Benjamin De Roover – L’évasion d’Hugo Grotius
Dix-huit jeunes auteurs et autrices de Flandre et des Pays-Bas donnent la parole à un objet du XVIIe siècle exposé au Rijksmuseum. Ils et elles ont écrit un texte à partir de la question suivante: quelles illuminations ressentez-vous en regardant ces objets? Benjamin De Roover s’est inspiré du coffre à livres dans lequel s’est échappé Hugo de Groot au début du XVIIe siècle. «ne laisse pas tinter mes os livides comme des rixdales dans ce coffre»
© Rijksmuseum, Amsterdam
L’évasion d’Hugo Grotius
Maria, ma créature insulaire rusée
l’obscurité du coffre me fait saigner les yeux
le sang s’immisce dans les interstices du bois, sable
et fourmis noires, fouillent ma poitrine comme la main ferme de Maurice
pourtant je rêve d’océans, acquitté un jour dans mon livre
ils scintillent hallucinogènes, infinis comme des esprits
à présent là derrière jaillit
le rougeoiement énigmatique d’eurêka déchaînés
Maria, sens-tu la fumée à la figure conquérante?
ensemble nous avons rêvé le petit rêve d’un monde doré
maintenant mon corps est aride et rompu
je suis une marionnette d’argile muette jetée par Dieu
mes idées, des voies d’errance où naviguent des vaisseaux fantômes
Maria, soleil, salut
ne laisse pas tinter mes os livides comme des rixdales dans ce coffre
redécouvre-moi
ton visage, je le vois, est le pétale
au cœur du manuscrit
au cœur de ma mémoire de jeune prodige, au crépuscule
la peur ne parle qu’en langue maternelle