Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

De la difficulté de traduire le néerlandais
Le néerlandais dans le monde
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De la difficulté de traduire le néerlandais

Les traducteurs sont des «passeurs de culture» indispensables. Grâce à eux, nous pouvons avoir accès à des écrits en d’autres langues, ce qui permet notamment aux non-néerlandophones de découvrir la culture néerlandaise ou flamande. Mais peut-on vraiment tout traduire? Existe-t-il en néerlandais des mots, concepts et expressions intraduisibles? De mierenneuken à poldermodel en passant par gezellig et uitwaaien, la traductologue Goedele De Sterck se penche sur l’«intraduisibilité» du néerlandais et sur les stratégies mises en œuvre pour la contourner.

Van Dale donne une définition succincte du verbe vertalen (traduire): van de ene taal in de andere overbrengen (faire passer, transposer d’une langue à une autre). À proprement parler, tout est intraduisible, étant donné que la concordance entre deux langues ou cultures n’est jamais parfaite. Chaque culture adopte sa propre grille de lecture qui lui fait percevoir et nommer autrement le monde et les êtres qui le peuplent, de sorte que toute correspondance biunivoque est par définition impossible. Cela vaut particulièrement pour les phénomènes concrets spécifiques à une culture, que l’on considère souvent comme intraduisibles: toponymes, références historiques, institutions publiques, habitudes culinaires, coutumes religieuses et concepts abstraits complexes… Tous ces éléments trahissent une vision culturelle, nationale ou régionale du monde et de l’existence.

Cette difficulté tient au fait que le phénomène ou le concept même, sa valeur sémantique et souvent aussi sa connotation affective n’ont pas d’équivalents dans d’autres langues. À titre d’exemples, citons baraka en arabe, seny en catalan, hygge en norvégien, saudade en portugais ou namaste en langues indiennes. En outre, de nombreuses langues englobent diverses cultures qui, à leur tour, se distinguent entre elles quant à la vision du monde, aux phénomènes culturels et à l’usage linguistique. Résultat: des problèmes de traduction peuvent aussi survenir au sein d’une même langue. Ainsi, aux Pays-Bas, lopen signifie «marcher», tandis que les Flamands utilisent également ce terme dans le sens de «courir». En Belgique, bank désigne un siège dur («banc»), tandis qu’aux Pays-Bas, il peut aussi s’agir d’un canapé beaucoup plus confortable. Ce que les Belges appellent frieten (frites) et croques (croque-monsieur), devient pour les Néerlandais patat et tosti’s

Les emprunts lexicaux, une stratégie de traduction parmi d’autres

Ces faits et phénomènes culturels ne posent aucun problème aussi longtemps qu’ils restent dans les limites de la propre langue ou communauté culturelle. Mais dès qu’ils en sortent et deviennent objets de discussion dans d’autres langues, on fait face à une lacune lexicale qu’il convient de combler. Les contacts interlinguistiques concernent toutes les époques et tous les continents. Autrefois, on avait affaire à des contacts directs: un groupe souvent limité de locuteurs se trouvait confronté à une langue étrangère lors de missions commerciales, explorations, colonisations, guerres, voyages ou migrations. De nos jours, les innombrables contacts indirects qui se produisent au travers des nouveaux médias sont largement prédominants.

Un nombre beaucoup plus élevé d’individus sont désormais exposés à ces contacts entre langues et doivent inconsciemment accomplir la tâche de traducteur lorsqu’ils se voient confrontés à un phénomène nouveau ou inconnu procédant d’une autre langue. Pour ce faire, ils mettent généralement en œuvre une stratégie de traduction immémoriale: au lieu d’inventer un équivalent dans leur langue, ils adoptent le mot étranger et lui donnent le nom d’«emprunt».

La mondialisation a pour effet de convertir instantanément de nombreux emprunts en «internationalismes» (c’est-à-dire des mots couramment utilisés dans plusieurs langues, dont le néerlandais). Sans surprise, c’est l’anglais qui constitue la principale source d’emprunts, en raison de son statut privilégié à l’international.

La liste des internationalismes anglais semble interminable et couvre à peu près tous les domaines de l’existence: fake news, low cost, Black Friday, burnout, celebrity, pen drive… Autant de réalités ou de phénomènes qui, comme leur nom anglais, ont conquis de vastes régions du monde. Toutefois, les échanges culturels croissants et toujours plus rapides favorisent aussi les contacts avec d’autres langues étrangères. Par exemple, le feng shui (chinois) fait désormais partie intégrante de l’aménagement des espaces de vie et de travail. Le terme halal (arabe) est, lui aussi, fermement ancré dans le vocabulaire international. Nous avons tous goûté au kimchi (coréen) ou à l’edamame (japonais). Et qui pourrait résister à l’envoûtement du duende (espagnol) lors d’un spectacle de flamenco andalou?

Étant donné que tous ces emprunts internationaux figurent régulièrement dans des livres, journaux, magazines et sites web néerlandophones, ils ont fait leur entrée au Dikke Van Dale au cours des dernières décennies et appartiennent désormais à la langue néerlandaise. Le Van Dale Groot Leenwoordenboek (2005) en recense pas moins de 12 751. Comme toutes les autres langues, le néerlandais est constitué en grande partie de mots étrangers non traduits qui, au fil du temps, se sont pleinement intégrés. Qui perçoit aujourd’hui l’origine étrangère de mots tels qu’avocado (1770, de l’espagnol avigato, en français: avocat), duister (1350, du russe tusk, en français: obscurité) ou walrus (1594, du suédois hvalross ou du danois hvalros, en français: baleine)?

Qu’en est-il dans l’autre sens? Le néerlandais exporte-t-il aussi des phénomènes et des mots vers d’autres langues? Nicoline van der Sijs, qui a publié l’ouvrage Nederlandse woorden wereldwijd (2010) et lancé le site internet Uitleenwoordenbank (depuis 2015), peut nous éclairer sur cette question. Elle explique qu’au cours de l’histoire, le néerlandais a «prêté» 18 242 termes à 138 langues, ce qui donne un total de 48 446 mots néerlandais adoptés par des langues étrangères.

La Uitleenwoordenbank (banque d’emprunts lexicaux) fait état de 89 mots qui sont passés directement ou indirectement dans plus de 20 langues et ont dès lors connu une destinée internationale. Les termes de navigation et d’ingénierie hydraulique représentent plus de cinq pour cent des emprunts, un pourcentage plus élevé que dans un lexique néerlandais moyen. Ce champ lexical est donc un exemple spécifique de la manière dont la position dominante et les idées novatrices des Plats Pays dans les domaines de la construction navale et de la gestion de l’eau ont contribué à ce que de nombreuses autres langues adoptent le vocabulaire correspondant, souvent tel quel, pour nommer les phénomènes nouveaux et importés. Les emprunts lexicaux s’avèrent ainsi bel et bien former une stratégie de traduction.

Une invention comme le polder, qui remonte à la fin du Moyen Âge, est sans aucun doute l’une des principales contributions du néerlandais au vocabulaire international. Les habitants des Plats Pays ont été les premiers au monde à s’adonner à la poldérisation, c’est-à-dire à l’endiguement et à l’assèchement de vastes étendues de terre gagnées sur la mer. C’est la raison pour laquelle le mot polder a été adopté dans de nombreuses langues, même au-delà du continent européen. Cet internationalisme, qui selon la Uitleenwoordenbank est utilisé dans 36 langues, a résisté à l’épreuve du temps et est toujours bien vivace.

Tableau 1. Adoption du terme « polder » (dont l’origine remonte au XIIe siècle) par différentes familles de langues:

Polder (« terre asséchée »): 36 langues, dont quelques exemples

Langues germaniques:

Polder (allemand), polder (anglais), polder (norvégien), polder (suédois)

Langues romanes:

pòlder (catalan), polder (français), pólder (espagnol), pòlder (italien), pólder/pôlder (portugais)

Langues slaves:

polder (croate), polderis (letton), polder (polonais), pol’der (russe)

Autres langues:

al-būldar (arabe), polnter (grec), porudā (japonais), polder (sranan tongo)

Sources :Uitleenwoordenbank, Etymologiebank et dictionnaires de référence

Les emprunts au néerlandais ont connu deux apogées: au Moyen Âge et au XIXe siècle. Depuis lors, la langue néerlandaise adopte beaucoup plus d’emprunts étrangers qu’elle n’en fournit. Mais les contacts incessants qui se produisent à petite échelle remettent en cause le caractère «étranger» et «intraduisible» du néerlandais. C’est particulièrement le cas pour les traducteurs professionnels.

Traducteurs et intraduisibilité

Alors, traduisible, intraduisible? Tout dépend du point de vue adopté. La pratique de la traduction semble démontrer que l’on peut tout traduire d’une manière ou d’une autre, ne serait-ce que parce qu’aucun traducteur ne se voit forcé de livrer un texte «à trous».

L’intraduisibilité s’appuie sur deux prémisses qui vont à l’encontre de ce que nous pourrions appeler l’art de la traduction. La première prétend que traduire se fait mot à mot et la seconde est fondée sur la conviction que les emprunts à d’autres langues ne relèvent pas de la traduction. On répondra tout d’abord à cela que les traducteurs ne traduisent pas des mots, mais des textes. C’est le résultat global qui compte. L’impossibilité apparente de traduire certaines nuances peut être compensée par le contexte et l’interaction entre les mots, de sorte que le puzzle reste intact malgré l’utilisation d’autres pièces et la manière différente d’agencer celles-ci.

Pour revenir aux premières lignes de cet article : traduire, c’est parvenir à rendre dans une autre langue ce qui est à proprement parler intraduisible. Mais comment? En recourant à un éventail de stratégies pour résoudre les problèmes potentiels de traduction. L’une d’entre elles consiste précisément à emprunter des mots étrangers.

traduire, c’est parvenir à rendre dans une autre langue ce qui est à proprement parler intraduisible

Faisons un petit test pour en avoir le cœur net. De nombreux textes circulant sur internet mentionnent des mots intraduisibles. Comme pierre de touche, j’utiliserai ici le glossaire du psychologue britannique Tim Lomas qui, dans le cadre d’un projet de recherche, collecte des termes intraduisibles relatifs au bien-être et aux relations harmonieuses. La version actuelle du glossaire compte vingt-deux candidats néerlandais. Par ordre alphabétique : binnenpretje (le fait de rire tout seul), borrel (une petite fête informelle ou un petit verre), deftig (chic, distingué), eigenwijs (excentrique, original), engelengeduld (patience d’ange), feestvarken (héros de la fête), gedogen (tolérer, fermer les yeux), gelijkhebberig (qui veut toujours avoir raison), gezellig (agréable, confortable, convivial), gunnen (se réjouir du bonheur d’autrui), luchtkasteel (projet chimérique), mierenneuker (enculeur de mouches, tatillon), niksen (se tourner les pouces, glander), poldermodel (processus décisionnel basé sur le consensus), pretoogjes (regard scintillant ou espiègle), lekker (bon, agréable, délicieux…), sterkte! (bon courage!), uitbuiken (digérer tranquillement), uitwaaien (marcher dans le vent, prendre l’air), uitzieken (attendre qu’une maladie passe), vakidioot (personne obsédée par ses études ou son travail) et weemoed (mélancolie, vague à l’âme).

Beaucoup de ces mots sont cités dans d’autres publications, notamment dans un récent article du quotidien flamand De Standaard intitulé «Lost in translation». Il s’agit d’une liste hétéroclite de termes qui posent divers défis au traducteur.

Cette liste inclut des mots clairement liés à une culture donnée, en l’espèce celle des Pays-Bas ou de l’aire néerlandophone, comme poldermodel et uitwaaien. Les deux mots correspondent à des phénomènes inconnus dans d’autres langues et perçus comme «typiquement néerlandais».

Le terme poldermodel relève du domaine administratif et apparaît, entre autres, dans des textes de l’Union européenne. Cet emprunt est si solidement ancré dans le jargon de l’UE qu’il a fait son entrée dans la banque de terminologie des institutions européennes. Certaines traductions de l’UE optent pour une paraphrase tout en mentionnant l’emprunt entre guillemets, comme dans le cas suivant : a tradition of Dutch consensual decision-making (‘poldermodel’). Mais il arrive aussi que les traducteurs européens optent systématiquement pour l’emprunt, quelle que soit leur langue, comme l’illustre le tableau suivant. Cette stratégie de traduction s’accompagne d’informations complémentaires sur l’origine géographique (néerlandais/des Pays-Bas/des Néerlandais). Certains traducteurs emploient des guillemets pour indiquer qu’il s’agit d’un phénomène «étranger» et «emprunté». L’adoption précoce de polder à l’international a sans aucun doute ouvert la voie à cette application de la stratégie d’emprunt.

Tableau 2. Traduction de poldermodel dans les textes de l’UE

Néerlandais:

In het poldermodel hebben de sociale partners hun eigen verantwoordelijkheid voor gebieden als werkorganisatie, salariëring en levenslang leren.

Danois:

nederlandske « Polder-model »

Allemand:

niederländischen Polder-Modell

Anglais:

Dutch Polder model

Français:

« modèle des Polders » néerlandais

Grec:

μοντέλο των ολλανδικών πόλντερ

Italien:

modello olandese di Polder

Portugais:

modelo Polder dos Países Baixos

Espagnol:

modelo pólder neerlandés

Suédois:

nederländska «poldermodellen»

Source: EUR-lex

Le phénomène culturel désigné par le terme uitwaaien jouit également d’une certaine reconnaissance internationale. En novembre 2020, par exemple, de nombreux articles de presse parus en différentes langues ont fait son éloge comme remède contre le stress et l’anxiété (la crise sanitaire et les confinements successifs y étant sans doute pour quelque chose). Par ailleurs, ce verbe apparaît souvent sur les sites web multilingues qui font la promotion de sites touristiques aux Pays-Bas et en Flandre. Comme ce mot est difficile à prononcer et à écrire, les traducteurs renoncent d’ordinaire à l’emprunter et recourent à une description imagée dans leur propre langue, du genre «s’oxygéner» ou «prendre un bol d’air». Citons quelques exemples: Schnuppern Sie die frische Luft (allemand), Breathe the fresh sea air /Would you like to feel a fresh sea breeze (anglais) ou Te regalamos una bocanada de aire fresco (espagnol).

Un autre problème auquel le traducteur se trouve confronté tient aux sens différents que de nombreux mots peuvent prendre en fonction du contexte, sans qu’il existe d’équivalent unique dans la langue cible. De plus, ces acceptions ont souvent une connotation affective difficile à exprimer en mots et qui varie passablement d’une personne à l’autre. Demandez à dix néerlandophones de vous donner une définition de deftig, eigenwijs, gunnen ou gezellig et vous obtiendrez à n’en pas douter des réponses différentes. En pareil cas, les dictionnaires multilingues proposent habituellement une série d’équivalents possibles. Au traducteur d’interpréter correctement le texte source et de choisir la solution la plus appropriée.

Gezellig est un exemple classique qui se retrouve immanquablement dans les listes de mots intraduisibles. Van Dale distingue trois acceptions dans l’usage actuel: 1) qui rend les rapports agréables entre personnes; 2) où il fait bon se trouver, séjourner; 3) sympathique, joli (à voir, à lire, etc.). Le site multilingue Mijnwoordenboek (néerlandais, allemand, français, anglais et espagnol) ne mentionne que deux options, à savoir «quand on passe un moment très agréable en bonne compagnie» et «quand quelqu’un ou quelque chose vous fait une impression très favorable». Comme équivalents possibles (en fonction du contexte), il propose notamment sociable, intime, familial, familier, confortable, douillet et sympathique pour une langue romane comme le français, et wohlfühlend, gesellig, umgänglich, unterhaltsam, unterhaltend, freundschaftlich, gemütlich et traut pour une langue germanique comme l’allemand.

L’exemple suivant montre que gezellig est bel et bien traduit dans la pratique.

Tableau 3. Variantes en d’autres langues de gezellig dans des traductions de livres, regroupées par familles de langues

Néerlandais:

1. Om gezellig over kunst te babbelen?

2.een gezellig, rond vertrek

3. Hij was onderhoudend en gezellig.

Danois:

Til en løs snak om diverse kunstværker?

et hyggeligt rum

An var underholdende og gemytlig.

Allemand:

Um ein bisschen über Kunst mit dir zu plaudern?

einem gemütlichen , runden Zimmer

Er war unterhaltsam und gesellig.

Anglais:

To make artistic small talk?

a cosy, round room

He was entertaining and good-natured.

Suédois:

För att småprata om konst?

ett hemtrevligt, runt rum

Han var underhållande och gemytlig.

Français:

Pour échanger des points de vue sur l’art?

une salle ronde, confortable et accueillante

-

Italien:

Per fare due chiacchiere sull' arte?

una stanza accogliente a pianta rotonda

Era una persona piacevole e gioviale.

Portugais:

Para conversar a respeito de arte?

uma divisão circular e acolhedor

Tinha uma boa lábia e era jovial.

Espagnol:

¿Para charlar un rato sobre arte?

una habitación redonda y acogedora

Era ameno y campechano.

Source : Czech National Corpus

Que constate-t-on? Tout d’abord, les langues apparentées proposent parfois des solutions similaires (français, accueillant ; italien, accogliente ; portugais, acolhedor ; espagnol, acogedor). Ensuite, les traductions dépendent du contexte (suédois, småprata versus hemtrevligt versus gemytlig). Enfin, chaque traduction relève en définitive de l’interprétation personnelle. Toutes les solutions ne sont pas aussi ingénieuses et, dans certains cas, la nuance se perd (pour échanger des points de vue sur l’art en français ou para conversar a respeito de arte en portugais). Cela dit, les traducteurs compétents disposent de nombreuses stratégies pour contourner l’intraduisibilité. Dans l’exemple 1, le néerlandais gezellig est rendu dans une large mesure par le verbe (plaudern ou charlar), avec parfois l’ajout d’une locution informelle (ein bisschen ou un rato). L’exemple 2 évoque l’idée d’accueillant dans toutes les langues. Enfin, dans l’exemple 3, la qualité humaine complexe exprimée par gezellig donne lieu à des interprétations et à des ressentis différents chez les traducteurs, qui vont de l’allemand gesellig –proche du néerlandais dans ce contexte– au campechano typiquement espagnol et tout aussi «intraduisible».

Le dernier problème de traduction que je souhaite commenter ici est d’ordre à la fois linguistique et culturel. Les langues germaniques, et en particulier le néerlandais, abondent en mots composés que l’on emploie au sens figuré. Il s’agit d’un processus extrêmement productif qui nécessite souvent la recherche d’une solution culturelle ou linguistique différente dans d’autres langues. À cet égard, plus l’affinité entre les langues et les cultures est grande, plus les solutions sont analogues. Ainsi, certains termes figurant dans la liste ont un équivalent presque littéral dans d’autres langues européennes. Par exemple: castles in the air (anglais) ou Luftschlösser (allemand) pour luchtkastelen. C’est également le cas de engelengeduld. Nos racines communes, chrétiennes et indo-européennes, autorisent un transfert de l’image: soit par les anges (dans les langues germaniques), soit par les saints (dans les langues romanes) ; tantôt en un mot, tantôt en plusieurs mots: angelic patience (anglais), Engelsgeduld (allemand), pazienza di un santo/santa pazienza (italien) ou paciencia de un santo/santa paciencia (espagnol). Et même des termes comme miereneuker ou muggenzifter («personne qui se perd dans les détails», Van Dale) peuvent souvent être traduits sans nuire à la métaphore, quoique l’insecte change parfois de nom (une punaise en espagnol avec chinchoso, une larve de pou en anglais avec nitpicker, une bestiole en portugais avec bicheiro et coca-bichinhos, sans oublier «la petite bête» en français).

Prédestinés à nous comprendre

Qu’entendons-nous par «intraduisible»? Que considérons-nous comme «nôtre» ou «étranger»? Les langues et les cultures sont des creusets et les contacts interlinguistiques n’ont jamais été aussi fréquents qu’aujourd’hui. L’essor des affaires et des phénomènes internationaux est inexorable, les emprunts lexicaux à d’autres cultures sont aussi vieux que l’humanité. Et ces emprunts font partie des stratégies utilisées par les traducteurs pour relever le défi de traduire ce qui est à proprement parler intraduisible.

Au bout du compte, nous sommes prédestinés à nous comprendre. Il existe certes des différences entre les langues et les cultures, mais moins qu’on ne le pense. Heureusement, sinon les traducteurs et les traductions ne seraient d’aucune utilité.

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