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pays-bas français, société

Béthune : le nez en l’air !

Par Wim Chielens, traduit par Jean-Philippe Riby
17 octobre 2019 4 min. temps de lecture De retour avec «Les Pays-Bas en France»

Cinquante ans après la parution du guide De Nederlanden in Frankrijk, petite encyclopédie rédigée par Jozef Van Overstraeten et éditée par l’Union des touristes flamands (VTB), je reviens dans le nord de la France. Je me laisse tout d’abord guider par cet ouvrage, mais relève surtout ce qui a changé au cours de ces cinquante dernières années tout comme ce qui est resté identique.

À la fin des années 60, le parcours de Jozef Van Overstraeten jusqu’à Béthune a dû être triste. La ville est au cœur du Bassin minier, alors en pleine activité, avec la grisaille qui régnait dans l’air et dans tous les esprits. Les choses ont bien changé. Aujourd’hui tous les terrils et autres éléments remarquables comme les chevalements, les lavoirs à charbon et autres installations ont été classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les monts noirs qui marquent encore le paysage semblent presque exotiques depuis que l’activité industrielle à laquelle ils étaient associés a disparu et que les nombreuses cités minières offrent une unité architecturale que nous trouvons géniale et visionnaire.

La plus ancienne cité minière préservée du nord de la France

En me rendant à Béthune, je me suis arrêté dans l’une de ces cités ouvrières: La Cité des Électriciens, la plus ancienne cité de corons de tout le bassin du Nord et du Pas-de-Calais. Elle se trouve à Bruay-la-Buissière, qui compte d’autres cités, du reste, de différentes périodes et de différents styles. La Cité des Électriciens date de 1856 et les maisons de brique sont minuscules. Un certain nombre a été habilement restauré et doté d’une extension moderne pour les rendre habitables, d’autres sont regroupées en un musée, tandis que d’autres servent d’atelier ou de résidence à des artistes.

Par ailleurs, un « centre d’interprétation » moderne présente en particulier les différents aspects de l’industrie du charbon et de l’architecture des quartiers d’habitation. Pour les enfants, la découverte est ludique et interactive. La Cité des Électriciens montre de manière exemplaire comment la région a su tirer parti de son patrimoine unique après l’abandon de l’industrie houillère.

Une piscine de style paquebot

Si vous êtes à Bruay-la-Buissière, ne manquez pas de faire un tour à la piscine municipale. C’est la seule piscine Art déco encore ouverte au public.

Elle a été construite par la municipalité socialiste en 1936, sous le Front populaire, dans le souci d’offrir aux travailleurs des possibilités de loisirs avec l’avènement des « congés payés ». La piscine jouxte la cité-jardin n° 9. C’est un bâtiment imposant, entièrement en béton, censé évoquer un paquebot, avec une terrasse solarium et des cabines de bain alignées sur deux niveaux et rappelant des cabines de passagers.

Le règne de l’éclectisme

Van Overstraeten n’aime guère la petite ville de Béthune : «reconstruction dans un style pseudo-flamand après la Première Guerre mondiale, avec un hôtel de ville sombre, un délire d’expérimentations architecturales et décoratives. Au milieu de la place – heureusement isolé ! – le beffroi (…), la fierté de la ville !» Quelle injustice ! La tour grise du beffroi contraste plutôt, par son caractère sombre, avec la frivolité des dizaines de pignons richement décorés. Ils ont beau être pseudo-flamands, l’abondance de pierre blanche leur donne une touche française. La Grand-Place de Béthune est bien plus éclectique, par exemple, que celles d’Arras ou d’Ypres (reconstruites elles aussi à 100%) mais cette spécificité la rend d’autant plus intéressante. Un choix de citoyen, non d’architecte.

L’aspect sombre de l’hôtel de ville n’est pas si mal, finalement. Surtout à l’intérieur, où ses vitraux Art déco donnent un éclairage particulier. L’architecture, en revanche, surprend, car on dirait une demeure surdimensionnée.

Je quitte la Grand-Place pour aller dans la rue d’Arras, la rue commerçante de Béthune. Si vous prenez la peine de lever le nez et de faire abstraction des affreuses vitrines contemporaines pour admirer les pignons, vous découvrirez une grande diversité de styles d’architecture. Le néo-gothique flamand, le classicisme français, et même une sorte de style alsacien, mais les nombreuses maisons Art déco représentent ce qu’il y a de plus intéressant. Elles sont parfois surchargées au point de susciter l’hilarité, comme ces gros ananas sculptés en bas-relief figurant sur une maison à l’angle de la rue Grosse-Tête. Il faut aussi mentionner l’originalité des mosaïques en façade qui indiquent le nom du commerçant, comme Le Vaast ou l’ancienne Librairie classique/Atelier d’imprimerie Beuvry-Berthe.

Une soirée au théâtre

Béthune ne mérite peut-être pas qu’on y passe tout un week-end, mais vaut vraiment la peine d’y faire un tour. Promenez-vous et laissez votre regard glisser sur les étages supérieurs des maisons. Vous serez agréablement surpris par leur variété. Un conseil : profitez de votre excursion pour passer la soirée à la Comédie de Béthune. Non seulement son architecture singulière ne manque pas de retenir l’attention, avec sa façade en noir et rouge vif, mais sa programmation est excellente. Il s’agit de l’un des 38 centres dramatiques nationaux de France, qui participe donc à la création théâtrale contemporaine et accueille en résidence des écrivains de théâtre français et étrangers.

Wim-chielens

Wim Chielens

directeur général de l'Académie des Beaux-Arts de Poperinge; rédacteur annales De Franse Nederlanden-Les Pays-Bas Français

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