François Boucq et le neuvième art au palais des Beaux-Arts de Lille
Fier de sa collection phénoménale dans un superbe bâtiment, le palais des Beaux-Arts de Lille (PBA) demeure le plus grand et le plus beau musée des beaux-arts au nord de Paris. Par le biais de sa formule «Open Museum», le PBA propose à un artiste de revisiter le musée en lui donnant carte blanche. Cette année, c’est au tour de l’artiste et bédéiste lillois François Boucq qui ne se prive pas de susciter le sourire des visiteurs tout en leur proposant un regard différent sur l’art.
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Que ce doit être agréable de se trouver dans la tête de François Boucq! Du moins si l’on en juge par ses interventions dans l’imposant édifice, alliant l’intelligence au comique, voire la pitrerie. Le bédéiste met le musée sens dessus dessous. S’étant vu uniquement imposer des restrictions budgétaires, il affirme lui-même qu’il a «pu faire presque tout ce qu’il voulait».
Indépendamment de toute bouffonnerie dont il sera question ultérieurement, l’artiste agit avec un très grand amour pour ce que le palais des Beaux-Arts peut offrir à Lille. Un amour qu’il concrétise d’ailleurs en faisant don au musée d’une partie de ses archives, c’est-à-dire de quelque 400 dessins. «Cette donation me permet de faire entrer la bande dessinée dans les collections d’un musée des beaux-arts, ce qui n’est pas une chose convenue», a déclaré l’artiste, suscitant une réaction enthousiaste de la part du directeur du musée, Bruno Girveau. «Recevoir, c’est donner à voir», affirme ce dernier dans un éloge vibrant au neuvième art.
Motifs de léopard
Il y a quelques années déjà, le musée accueillait le groupe de musique Air dans le cadre de «Open Museum». La collection baignait alors dans une ambiance onirique, tandis que les sons remplissaient l’espace. Cette combinaison de musique avec la collection des beaux-arts créait alors quelque chose de nouveau qui dépassait clairement l’exercice cosmétique.
Boucq réussit à son tour à imposer sa griffe au musée. Mais il le fait d’une manière tout à fait accessible par le biais de son humour caractéristique. Le sourire est déjà de mise dès l’entrée du musée. Dans l’impressionnant espace d’entrée du PBA, Boucq a installé un tunnel –un «vortex»– dans lequel on passe d’un motif à carreaux aux motifs de léopard si caractéristiques… et à la figure de Jérôme Moucherot, l’homme d’affaires bizarre avec lequel Boucq a fait un tabac. Ensuite, une série de figures dans la galerie de sculptures classiques subissent aussi un traitement «léopard». Bref, les visiteurs sourient déjà malgré eux avant même d’entamer leur visite. Un peu plus loin, dans la galerie des céramiques, Boucq fait entendre régulièrement le cliquetis de vaisselle brisée, provoquant une petite frayeur et… un nouveau sourire.
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Créer des liens
Mais le dessinateur dépasse évidemment amplement le stade de ces quelques blagues. En tant qu’artiste, il se propose d’inciter les visiteurs à regarder différemment la collection du PBA. Et il est au mieux de sa forme quand il peut prendre en main les œuvres classiques. Il a, par exemple, réuni tous les tableaux de paysages en une seule galerie en les alignant à partir de leur ligne d’horizon. Une intervention aussi simple que géniale, révélant combien les perspectives et cadrages sont susceptibles de réunir mais d’être en même temps très différents.
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Dans la galerie du premier étage, il a réalisé une peinture murale qui relie de main de maître quatre œuvres abstraites individuelles, déjà présentes au musée. Il s’agit ici de beaucoup plus que d’un tour de passe-passe artistique, puisque l’artiste crée véritablement un contexte qui permet de renforcer la puissance des œuvres originales.
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Farfelu et virtuose
Avec Le fantôme qui descend de la croix, Boucq s’amuse avec la Descente de croix de Rubens, une des pièces maîtresses du musée lillois. Dans une boîte à images placée devant le chef-d’œuvre, le spectateur peut voir descendre une petite figure de la croix. «Mais pourquoi ces gens font tout pour faire remonter Jésus sur la croix? s’est interrogé Boucq en observant Rubens. Cette réflexion m’a amusé et m’a donné envie de renverser les choses.» Ce qu’il fait brillamment en se servant de cette illusion d’optique.
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François Boucq livre encore une autre image numérique fantastique dans la galerie des sculptures néoclassiques. Tendant la main à travers un autre tableau vers l’image d’un Vésuve en feu, un peintre enflamme accidentellement son pinceau et provoque ainsi l’incendie dans un autre tableau paysager. Farfelu et virtuose!