Mustafa Stitou (°1974) a publié son premier recueil, Mijn vormen, à l’âge de 19 ans. Présenté comme le premier poète néerlandais d’origine marocaine, Stitou a fait paraître à ce jour quatre ouvrages de poésie. Le poème «Anton» est extrait de Varkensroze ansichten (De Bezige Bij, Amsterdam, 2003), recueil pour lequel Stitou a reçu le prestigieux prix de poésie VSB.
© Tessa Posthuma
Anton
À ma gauche, une nymphette gracile d’un blond doré
ne daignait pas me regarder.
Ça m’a laissé froid: depuis le onze septembre
un Arabe, ça n’a pas vraiment
la cote. À ma droite
un couple; elle, géante, face grêlée,
robe de soirée de velours violet, je trouvais que
ç’avait de la gueule. Aussi, quand son copain s’est éclipsé,
on a engagé la conversation; elle travaillait, m’a-t-elle dit,
dans une boîte de prod; l’après-midi même, elle avait,
pour une nouvelle série télé, fait passer un casting
pour des rôles de miliciens.
Ah! ma fiancée juive et moi,
ensemble, on vieillit et grossit à vue d’œil,
appréciant toujours plus la bonne chère
et un bon lit. Quand son copain est réapparu,
il a embrassé son épaule nue tout en me fixant
droit dans les yeux. La svelte blondine,
à ma gauche, avait, comme je le vis soudain,
sur toute la largeur de la nuque, un tatouage:
Anton1
prénom
calligraphié, entre
deux petits cœurs.
1) Anton est le prénom de l’ingénieur Mussert (1894-1946), figure emblématique du national-socialisme néerlandais.
Anton
Links een tenger en goudblond godinnetje,
keurde me geen blik waardig.
Maar het deed me niets: sinds elf september
ligt een Arabier nu eenmaal slecht
in de markt. Rechts
een stelletje; zij, reuzin, pokdalige kop,
paarsfluwelen avondjurk, ik vond het
wel wat hebben. Dus toen haar vriend even verdween
raakten we in gesprek; ze werkte, vertelde ze,
voor een castingbureau; die middag had ze,
voor een nieuwe Nederlandse dramaserie,
NSB’ers gecast.
Ach, mijn joodse verloofde en ik,
zienderogen worden we ouder en dikker samen,
scheppen steeds meer behagen in eten
en slapen. Toen haar vriend weer opdook
kuste hij haar blote schouder en keek mij
ondertussen strak aan. De slanke blondine
links van mij, zag ik nu, had op de achterkant van haar nek,
over de volle breedte, een tatoeage:
Anton
stond er,
in schoonschrift, tussen
twee hartjes in.