Boijmans acquiert un recueil de gravures du XVIe siècle rempli d’êtres fantastiques
Les Songes drolatiques de Pantagruel, livre du XVIe
siècle contenant 120 gravures sur bois, s’est ajouté à la collection du musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam. Cette œuvre fantastique présente un défilé de monstres, des êtres étranges et hybrides qui semblent tout droit sortis des œuvres grotesques de Bosch ou de Bruegel.
L’acquisition du livre d’estampes de 1565 intitulé Les Songes drolatiques de Pantagruel a été rendue possible grâce au soutien de l’association Rembrandt (en partie grâce à son fonds thématique pour le Moyen Âge et la Renaissance) et de la fondation Lucas van Leyden.
© musée Boijmans Van Beuningen / photo par Studio Tromp
Le musée Boijmans est le seul musée des Pays-Bas à posséder une importante collection d’œuvres de Bosch et de Bruegel, ainsi qu’une collection internationale sur le surréalisme, de sorte que le livre constitue un lien intriguant dans ce continuum. Ces “songes drolatiques” peuvent déjà être admirés dans la collection en ligne du musée ; à partir de cet automne, ils seront également exposés dans le nouveau Depot Boijmans Van Beuningen.
Bijl de Vroe, directeur de l’association Rembrandt: «Ce défilé de créatures fantastiques montre ce qui s’est passé lorsque les artistes du XVIe siècle ont laissé libre cours à leur imagination. Il s’agit d’une acquisition qui s’inscrit dans la tradition fantastique de Bosch et Bruegel jusqu’au surréalisme.»
Sjarel Ex, directeur du musée Boijmans Van Beuningen : «Les Songes drolatiques constituent une acquisition exceptionnelle pour la collection de gravures et de dessins, tout en élargissant le contexte historique vivant fourni par notre collection unique d’art surréaliste et fantastique, de la fin du Moyen Âge jusqu’à Dalí.»
© musée Boijmans Van Beuningen / photo de Studio Tromp
Des êtres singuliers ventrus ou bossus
Rabelais, Bosch, Bruegel, Dalí, voilà les grandes figures auxquelles sont associés Les Songes drolatiques de Pantagruel. L’éditeur de ce petit livre d’estampes, Richard Breton, avait déjà contribué à ce statut mythique lorsqu’il a publié le volume à Paris en 1565, en prétendant qu’il s’agissait de la «dernière œuvre» de l’auteur François Rabelais et en le nommant d’après son best-seller sur le géant Pantagruel. Les Songes drolatiques
contiennent 120 gravures sur bois. Chaque page présente un personnage différent: des êtres singuliers, hybrides, une combinaison d’humain et d’animal, d’insecte, de plante et d’objet, ventrus ou bossus, avec des nez, des museaux, des troncs ou des becs extraordinaires.
Ces créatures font immédiatement penser aux monstres hybrides de Jérôme Bosch et de Pieter Bruegel. Certains des thèmes sont directement empruntés à des gravures de Bruegel. Les gravures sur bois sont aujourd’hui attribuées au dessinateur et éditeur parisien du XVIe siècle, François Desprez.
© musée Boijmans Van Beuningen / photo de Studio Tromp
Collection d’œuvres surréalistes
Depuis les années 1960, le musée Boijmans Van Beuningen a constitué la seule collection internationale d’œuvres surréalistes aux Pays-Bas, avec des chefs-d’œuvre de Salvador Dalí, René Magritte, Yves Tanguy et d’autres encore. Cependant, le musée considère que le surréalisme est bien plus qu’un mouvement artistique bien défini et y inclut des œuvres d’art avec des motifs surréalistes du passé, comme Les Songes drolatiques.
Des reproductions de l’original des Songes drolatiques de Pantagruel ont été publiées après sa redécouverte au XIXe siècle. C’est ainsi que l’œuvre a attiré l’attention des surréalistes, qui y ont décelé une connivence d’esprit. En 1973, Salvador Dalí a réalisé des reprises de ces estampes, déjà vieilles de quatre siècles, sous la forme d’une série de 23 lithographies.
Les Songes drolatiques sont donc un maillon du continuum de l’art fantastique qui s’étend de la fin du Moyen Âge au mouvement surréaliste et se poursuit aujourd’hui de manière essentielle.
Un entrepôt d'œuvres d'art accessible au public
© photo d’Ossip van Duivenbode
Alors que la rénovation et le réaménagement complets du musée sont en cours, la collection reste visible dans les salles de classe et les musées du monde entier. À l’automne 2021, la collection sera rassemblée au Depot Boijmans Van Beuningen, le premier entrepôt d’art au monde à être accessible au public.
Les visiteurs pourront se familiariser avec la gestion, l’étude et la restauration de la collection d’art. Celle-ci comprend quelque 151 000 objets, dont des chefs-d’œuvre de toute l’histoire de l’art occidental, des arts appliqués et du design, du Moyen Âge à nos jours. L’ouverture au public de l’entrepôt, une icône architecturale conçue par MVRDV, ne peut que renforcer l’attrait du Museumpark de Rotterdam en tant que plateforme artistique internationale.
© photo d’Ossip van Duivenbode