Elsbet De Pauw: une ligne, une maison, une peau
18 jeunes écrivains de Flandre et des Pays-Bas donnent la parole à un objet de l’exposition Slavernij (Esclavage) du Rijksmuseum à Amsterdam. Elsbet De Pauw a écrit un poème pour accompagner le tableau La maison de poupée
de Petronella Oortman, peint par Jacob Appel en 1710.
© Rijksmuseum, Amsterdam
une ligne, une maison, une peau
compte les visages, cherche la fierté
car ceci est une toile, une surface rêche, une image sans dimension
une scène impalpable
ici les murs forment un paysage
un espace fantôme qui protège de la pluie
protège
du soleil sur la peau
il n’a pas froid
le paysage est solide, la brise fausse
entre ses mains il manque l’objet, il manque le plateau, les verres qui tintent
tout seul dans son coin il est asservi,
c’est lui l’objet
il porte l’air, il porte l’espace
dans la pièce du milieu se tient une fillette, une fillette rose pâle
garde-la au bout d’un fil
garde-la sur le droit chemin
ne la laisse pas déborder
parachève la cambrure
qui a étalé le soleil? fait frémir les arbres?
qui décide de la forme à prendre?
chaque enfant l’apprentissage des bonnes manières, bien
équilibrer les nobles assiettes
le crissement d’un couteau d’argent sur la porcelaine coûteuse
le grincement du parquet en frêne
entre les parois vert émeraude résonne la bienséance, un chœur de fillettes
des sons toujours plus stridents émis par un chœur de fillettes
l’adoration d’un centre, un rejeton bébé
qui est la promesse?
qui ne déborde pas de la ligne plate?
ici tout est prédéterminé:
la distance mesurée entre chaise et table
la distance mesurée entre humain et peau
les sièges vides
à l’abandon
il en a fallu du temps de la précision
mais cet espace résonne
dans les villes hollandaises,
dans le corps courtois
car tout ressemble à autre chose
tout est en trois couches: une ligne, une maison, une personne
une date, une année, une époque
tout seul dans son coin il est le silence, la servitude
ce qui rampe dans les tentures, l’appartenance
à l’espace, l’indispensable
il est trois couches
et surtout l’une d’entre elles:
une ligne, une maison, une peau
l’épaisseur de la peinture
étaler
sécher
une fausse brise
défroisse le ciel, le débarrasse de toute tache