Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

Publications

Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

Dunkerque, 9 mai 1945: une libération bien tardive
Les Pays-Bas français
Histoire

Dunkerque, 9 mai 1945: une libération bien tardive

La ville portuaire de Dunkerque fut libérée le 9 mai 1945, il y a donc exactement 75 ans aujourd’hui, après un siège de huit mois. Dirigeant ses troupes d’une main de fer, le tenace amiral allemand F. Frisius n’accepta en effet la reddition inconditionnelle que le lendemain de la capitulation définitive de l’Allemagne nazie.

La mémoire de la libération retardée de Dunkerque demeure toujours ancrée dans l’environnement commémoratif et culturel de la cité. Chaque année, cérémonie officielle, exposition et conférence rappellent cet événement qui, sur le plan historique, a déjà fait l’objet de nombreuses recherches et publications. Pour autant, de nouvelles investigations sont en cours au plan local, notamment à l’appui des archives anglo-saxonnes encore insuffisamment explorées.

Cet épisode de la Seconde Guerre mondiale prend sa source dans les premiers mois de l’année 1944 quand les Allemands, qui craignent un débarquement sur les côtes du Nord–Pas-de-Calais, décident de placer en défense tout le secteur côtier. Le sort de Dunkerque semble alors pratiquement scellé.

En janvier, onze villes portuaires françaises dont Dunkerque sont, sur décision personnelle de Hitler, érigées au rang de «forteresses», ces places fortes devant être tenues jusqu’au dernier homme dans l’hypothèse où une contre-offensive devrait être lancée. Dès février, l’inondation est tendue sur les canaux de la région dunkerquoise suivie, le 12 avril, de celle par eau de mer, isolant ainsi un territoire de 20 km de côté sur 8 km d’arrière-pays, correspondant approximativement au périmètre défendu en mai-juin 1940 par les troupes françaises et britanniques pour assurer le succès du rembarquement. Dans le même temps, l’autorité occupante ordonne au préfet du Nord d’engager l’évacuation de la population civile. Les départs, qui concernent plus de 50 000 personnes, considérées comme «bouches inutiles», s’échelonnent jusqu’à la fin mars, en direction des départements de refuge de l’Aube ou de la Côte d’Or mais aussi des villes et villages de Flandre intérieure.

L’état d’alerte est proclamé après les opérations de débarquement en Normandie et, le 30 juin, les Allemands exigent l’évacuation totale de la population mais environ 25 000 habitants, croyant à une libération très proche et redoutant le pillage de leur habitation, ne cèdent pas aux injonctions. Dans les derniers jours du mois d’août, la 226e division d’infanterie allemande, en retraite depuis la Seine, composée de trois régiments à deux bataillons chacun et d’un régiment d’artillerie, s’établit à Dunkerque pour défendre le camp retranché. À ces forces s’ajoutent les éléments de la Kriegsmarine établis de longue date. Enfin, le 3 septembre, le contre-amiral Friedrich Frisius, commandant maritime du Pas-de-Calais, en provenance de Boulogne-sur-Mer, rejoint Dunkerque, bien décidé à réorganiser la défense de la place et à en prendre le commandement. Le 22 septembre, il est officiellement nommé à ce poste par Berlin et promu vice-amiral le 30.

Si la libération du Nord et du Pas-de-Calais s’effectue au pas de charge, un «mai 40 à l’envers», les Alliés se heurtent à une vigoureuse résistance des «forteresses» de Boulogne et de Calais qui ne se rendront respectivement que les 22 et 30 septembre, à l’issue de farouches combats. Pour des nécessités logistiques, leur objectif est Anvers dont le port, resté intact grâce à la Résistance belge, est cependant inutilisable dans l’immédiat, car l’ennemi en tient l’estuaire avec détermination. Le 13 septembre, sur ordre du général Montgomery, la 1ère armée canadienne du général Crerar est officiellement déchargée de la prise de Dunkerque et doit rejoindre le secteur d’Anvers. Dans un premier temps, elle est remplacée par un régiment canadien d’artillerie lourde et de maigres forces françaises issues de la Résistance. Dunkerque, dont le port est inutilisable après les bombardements britanniques et les destructions systématiques des quais opérées par les Allemands début septembre, est définitivement gommée de la stratégie des Alliés.

Une ville assiégée

Pendant ce temps, l’amiral Frisius, conscient de la médiocrité des forces dont il dispose, peaufine sa défense, repositionne son artillerie et se prépare à former des groupes de combat. Il consent à une trêve, conclue du 3 au 6 octobre, permettant à 17 522 civils de rejoindre le territoire libéré des Flandres. Mais 571 habitants, pour des raisons diverses dont principalement la protection de leurs biens, refusent la liberté qui leur est offerte. De même, demeurent dans la «poche» jusqu’en avril 1945, les 173 vieillards en résidence à la maison de retraite des Petites Sœurs des pauvres à Rosendaël. Côté allié, la relève des Canadiens est assurée par la brigade blindée autonome tchécoslovaque du général Liška, qui prend position sur le front le 6 octobre.

À ses côtés vont combattre un groupe d’artilleurs britanniques et certaines unités françaises, dont 1 200 combattants volontaires hâtivement constitués en unités régulières au sein du 110e RI puis du 51e RI, un groupe franc de fusiliers marins arrivé en décembre, et, en février, un bataillon du 67e RI ainsi que deux bataillons du 33e RI. Si les tirs de l’artillerie alliée et les raids de l’aviation britannique sont pratiquement quotidiens durant ce siège de près de neuf mois, les combats terrestres sont peu fréquents et se résument à des accrochages souvent très meurtriers. Cependant, à quelques reprises, la lutte est sévère, notamment en octobre-novembre 1944 et en avril 1945 quand une contre-attaque allemande va nécessiter une intervention soutenue de l’aviation.

L’amiral Frisius, nazi halluciné jusqu’au-boutiste, qui a dirigé d’une main de fer sa garnison de 12 000 hommes, ne consent à déposer les armes que le 8 mai 1945, après la capitulation sans conditions de l’Allemagne nazie signée la veille à Reims. Le lendemain, il apporte aux Alliés à Wormhout son acte de reddition. Dunkerque en ruines retrouve enfin la liberté mais son port est anéanti et toute la région truffée de mines. Le temps des épreuves est loin d’être achevé. Pour reprendre le mot de Léon Gambetta : «L’ère des périls est passée, celle des difficultés commence.»

Tous ces événements tragiques des derniers mois de la Seconde Guerre mondiale ont aujourd’hui leur inscription patrimoniale dans la mémoire dunkerquoise, mais ils sont largement supplantés par l’opération Dynamo de mai-juin 1940. Le remarquable film de Christopher Nolan Dunkerque a réveillé l’épopée du rembarquement des troupes alliées, et a suscité une prise de conscience des autorités municipales qui ont su saisir cette opportunité médiatique pour développer le tourisme de mémoire … à destination d’un public essentiellement britannique car, dans les esprits français, Dunkerque est toujours synonyme d’une humiliante défaite.

S’inscrire

S’enregistrer ou s’inscrire pour lire ou acheter un article.

Désolé

Vous visitez ce site web via un profil public.
Cela vous permet de lire tous les articles, mais pas d’acheter des produits.

Important à savoir


Lorsque vous achetez un abonnement, vous donnez la permission de vous réabonner automatiquement. Vous pouvez y mettre fin à tout moment en contactant emma.reynaert@onserfdeel.be.