grande peinture murale célébrant la foire annuelle aux chevaux de Vilvorde sur un mur latéral dans la Leuvenstraat. Cette foire se tient le troisième lundi après Pâques. Le Jaarmarkt est un vaste festival agricole à l’occasion duquel les rues sont encombrées de chevaux, mais aussi de vaches, de cochons et de poulets, ainsi que de manèges, de stands de nourriture et de jeux de rue.

Les chevaux qui défilent à travers la ville sont de grandes bêtes appelées Brabantse trekpaarden, ou Brabançon, cheval de trait belge. L’ancien Premier ministre belge Jean-Luc Dehaene, originaire de Vilvorde, était parfois surnommé le Brabants trekpaard à cause de sa taille et de sa détermination inébranlable à atteindre ses objectifs.

Je me suis dit que c’était étrange comme célébration, une foire aux chevaux, car Vilvorde n’est pas du tout agricole. C’est une ville industrielle depuis l’apparition du chemin de fer en 1835. Au début du XXe, Charles Fondu construisait des voitures dans un atelier près du parc de la ville pour remplacer les chevaux. Cependant, son usine était petite par rapport à l’énorme usine Renault située sous le pont routier du ring de Bruxelles. Pendant un temps, Vilvorde était le Détroit de Bruxelles. Puis, tout a dérapé.

Le 27 février 1997, Renault a soudainement décidé de fermer ses portes. En un jour, plus de 3 000 travailleurs ont perdu leur emploi. L’immense usine automobile faisait la fierté de Vilvorde. Les travailleurs ont manifesté et les Belges ont refusé d’acheter des Méganes. Mais Renault n’a pas flanché. À la suite de cela, Vilvorde est devenue une ville industrielle lugubre oubliée de tous. Un endroit par lequel vous passiez en conduisant sur le viaduc du ring pour vous rendre autre part.

Plus de 20 ans après la fermeture de l’usine Renault, la ville a désormais des projets ambitieux pour développer le site gigantesque. L’endroit deviendra, selon le bourgmestre Hans Bonte, un nouveau quartier urbain avec des logements, un hôpital, une salle de concert et un parc. Cependant, le projet prendra 30 ans à aboutir.

***

Je me suis dirigé vers le canal. «Vous devez absolument vous promener aux alentours de la Kruitfabriek,» m’a-t-on conseillé. «C’est là qu’on peut trouver la nouvelle Vilvorde.» En m’y rendant, je suis passé devant l’usine Demol-Sphinx, le nom écrit en grandes lettres rouges en bois. L’enseigne en laiton sur la porte indiquait Manufacture de pinceaux et brosses à blancher J & P Demol.

Créée par un enseignant, Omer Demol, en 1898, et reprise par les frères Jules et Paul en 1920, l’entreprise était originellement spécialisée dans la fabrication de pinceaux de haute qualité. Quand la production s’est en partie délocalisée en Égypte, le nom Sphinx a été ajouté.

C’était comme si Demol-Sphinx fabriquait encore des pinceaux. Pourtant, la plupart des autres usines étaient à l’abandon. À la fermeture des Forges de Clabecq en 1989, la ville a préservé quelques vieux équipements afin de créer un circuit culturel industriel. Le chemin fait 14 km et l’on peut y admirer 12 immenses pièces de machinerie peintes de couleurs vives par les étudiants en art de la ville. Sur chaque machine se trouve un code QR qui explique son histoire.

Le circuit patrimonial nous rappelle qu’à une époque, Vilvorde était une des principales villes industrielles dans le nord de l’Europe. À partir des années 1850, la ville attire les entreprises parce que les salaires sont plus bas qu’à Bruxelles, et les permis plus faciles à obtenir. Désormais, Vilvorde est sans aucun doute une ville post-industrielle à la recherche d’une nouvelle identité. Elle a déjà entamé sa métamorphose. Un nouveau quartier prend forme le long des quais du canal. Welkom in het Nieuwe 4 Fonteinen Stadskwartier – Bienvenue dans le Nouveau quartier des quatre fontaines, affiche une pancarte. Les immeubles «intelligents» abritant des appartements bordent les quais. Un nouveau restaurant appelé Canal ressemblait à ce qu’on peut trouver à Londres ou Rotterdam.

Une relique industrielle a survécu. L’immense grue Koekockx abandonnée était censée être envoyée au Congo, mais elle n’a jamais quitté Vilvorde. Elle est désormais un symbole du fier passé industriel de la ville. Plus loin le long du canal, la Kruitfabriek, ou Usine de poudre à canon, est une autre relique solitaire de l’ère industrielle. Elle se trouve à l’endroit où se tenait une usine d’explosifs datant du XIXe siècle utilisée par l’armée allemande pour entreposer des armes pendant la Première Guerre mondiale. Abandonné après la guerre, le dépôt d’armes a explosé en 1919, détruisant des dizaines de maisons et brisant les vitraux de l’hôtel de ville.

Plusieurs nouvelles usines ont vu le jour sur le site, mais elles ont toutes fini par fermer. Quelques-uns des bâtiments abandonnés ont été repris par des organisations de médias flamandes, dont la société de production télévisuelle Woestijnvis et le magazine Humo. La société de télévision VTM s’est installée à la périphérie de Vilvorde et la maison de Big Brother a été construite non loin en 2020.

La Kruitfabriek, l’usine de poudre, a ouvert ses portes en 2014 dans une des usines abandonnées. Elle est maintenant occupée par un café branché et brûlerie du nom de GAYO, un atelier de cirque, une école de musique et des ateliers artisanaux. Durant le week-end, quand les ateliers, les concerts et les marchés vintage ont lieu, l’endroit est un pôle créatif.

À l’arrière de l’usine, j’ai découvert une portion de la Senne. Cette triste petite rivière traverse Bruxelles dans un tunnel datant du XIXe siècle, puis refait surface à Vilvorde. La ville a récemment créé un sentier de promenade pour les piétons et les vélos qui longe la rivière sinueuse en direction de la vieille prison. Un itinéraire intéressant pour rejoindre le centre-ville.

Je commençais à me demander si Vilvorde pourrait s’être transformée en une ville du futur. C’est la ville qui se développe le plus rapidement dans toute la Belgique, avec un petit quelque chose qui rappelle l’esprit de Détroit et un petit quelque chose qui rappelle l’ambiance de Berlin. Un service de navette par bateau, le Waterbus, relie Vilvorde à Bruxelles, et une toute nouvelle autoroute pour vélo longe le canal.

À Vilvorde, il y a également plus de 50 fresques peintes par des artistes de rue belges et internationaux. Les artistes ont décoré des murs vierges partout en ville, mais aussi les piliers en béton d’un pont moderne, l’Europabrug, qui s’élève au-dessus du canal. Pour admirer le street art, un circuit de 10 km nous guide dans des lieux insolites, y compris un mur sur lequel l’artiste HYURO a imaginé une magnifique série d’œuvres représentant l’arrivée des immigrants espagnols à Vilvorde.

Il a également d’autres endroits inspirants, comme un mur près de l’école d’art locale dans la Vaartstraat. À l’été 2020, les étudiants en art ont été invités à transformer ce mur gris en une galerie photo dédiée à Vilvorde. Sur les clichés, on pouvait admirer des usines abandonnées et des tours aéroréfrigérantes disgracieuses, mais aussi des enfants qui sourient et des parcs romantiques. Les portraits montrent quant à eux le mélange de nationalités qui ont grandi à Vilvorde à la suite des migrations.

Il y a quelques années, Broeilab a été lancé pour encourager de nouvelles entreprises créatives à s’implanter dans les boutiques vides. Ce projet a jusqu’à présent lancé 25 nouvelles entreprises qui vendent de tout, des fleurs aux vêtements pour enfants. On remarque souvent ces endroits à leurs noms originaux. Le Sweety Cake cafe sert du café et des gâteaux dans le bâtiment historique de Kijk-Uit dans la Lange Molensstraat, Fietsenier vend des vélos sympa, et Spolly’s Ting déborde de vieux meubles restaurés.

Toutefois, il reste des bâtiments vides dans le centre. J’ai été intrigué par un bâtiment en brique, doté d’une étrange tour de guet, situé derrière l’hôtel de ville. Le bâtiment s’appelle Kijk-Uit, ou point de vue, et personne ne semble pouvoir expliquer sa fonction. Certains pensent qu’il s’agissait d’un moulin à eau, d’autres disent qu’il s’agissait d’une tour de guet. Au XIXe siècle, il faisait office de bar. Après avoir été laissé à l’abandon pendant des années, il est désormais occupé par le Sweety Cake cafe.

Un peu plus bas dans la rue, trois amis ont ouvert en 2020 un fantastique café-brasserie. Ils ont transformé un bâtiment en coin, qui faisait autrefois office de banque, en un café lumineux et contemporain avec ses grandes fenêtres qui donnent sur la rue, le Stoom. Dans le sous-sol se cache une petite surprise: les propriétaires ont fait de la chambre forte de la banque une salle de jeux pour enfants.

Je me suis installé dans ce café, et j’ai cherché un mot pour décrire Vilvorde. Sur les plans de la ville, elle était décrite comme «gastvrij, gezellig en vernieuwend», soit chaleureuse, charmante et innovante. Ces mots décrivent n’importe quelle ville. Pjeirefrettersstad aurait pu convenir, mais pas totalement.

De retour au canal, je me suis demandé si Vilvorde pourrait un jour devenir une destination touristique. Durant l’été, des promenades en bateau qui embarquent au musée Kanal Pompidou à Bruxelles et débarquent à la grue de Koekock ont lieu. Ça pourrait fonctionner, si seulement il y avait un château ou un musée à visiter. Cependant, le château a été démoli et le musée n’ouvre que le mercredi matin.

Quelqu’un m’a parlé du parc situé de l’autre côté du canal, il m’a dit: «C’est un endroit charmant pour faire une randonnée». Au XIXe siècle, plusieurs familles aisées ont construit d’élégantes villas d’été à côté du canal, entourées par des jardins paysagers. Trois de ces domaines ont été rassemblés afin de former le Drie Fonteinen Park (Le parc des Trois Fontaines). Ce nom curieux vient de la fontaine qui était jadis aménagée à côté d’une écluse. La fontaine comportait quatre jets qui symbolisaient les quatre vents, mais les navigateurs sur le canal ne pouvaient pas en voir plus de trois à la fois.

Le parc a perdu une partie de son charme lorsque le viaduc de Vilvorde a été construit afin de donner forme au réseau autoroutier de Bruxelles appelé le Ring. Cependant, ses ponts romantiques, ses lacs cachés et son sublime jardin japonais ont tenu bon. Une brasserie pleine de vie est également accessible dans une ancienne orangerie, endroit idéal pour dîner le dimanche.

Il me restait encore un quartier à visiter, il portait le nom étrange de Far West, et il était décrit dans la chanson «Vilvoorde City» du chanteur folk Kris de Bruyne, décédé en 2021. O Vilvoorde City, chantait-il, meer bepaald in de Far West, «plus précisément dans le Far West».

Sur le plan de la ville, il était écrit Far West, mais, vu sa situation géographique, on aurait plutôt dit Far Est. Ça a tout de même piqué ma curiosité. Y verrais-je des cow-boys?, me suis-je, demandé. Pour accéder à cette zone, il faut passer par un tunnel sous les voies ferrées, là où les artistes de rue ont peint des décors du Far West; c’est là où j’ai trouvé mon cow-boy.

https://www.youtube.com/embed/sLJkx9M1dvo?si=Y8ancaheA_1Ze427

Le Far West s’est avéré être un quartier peuplé de petites maisons soignées, dotées de petits jardins de devant. Il avait été créé dans les années 1920 et avait servi de modèle de cité-jardin. Pourtant, il n’avait pas une bonne réputation. Kris De Bruyne y a vécu pendant cinq ans, au début des années 1970. Il chantait: «Hier hangt de lucht vol weemoeden de stank is om te snijden» (l’air a des relents de tristesses, et tu peux couper ces relents au couteau). Si cela ne suffisait pas, le quartier a récemment été le théâtre d’évènements terroristes islamistes.

Lors d’une interview, Kris de Bruyne a expliqué que sa chanson parlait d’amour et qu’elle avait vu le jour au Drinkwinkel de Tur, un lieu essentiellement nocturne dans la rue de l’Orme. Il aurait voulu l’enregistrer à l’hôtel de ville, mais lorsque le bourgmestre a entendu les paroles, il a refusé, en insistant sur le fait que cela donnerait une mauvaise image à Vilvorde.

«Je ne l’ai pas écrite pour dire du mal de Vilvorde», avoua Kris de Bruyne. «Il s’agissait d’une métaphore sur mes sentiments après ma rupture.» Le bourgmestre n’a rien voulu entendre, peut-être comprendrez-vous son raisonnement.

J’ai ensuite découvert que la ville ne s’arrêtait pas au Far West, il y avait un endroit plus lointain et plus sauvage. Le Far Far West, me direz-vous. Le domaine d’Asiat fut jadis une base militaire étouffée au milieu de la Senne, du parc à conteneurs et du cimetière de la ville. L’armée a quitté les lieux en 2008, laissant derrière elle abris, ateliers et casernes. Durant l’été 2019, cette nature sauvage a commencé à accueillir le festival d’art et de musique de Horst, anciennement tenu au Château de Horst.

Les organisateurs ont transformé le terrain accidenté en festival estival, doté de chaises longues, de cafés éphémères et de plaines de jeux. Il y avait des concerts de techno et des expositions d’arts au milieu des tours de refroidissements menaçantes et des casernes en ruine. Cela a été un succès et Horst est désormais un chouette festival annuel qui amène des milliers de fans de musique et d’art dans un coin oublié de la Belgique. Depuis, c'est tout le domaine d’Asiat qui s’est développé et accueille dorénavant une brasserie, un bar et un café, ainsi que des activités sportives et culturelles.

O Vilvoorde city, tu n’es pas aussi maussade qu’on le dit.

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