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histoire

Cellule ou châtiment corporel: des sanctions sévères pour les étudiants d’antan

Par Jarrik Van Der Biest, traduit par Ludovic Pierard
24 septembre 2021 4 min. temps de lecture

Avec la rentrée académique, les campus et les villes vivent à nouveau au rythme des animations étudiantes, dans la joie et la bonne humeur. Toutefois, un rassemblement de jeunes enthousiastes peut parfois dégénérer en comportements inadaptés, comme de l’ébriété et du vandalisme. Les bêtises d’étudiants ne sont pas un phénomène contemporain, affirme l’historien Jarrik Van der Biest. Mais les sanctions étaient autrefois bien plus lourdes.

À l’heure actuelle, les études sont vues comme une sorte de phase intermédiaire avant d’atteindre l’âge adulte. Grâce à cette «adolescence prolongée», la plupart des étudiants restent encore un peu exemptés de leurs responsabilités de grande personne, alors que, dans le même temps, leur séjour dans une ville universitaire leur offre la possibilité de goûter aux plaisirs d’une vie d’adulte (sexe, alcool et rock’n’roll) sans le regard omniprésent des parents.

Ces idées sur l’adolescence prolongée sont apparues assez récemment. Ce n’est en effet que depuis la démocratisation de l’enseignement supérieur, dans la seconde moitié du vingtième siècle, que les hautes écoles et les universités ont commencé à attirer des jeunes issus des différentes couches de la société. Auparavant, les études étaient réservées à ceux qui pouvaient compter sur le soutien d’une famille aisée ou d’un système de bourse. Cela signifie-t-il pour autant que les étudiants d’alors s’abstenaient de toute bêtise? Essayons de nous représenter Louvain à l’époque des temps modernes.

Nerds pieux ou simples hypocrites?

Quand on évoque l’université des temps modernes, on visualise de petits génies pieux se consacrant corps et âme à l’étude de la Bible et des mystères de la philosophie, ou recopiant avec zèle des exemples de phrases en grec, en hébreu et en latin, une image que l’organisation d’une journée telle que prescrite dans le règlement de la faculté des Arts en 1760 ne semble pas démentir. Les étudiants devaient en effet se lever dès quatre heures et demie pour assister à la prière du matin et suivre plusieurs cours avant le petit-déjeuner. À dix heures, ils pouvaient sortir une demi-heure, après quoi ils devaient de nouveau se consacrer à l’étude pour le reste de la journée (à l’exception du dîner et du goûter). Ils se couchaient à neuf heures du soir, et à dix heures, c’était l’extinction des feux.

Ce régime rigoureux évoque chez nous des parallèles bien trop familiers avec la quarantaine, les recommandations de se promener quotidiennement et le couvre-feu. Quand on sait en outre que les étudiants logés dans les résidences universitaires se plaignaient sans cesse de la mauvaise qualité des meubles, des courants d’air et des invasions de vermine, on comprend que les études supérieures ressemblaient davantage à une vie de moine ascète qu’à une période prolongée de liberté de jeune adulte.

Des escapades enivrées

Les cours manuscrits des étudiants des temps modernes révèlent cependant une tout autre histoire. Un thème récurrent et bien connu est la consommation de bière. Certains d’entre eux ont écrit plusieurs chansons de beuverie étonnamment proches des chants de cantus actuels. Souvent, ils les annotaient sous la forme d’une chope ou d’un homme saoul. Pour aller boire, les jeunes filaient en douce la nuit, s’éclipsant de leurs dortoirs et sortaient régulièrement de Louvain qui imposait de nombreuses taxes sur les boissons.

Cette consommation d’alcool dégénérait déjà parfois en actes de vandalisme et en bagarres. Il était fréquent que l’université doive intervenir lorsque les jeux de cartes et les paris partaient en vrille. Beaucoup d’étudiants portaient même sur eux un couteau en secret. À l’instar des générations actuelles qui balancent à l’occasion un vélo dans l’eau au beau milieu de la nuit, certains de leurs prédécesseurs des temps modernes traînèrent des canons postés sur les remparts de la ville pour les jeter dans la Dyle.

Existait-il une culture estudiantine dans les temps modernes?

Les jeux amoureux n’étaient pas non plus inconnus des jeunes hommes de l’université. Un dessin récurrent dans les carnets de notes est celui de la Verloren Kosttoren, une grande tour délabrée sur les remparts de Louvain. Était-ce là un lieu apprécié pour les rendez-vous secrets, loin des regards indiscrets ? Le fait est qu’au dix-huitième siècle, le mariage louvaniste, c’est-à-dire l’union conjugale entre un étudiant et la fille, enceinte, de son «kotbaas» (son logeur), était un terme entré dans le langage courant. L’université tenta d’interdire aux prêtres de consacrer ces noces auxquelles les parents n’avaient pas donné leur consentement explicite.

Il ne fait aucun doute que les plaisirs séculiers n’étaient pas étrangers aux étudiants de l’époque. Il y a toutefois un bémol à cette histoire. De nos jours, les conséquences du comportement nocturne des jeunes sont plutôt légères. Au pire, ils doivent payer une amende ou passer une petite nuit en cellule pour dégriser. Prononcées par l’université elle-même, les punitions infligées aux étudiants des temps modernes étaient en revanche souvent sévères. Les différentes résidences universitaires appliquaient leurs propres procédures disciplinaires en cas de violation du couvre-feu, parmi lesquelles un séjour temporaire dans un monastère et une flagellation à coups de verge. Pour punir des infractions plus lourdes, l’université disposait de ses propres cachots. Le 6 janvier 1773, une de ces peines d’emprisonnement tourna mal. Un étudiant en philosophie y fut retrouvé mort, tué par le gel. Le promoteur avait manifestement oublié de contrôler la température. Deux autres avaient survécu à leur enfermement en s’enroulant dans des couvertures et en mangeant de la neige fondue.

Cet article a été publié auparavant sur cultuurgeschiedenis.be
Jarrik

Jarrik Van Der Biest

Il prépare un doctorat sur le contenu des cours théologiques à l’université de Louvain pendant la Révolte des Gueux.

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