Partagez l'article

littérature Feuilleton

Entre Senne et Oder, 1914-1918: 25 août 1914

Par Joseph Pearce, traduit par Guy Rooryck
23 octobre 2023 4 min. temps de lecture

Dans Tussen Oder en Zenne (Entre Senne et Oder), Joseph Pearce s’attache à l’histoire de ses deux grands-pères: le Flamand Joseph Vandenbrande et le Juif-Allemand Felix Peritz. Pendant la Grande Guerre, les deux se sont retrouvés en posture d’adversaires; c’est cependant ce qui les rapproche que met en exergue Pearce dans son récit. Lisez sous la forme d’un feuilleton les pages consacrées à la période 1914-1918. Épisode 4.

25 août 1914

Il est un peu après cinq heures du matin ce mardi 25 août 1914 quand Joseph se réveille en sursaut. Un orage a-t-il éclaté au-dessus de Vilvorde ? Le soleil s’est levé il y a un bon quart d’heure, la Longue rue des Moulins est baignée d’une lumière voilée d’un blanc grisâtre. Le bruit sourd persiste. De l’artillerie de campagne, c’est certain. Vers midi, les premiers réfugiés affluent dans la ville. Ils viennent de villages au nord de Vilvorde, des communes d’Eppegem, d’Elewijt, de Zemst et de Weerde. La plupart sont à pied, d’autres dans une charrette tirée par un cheval. Joseph observe le défilé depuis l’entrée de sa boutique. « Malines est en ruine », dit un paysan, la main sur le cœur. Joseph ne supporte plus la vue de tant de misère, se précipite à l’intérieur, saisit sur une étagère des boîtes de biscuits et en distribue le contenu en toute hâte aux enfants avant que leurs parents ne les entraînent avec eux.

À Bruxelles, les gens croient que les canons détruisent Vilvorde. L’écrivain Karel Van de Woestijne, qui est le correspondant bruxellois du quotidien néerlandais Nieuwe Rotterdamsche Courant, en est lui aussi convaincu : «Hier soir, bref tumulte : on voit, à l’est, du feu à l’horizon. Des flammèches rougeâtres colorent par à-coups le ciel noir, dans la direction de Vilvorde, où le canon a tonné ce matin. Pas de doute: la paisible cité aux portes de la capitale est en feu.»

Les Bruxellois ignorent que trois divisions de l’armée belge ont quitté leur position derrière les forts d’Anvers et qu’elles avancent sur un front de vingt kilomètres de large. Malines est occupée, Vilvorde et Louvain sont en ligne de mire. L’offensive est due à un ordre de mission du roi Albert. Les Belges ont pour tâche de détourner les Allemands des environs de Mons et de la Sambre pour ainsi soulager les forces britanniques et françaises au nord de Paris. Même si l’avancée des Belges doit faire face à une résistance tenace, un bataillon parvient en fin de journée à s’emparer de Houtem, un hameau près de Vilvorde, à un jet de pierre des frontières de la ville.

À Vilvorde, le crépitement des mitrailleuses et les explosions de grenades sonnent comme de la musique aux oreilles des habitants. La libération approche. Pour la première fois depuis des années, Joseph s’est senti un vrai Belge. Le roi Albert a demandé aux Flamands de se remémorer la bataille des Éperons d’or. Il a également demandé au pays de suspendre toutes les querelles de partis et les divergences d’opinions sociales et politiques. Une trêve. Jef Elias, l’ami de Joseph, n’est pas vraiment convaincu. Le roi ne connaît pas dix mots de flamand, dit-il d’un ton narquois. Pourquoi après la guerre empêcherait-il ses amis francophones d’agir à leur guise ? Mon grand-père trouve que son ami exagère. Est-ce tellement compliqué d’être à la fois belge et flamand ? Le patriotisme ne se limite pas à chanter en chœur l’hymne national le 21 juillet ou à arborer le drapeau tricolore lors de défilés. Le patriotisme, c’est être attaché à sa terre natale, c’est avoir foi en un destin commun, c’est le réconfort qui résulte de la solidarité fraternelle de tous les citoyens.

Vers trois heures de l’après-midi du lendemain, le haut commandement de l ’armée belge, de crainte d’un encerclement, décide d’arrêter l’offensive et de retrancher les troupes derrière les forts de Walem et de Wavre-Sainte-Catherine. À dix heures et quart du soir, toutes les unités belges se sont réfugiées derrière la ceinture des forts d’Anvers.

La traduction des pages consacrées à la période 1914-1918 a été réalisée avec le soutien de Literatuur Vlaanderen.
Photo Joseph Pearce 1

Joseph Pearce

écrivain et journaliste

Commentaires

La section des commentaires est fermée.

Lisez aussi

		WP_Hook Object
(
    [callbacks] => Array
        (
            [10] => Array
                (
                    [000000000000267a0000000000000000ywgc_custom_cart_product_image] => Array
                        (
                            [function] => Array
                                (
                                    [0] => YITH_YWGC_Cart_Checkout_Premium Object
                                        (
                                        )

                                    [1] => ywgc_custom_cart_product_image
                                )

                            [accepted_args] => 2
                        )

                    [spq_custom_data_cart_thumbnail] => Array
                        (
                            [function] => spq_custom_data_cart_thumbnail
                            [accepted_args] => 4
                        )

                )

        )

    [priorities:protected] => Array
        (
            [0] => 10
        )

    [iterations:WP_Hook:private] => Array
        (
        )

    [current_priority:WP_Hook:private] => Array
        (
        )

    [nesting_level:WP_Hook:private] => 0
    [doing_action:WP_Hook:private] => 
)