Michel Rousseau veut rendre honneur à Guillaume III, trop peu apprécié dans le monde francophone
Célébré par les Néerlandais et les Anglais, mais quelque peu ostracisé par les Français, Guillaume III a fait l’objet de peu d’études dans le monde francophone: le dernier ouvrage en français sur sa personne remontait à 1880. Avec Guillaume III, stadhouder aux Provinces-Unies et roi d’Angleterre (1650-1702). Un homme d’État méconnu, pionnier de l’Europe et de la démocratie, Michel Rousseau entend donner à Guillaume-Henri de Nassau l’attention qu’il mérite.
Paru aux éditions de L’Harmattan, Guillaume III, stadhouder aux Provinces-Unies et roi d’Angleterre (1650-1702). Un homme d’État méconnu, pionnier de l’Europe et de la démocratie de Michel Rousseau se décline en 7 chapitres répartis sur 227 pages. Dans la première partie, Rousseau compose, tel un peintre, un tableau de mots présentant de manière succincte les principaux faits qui ont donné naissance à la République des Provinces-Unies qui «constitue dans l’Europe de ce temps une magnifique anticipation rejointe, bien plus tard, par les autres États européens». Il s’attache par la suite à la biographique à proprement parler de Guillaume III.
Au beau milieu du Siècle d’Or naît Guillaume-Henri de Nassau, prince d’Orange, fils de Guillaume II d’Orange-Nassau (1626-1650) et de Marie-Henriette Stuart, princesse royale, fille la plus âgée du roi Charles Ier d’Angleterre. L’enfant ne connut jamais son père, lequel mourut de la variole huit jours avant la naissance de son fils. Guillaume, sans grand pouvoir, qui n’avait même plus le droit de porter le titre de stadhouder, dut parfois ravaler sa fierté, comme le raconte si bien Michel Rousseau à travers des anecdotes vivantes et amusantes: «C’est le jour de la kermesse à La Haye et une foule nombreuse déambule entre les spectacles offerts au public. Soudain dans une allée animée survient un embarras de circulation. Deux carrosses se font face et la voie est trop étroite pour permettre le croisement de deux véhicules. L’un des carrosses est celui de l’ambassadeur de France, le comte d’Estrades, l’autre est celui du jeune prince d’Orange. Un ambassadeur de France ne peut céder le pas devant ce garçon de 13 ans. Lequel refuse le passage». Seule la grand-mère de Guillaume, la princesse Amalia parviendra à faire céder son petit-fils face à cet ambassadeur qui n’imaginait pas encore une seule seconde qu’il avait face à lui le futur roi d’Angleterre.
En effet, à partir des années 1670, l’ascension de Guillaume fut irrésistible, nous raconte Michel Rousseau. 1672, l’année de tous les désastres pour les Provinces-Unies (la fameuse «rampjaar»), en raison des attaques françaises et anglaises, constitua un tournant décisif. Le Grand pensionnaire Johan de Witt fut désigné comme le bouc-émissaire de cette situation calamiteuse et fut assassiné par une milice citoyenne. Dès lors, Guillaume retrouva le titre de stadhouder de ses ancêtres et ne lâcha plus rien.
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En 1677, dans ce qui ressemble à un stratagème matrimonial, il épousa sa cousine germaine Mary II d’Angleterre. Lors de la Glorious Revolution, Guillaume débarqua avec ses armées en terre britannique pour chasser Jacques II du trône, ce qu’il parvint à faire avec le soutien de la population auprès de laquelle le monarque n’était guère populaire. Mary et Guillaume furent par la suite couronnés reine et roi d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande en 1689. Durant ces années de règne, Guillaume était de caractère changeant et d’humeur parfois étrange, comme le relate les paroles de Constantijn Huygens, son secrétaire, citées par Michel Rousseau: «Ce soir, on me raconta que le Roi était déprimé. Il parlait tout seul, en bougeant souvent les lèvres».
Mary mourut de la variole en 1694 et dès lors, Guillaume gouverna seul jusqu’en 1702, date de sa mort à 51 ans à la suite d’une pneumonie: «Viscéralement Hollandais et habité d’une foi profonde, tel fut cet homme dans la simplicité et la rectitude de sa trajectoire».
Nous ne faisons ici que le résumé d’une fabuleuse histoire de Guillaume III racontée de manière passionnante avec verve et force détails par Michel Rousseau dont on peut dire qu’il a ici véritablement fait œuvre de chercheur. Cette biographie a été publiée en 2019 dans la collection «Diversité» de L’Harmattan, dirigée par l’historien Hedi Saidi, dont la vocation est d’éditer «des ouvrages essentiellement universitaires, traitant des rapports sociaux, de la mémoire, de l’histoire et de l’altérité».
Michel Rousseau, né à Dunkerque en 1933, a été professeur d’histoire au lycée Jean-Bart de Dunkerque et à l’École européenne de Bruxelles. Il est également l’auteur, en 2014, d’un autre ouvrage, toujours chez L’Harmattan, intitulé Quand Louis XIV brûlait le Palatinat… La guerre de la Ligue d’Augsburg et la Presse et de deux articles pour la Revue du Nord dans les années 1960 et 1970.
Son travail de chercheur, commencé sur le tard, comme il l’indique lui-même, est d’autant plus utile que les ouvrages en français sur l’histoire des Pays-Bas sont assez peu fréquents. L’auteur précise en quatrième de couverture que «la dernière biographie en français de Guillaume III remonte à l’année 1880» et qu’il souhaite rendre justice à un grand homme quelque peu ostracisé par les historiens français, mais fêté par leurs homologues anglais et néerlandais.
L’édition aurait cependant gagné en qualité si la bibliographie avait été mieux présentée et si l’auteur avait suivi des normes plus académiques. La chronologie n’est pas des plus aisée à consulter non plus et aurait méritée d’être mieux aérée. La critique s’adresse en premier lieu à L’Harmattan, un éditeur qui publie bien souvent des ouvrages de qualité, mais qui ne prend pas toujours le temps de les confectionner correctement. La mise en page est hélas fréquemment défaillante (manque de majuscules dans la bibliographie, de ponctuation; mots collés). Pourtant, les ouvrages de L’Harmattan sont, du point de vue de leur matérialité, de bonne facture.
Le livre de ce «vieil étudiant» comme Michel Rousseau se prénomme lui-même avec humour, n’en reste pas moins un bel ouvrage dont l’auteur peut être fier, car écrire l’histoire n’est jamais simple et il est bien entendu toujours temps de progresser, nous sommes d’ailleurs bien placé pour le savoir. Nous ne pouvons donc que l’inviter à poursuivre cette aventure. Malgré quelques bémols, nous conseillons vivement aux lecteurs et lectrices des plats plays de se procurer cet ouvrage pour passer un excellent moment de lecture. Le texte est bien écrit et on se laisse facilement emporter par un style élégant et enjoué.