«Flandre» de Wido Bourel: Des questions qui suscitent la curiosité
Wido Bourel s’intéresse à la Flandre et à la Flandre française en particulier. Il a déjà publié de nombreux articles et quelques ouvrages sur le sujet. Il récidive avec le livre Flandre: Des questions qui dérangent.
Élargissant la collection «Des questions qui dérangent», publiée chez le Breton Yoran Embranner, Wido Bourel nous délivre son point de vue sur une trentaine de sujets à débats ayant cours en Flandre française. Il s’agit davantage d’un avant-propos, d’une introduction, qui a pour objectif de susciter la curiosité autour des thématiques abordées. Celles-ci sont très diverses, et souvent racoleuses, allant de la politique à la symbolique en Flandre à des sujets de société, en passant par des questions de linguistique et des considérations géographiques. Une bonne partie des questions soulevées trouvent trop aisément leur réponse alors que d’autres, bien plus pertinentes, ne sont qu’injustement survolées. Cet ouvrage s’adresse donc aux curieux de Flandre et d’ailleurs, avides de pistes de réflexion pour parfaire leur compréhension l’esprit de la Flandre actuelle de part et d’autre de la «Schreve1».
Qui pose les questions?
Wido Bourel a l’habitude des questions entourant notre Flandre. Il l’a déjà montré par le passé, ne serait-ce qu’en choisissant de poursuivre ses études à Anvers et Groningen, par fidélité à sa patrie et par attrait pour la langue néerlandaise. Plus récemment, il a publié l’ouvrage bilingue (français et néerlandais) Olla Vogala, revenant en 200 pages sur l’histoire du flamand, entre divers articles notamment parus sur les plats pays, dont un plaidoyer sur l’enseignement du néerlandais standard en France et un texte d’opinion alertant sur les conséquences de la reconnaissance du west-flamand en tant que langue régionale.
Wido Bourel sait donc de quoi il parle, notamment en ce qui concerne les questions de linguistique. C’est aussi un passionné d’Histoire, qui tient en basse estime le travail de l’ANVT2, dont il se fait procureur de manière frontale dans le chapitre consacré à l’usage et l’enseignement du flamand ou du néerlandais en Flandre française, même si son opinion aussi est lisible en filigrane tout au long du livre. Cela permet au moins à Wido Bourel d’être franc et d’exposer un à un ses arguments, quand il ne répond pas directement à ceux de l’ANVT et ses supporteurs.
De quelles questions parle-t-on?
Le livre présente un large panel de questions, auxquelles l’auteur répond de façon plus ou moins personnelle. Il déroule ses questions dans un ordre thématique, commençant par la géographie. Les questions sont alors orientées de manière à laisser l’auteur présenter sa définition de la Flandre française, entre la Lys et l’Aa, se limitant en fait au Westhoek français. Les réponses aux questions historiques ne donnent pas de sensation de satiété, puisqu’on a l’impression que l’auteur s’efforce de contenir son propos dans une langue la plus synthétique et la plus pédagogique possible. Cela force à contrer sa faim par une lecture complémentaire. Bien qu’il y ait un risque de perdre en rigueur en survolant ainsi les sujets3, c’est en cela que le livre est une parfaite introduction aux problématiques qui traversent la Flandre française: il nous oblige à compléter sa lecture par d’autres, à aller de l’avant. Il est une belle porte d’entrée vers les questions relatives à la Flandre, et donne envie de creuser les sujets.
le livre est une parfaite introduction aux problématiques qui traversent la Flandre française: il nous oblige à compléter sa lecture par d’autres, à aller de l’avant
Les chapitres portant sur l’identité et la langue sont bien plus personnels pour Wido Bourel, eut égard au fait qu’il s’agit de ses sujets de prédilection. Le Caëstrois n’a pas hésité à (re)prendre les armes contre le controversé film Bienvenue chez les Ch’tis, au point où on se sentirait presque coupable de ressentir de la sympathie pour les Français (du Nord ou d’ailleurs) qui apprécient le film au premier degré. Les réponses qu’il apporte aux questions identitaires visent davantage à guider et inciter à la réflexion, par rapport aux 350 ans qui séparent la Flandre devenue française de la Flandre devenue belge.
La Flandre est-elle toujours une, bien qu’elle soit politiquement triple? La Flandre française est-elle devenue trop différente de la Flandre belge? Autant de questions qui trouvent des éléments de réponse dans ces quelques pages. Les pages consacrées aux questions identitaires sont indéniablement les plus profondes du livre, et elles auraient amplement mérité d’être allongées. Elles parleront particulièrement aux Flamands de France qui, comme moi, tentent de faire sens de l’héritage germanique légué par leurs parents et leurs ascendants avant eux, dans un monde devenu roman.
Enfin, les questions de société et de politique, et tout particulièrement les toutes dernières questions du livre, sont l’occasion pour Wido Bourel d’affirmer ses positions politiques concernant la Flandre française, mais aussi et surtout à propos de la Flandre belge. Il y aborde les questions de l’indépendance et de l’unité de la Flandre et de sa nation (ou ses nations, si l’on considère que la Flandre française est devenue trop française).
Qui ces questions dérangent-elles?
Tout au long du livre, Wido Bourel s’est montré provocateur, voire railleur (surtout quand il écrit à propos du film Bienvenue chez les Ch’tis). Ces railleries ont pour cible non pas la classe politique française, ni même des personnes identifiables, mais l’esprit français centralisateur lui-même. Tout le livre n’est qu’un serment politique en faveur d’une Flandre injustement assimilée, tout comme ont pu l’être (et le sont toujours) d’autres régions réputées françaises (Corse, Bretagne, Savoie, Alsace… qui ont par ailleurs toutes eu droit à leur entrée dans la collection «Des questions qui dérangent»), et il ne faut pas attendre de lire les dernières pages, les plus politisées, pour s’en rendre compte.