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arts, pays-bas français

«Eugène Leroy. À contre-jour»: un artiste singulier bien entouré

9 mai 2022 5 min. temps de lecture

Le MUba Eugène Leroy de Tourcoing présente jusqu’au 2 octobre 2022 l’exposition «Eugène Leroy. À contre-jour». Celui qui a donné son nom au musée des Beaux-Arts a aussi été un modèle inclassable pour toute une génération d’artistes.

Divisée en deux parties, cette exposition vise en premier lieu à resituer l’artiste d’origine tourquennoise (1910-2000) dans le milieu artistique et culturel du nord de la France au sortir de la Seconde Guerre mondiale, avant de confronter son œuvre à la scène artistique contemporaine.

La première partie de l’exposition offre un jeu de confrontations entre les œuvres d’Eugène Leroy et celles des autres membres de la communauté artistique nordique des années 1960. Elle s’articule autour de quatre thématiques: la figure humaine, le paysage, la vanité et le fantastique.

Tout en soulignant la singularité du Tourquennois, le musée crée des passerelles entre ce dernier et des artistes issus de différents domaines: des peintres tels qu’Arthur Van Hecke et Pierre-Yves Bhom aux sculpteurs Eugène Dodeigne ou encore Germaine Richier, renommée pour ses sculptures représentant des créatures hybrides longilignes. Ces artistes côtoyaient les mêmes musées, salons et galeries et étaient régulièrement confrontés aux œuvres de chacun.

À l’époque déjà, Eugène Leroy, considéré comme l’aîné de cette génération, était perçu comme un modèle par ses pairs. Et, si l’on ne peut parler de vraies filiations ou d’école, on constate l’existence de véritables rapports amicaux et professionnels au sein de cette communauté, d’influences, mais également de résonances dans leurs productions. On retrouve par exemple, dans leurs paysages, cette même lumière nordique caractéristique de la mer du Nord et des campagnes belges.

Par ailleurs, les voyages qu’entreprenait Leroy avec notamment Van Hecke, Dodeigne, Langlois ou Hennebelle en quête d’un musée ou d’une œuvre en particulier, témoignaient des relations particulières qu’ils avaient nouées. Ces liens d’amitié se transformaient parfois en collaboration professionnelle: Leroy, véritable touche-à-tout, qui après le dessin, la peinture et gravure, s’était lancé dans le modelage, avait confié à Jean Roulland la fonte de ses bronzes.

Des sujets classiques revisités

Dans la salle aux colonnes, on peut également admirer des nus réalisés d’après des modèles vivants en atelier. Son modèle de prédilection était son épouse de l’époque, Valentine. On reconnaît à sa manière de poser la lumière sur le corps, l’influence de Rembrandt, son maître absolu. C’est en effet à l’âge de quinze ans, lorsque Eugène Leroy découvre une reproduction en noir et blanc d’une de ses toiles, que le jeune homme décide de se consacrer à la peinture.

On peut aussi y découvrir des portraits et des autoportraits – «des têtes» comme les appelle Leroy –, dans lesquels surgissent des figures de l’ombre. On y retrouve également des vanités, un style bien connu en Flandre, composées de têtes de mort sur des bustes, qui s’effacent quelque peu sous la matière.

Le style de Leroy, bien que difficilement classable, se démarque en effet par son épaisseur, ses couleurs et tend au cours de son évolution vers l’abstraction. Les couches se superposent à un point tel que le sujet, souvent un nu, en devient flou. Cette accumulation de la matière pousse à une réflexion sur les apparences et sur la perception de l’œuvre. Dans une lutte avec la matière et la couleur et toujours en quête de lumière, il explore toutes les possibilités que la peinture peut offrir, proposant aux visiteurs divers degrés de lecture de ses tableaux. Leroy réinvente ainsi à sa manière tout au long de sa vie des sujets «classiques» tels que les nus, les (auto)portraits, les natures mortes et les paysages.

Une terre d’amateurs d’art

On ne peut consacrer une exposition au cercle d’amis d’Eugène Leroy sans toucher un mot de la complicité qu’il partageait avec Jacques Bornibus, l’ancien conservateur du musée des Beaux-Arts de Tourcoing, qui fut le premier à lui consacrer trois expositions dans une institution muséale entre 1956 et 1958. Leroy bénéficiait également du soutien de galeristes français tels que Marcel Evrard ou Claude Bernard, qui lui ont permis de se faire connaître de Paris à Bruxelles entre les années 1940 et 1970.

Dix ans plus tard, son œuvre bénéficiera d’un rayonnement international, notamment grâce à des galeristes internationaux tels que l’Allemand Michael Werner. Ces nombreux soutiens l’ont aidé à s’imposer comme l’un des plus grands artistes du XXe siècle, mais lui ont également permis de confronter son travail à celui des anciens. Claude Bernard lui a ainsi fait découvrir l’art extra-occidental, dont il est devenu collectionneur. Leroy appréciait tout particulièrement l’art sculptural africain qui permettait selon lui de mieux appréhender le corps.

Le Nord représentait à cette époque une véritable terre de collectionneurs

La métropole lilloise d’après-guerre et ses environs étaient portés par un vent de création et d’émancipation. Le Nord représentait également à cette époque une véritable terre de collectionneurs, à l’instar de Jean Masurel, Philippe Leclercq, André Lefebvre ou encore Anne et Albert Prouvost, qui ont permis le développement de la scène artistique florissante de la région. Le musée met en avant ces amateurs d’art issus de l’industrie du textile qui ont joué un rôle crucial dans la mise en lumière des artistes de la région, en particulier de ceux qui s’éloignaient de la norme académique de l’époque.

Des tableaux de Leroy se confrontent ainsi à des œuvres issues de leurs collections dans des parallèles parfois inattendus. On y découvre entre autres une partie de celle de Jean Masurel, mécène d’Arthur Van Hecke, qui a mis à la disposition de ce dernier ainsi que de Leroy un atelier dans les années 1950 à Roubaix.

L’exposition est également ponctuée de correspondances, de photos, d’articles, qui offrent autant de témoignages des soutiens et amitiés dont bénéficiait l’artiste.

Au fil des saisons

La deuxième partie de l’exposition se déroule dans la nef du musée et se construit autour d’un ensemble de quatre peintures à l’huile sur toile d’Eugène Leroy intitulé «Saisons» (1993-1994). Une quinzaine d’artistes abordent les thématiques de la nature, de la couleur ainsi que de la lumière, par le biais entre autres d’installations immersives, de vidéos, ou encore d’œuvres textiles.

Cette exposition, labellisée d’intérêt national par le ministère de la Culture et organisée en partenariat avec le musée d’Art moderne de Paris, replace cet artiste singulier dans le milieu artistique et culturel de l’après-guerre, dont il se démarque, tout en offrant des contrepoints innovants et surprenants à son œuvre grâce à la participation de talents issus de la scène contemporaine tels que Mimosa Echard, Caroline Achaintre ou encore Sarkis.

Le MUba de Tourcoing vous donne rendez-vous jusqu’au 2 octobre pour découvrir l’œuvre de Leroy sous un nouveau jour.
Chloebracaval

Chloé Bracaval

traductrice et collaboratrice marketing et communication

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