Esmé van den Boom – Ainsi l’on boit quatre siècles
Dix-huit jeunes auteurs et autrices de Flandre et des Pays-Bas se sont inspiré·es d’objets du XVIIe siècle conservés au Rijksmuseum pour répondre à la question suivante: quelle illumination vous vient-elle en regardant ces objets? Dans son poème, Esmé van den Boom donne la parole à un verre à vin du début du XVIIe siècle portant l’inscription Sic Soleo Amicos, attribué à la graveuse Maria Tesselschade Roemers Visscher. «Bourrasque dans la fêle du temps».
© Rijksmuseum, Amsterdam
Ainsi l’on boit quatre siècles
Bourrasque dans les canaux
Une araignée porte-croix rampant dans un col de dentelle
Tesselscha chante et vois: la plus légère vibration
éveille de son baiser le verre, fragile joyau qui résiste au temps
Le grain doré fait trembler les hautes fenêtres dans leurs cadres quai de Gueldre
Bourrasque dans la fêle du temps
La prospérité entraîne son lot de devises, on écrit des lettres
«À demain les affaires » (et les élections pour novembre)
Un verre s’est brisé, fut remplacé
un verre s’est brisé, fut remplacé
Un verre se brise, le vin coule dans un nouveau
Je suis son voisin dans le buffet et je comprends: l’inscription reste la même
Les petits jeux changent, le but reste
oublier un moment la honte
Bourrasque le long de ton historique de navigation
Le délicieux logis des Roemer Visscher: «un élégant hôtel particulier
poètes, artistes et intellectuels ont fréquenté ce
bâtiment historique pendant des siècles » (ils passent sous silence
les orgies, les touristes, la drogue – le capital culturel
est la constitution d’une collection)
Je fais partie d’une collection, je rêve
de liqueur, mais non,
pas dans ma coupe
Bourrasque du soufflet
Entrée nouveau sallesderichesorateurs
«c’est ainsi que je soigne mes amis»
j’en prendrais bien un deuxième
dans quelle gorgée la sagesse de l’homme
(ou devrais-je dire le consultant, le lobbyiste peut-être?)
Araignée porte-croix dans le cou, pou dans la tête
Bourrasque éparpillant une correspondance dans la rue
Les mains qui m’ont gravé, la fille de Roemer, Sybille d’Akmaar:
image idéale, touche-à-tout géniale, Tesselscha érigée en exemple, où est
ta douce leçon de morale pour ceux qui se sont mal comportés?
Ta voix n’est pas en vitrine
Il est tard, le bouchon sort de la bouteille
que celui qui me saisit par le pied de sa main grasse
se pique aux épines des ronces