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littérature, société

Ghelderode, le plus ensorien des écrivains de Belgique

Par Hans Vanacker, traduit par Evelyne Ledoux-Beaugrand
25 juin 2024 4 min. temps de lecture Le choix du secrétaire

Tous les deux mois, Hans Vanacker pose un regard personnel sur Septentrion et tire des archives du magazine des textes qui entrent en résonance avec l’actualité. En cette année Ensor, le nom du peintre ostendais est sur toutes les lèvres, mais connaissez-vous celui qui se targuait d’être le plus ensorien des écrivains?

Je ne vous le cache pas, même après quelque 35 ans de Septentrion, je ne suis toujours pas en mesure de donner une réponse satisfaisante à la question: qu’est-ce que la culture. Je pourrais avancer quelques définitions, pleine de phrases denses, mais le résultat ne serait pas satisfaisant, ni pour vous, ni pour moi.

Il y a cependant une question à laquelle je peux répondre, et avec beaucoup d’enthousiasme: à quel moment la culture m’attire-t-elle le plus? Sans vouloir discréditer qui ou quoi que ce soit, je dois dire que je m’extasie surtout lorsque des cultures issues de régions linguistiques différentes commencent à se frotter les unes aux autres ou, plus exactement, à s’influencer mutuellement. C’est la raison pour laquelle l’un des numéros de Septentrion qui me tient le plus à cœur est le n° 4 (soit le 2ᵉ numéro de 2021) avec son dossier ô combien intéressant sur les «Échanges» entre francophonie et néerlandophonie.

Il y a aussi des variations sur ce thème qui ne me laissent pas indifférent, comme la façon dont des personnalités de différents horizons culturels peuvent s’influencer mutuellement. Je pense spontanément à un article de Roland Beyen paru en 1990 sur la relation entre deux mastodontes du monde culturel flamand: le peintre James Ensor (1860-1949) et l’écrivain d’expression française Michel de Ghelderode (1898-1962). Ce dernier est surtout connu comme dramaturge dont la renommée s’étendait jusqu’à Paris. De Ghelderode a écrit plusieurs pièces pour le Vlaamsche Volkstoneel, une compagnie de théâtre itinérante qui a exercé une influence novatrice sur la vie théâtrale en Flandre pendant l’entre-deux-guerres.

Roland Beyen a été professeur ordinaire de littérature française à la KU Leuven de 1974 à 2000. Dans l’article publié dans Septentrion, il s’est penché sur la correspondance entre Ensor et De Ghelderode, qui s’est proclamé un jour «le plus ensorien des écrivains de Belgique».

Démêler la vie de De Ghelderode a de toute évidence été une véritable obsession pour Roland Beyen, un homme très sympathique au demeurant. Et ce démêlage n’a sous doute pas été facile, car De Ghelderode se cachait apparemment derrière de nombreux masques.

Le nombre de publications de Beyen sur De Ghelderode est impressionnant. La bibliographie de De Ghelderode compilée par Beyen et l’édition en dix volumes, abondamment commentée, de la correspondance de De Ghelderode, un exemple rare de travail de Sisyphe, méritent une mention spéciale. Tant la bibliographie que la correspondance ont fait l’objet de comptes rendus dans Septentrion.

«Le plus ensorien des écrivains de Belgique et d’ailleurs» : Michel de Ghelderode

Pour avoir une idée de la fascination exercée par Ensor sur les écrivains, il suffit de lire l’ensemble de ses discours, qui contiennent des palmarès de plus en plus longs de «céphalopodes encreux» qui ont «bataillé» pour lui.

Après le James Ensor d’Eugène Demolder (1892), il y eut le numéro spécial de la revue parisienne La Plume (1899) auquel avaient collaboré une quinzaine d’écrivains français de Belgique: Lemonnier, Picard, Verhaeren, Els kamp, Maeterlinck, etc. Vinrent ensuite les monographies de Verhaeren (1908), Paul Collin (1921), Grégoire le Roy (1922), les articles d’Eekhoud, Vandeputte, Hellens, etc.

Certains écrivains introduisirent même Ensor dans leurs œuvres de fiction. On le reconnaît dans le Fridolin du Royaume authentique du grand saint Nicolas de Demolder (1896), dans le Trillodinus de l’Histoire mirifique de saint Dodon de Maurice des Ombiaux (1899), dans le «philosophe désabusé» de Psukè de Picard (1903). Jean Lorrain décrit minutieusement dans son roman Monsieur de Phocas (1901) l’eau-forte La Luxure, offerte au protagoniste par James Ensor, par l’intermédiaire d’un ami peintre qui prétend le guérir de sa «hantise des masques» en le familiarisant avec eux.

Mais plutôt que d’allonger la liste des «plumitifs» qui ont écrit sur Ensor, mieux vaut s’en tenir ici à celui qui s’est proclamé un jour, à juste titre, «le plus ensorien des écrivains de Belgique (et d’ailleurs)»: Michel de Ghelrode.

L’auteur du Siège d’Ostende dut la révélation d’Ensor au marchand de tableaux Julien Deladoès, «l’éducateur de sa pensée», qui imitait dans ses écrits Jean Lorrain et qui peignait, dessinait et gravait à la manière d’Ensor, avec tant de talent que le jeune Ghelderode, pauvre et autodidacte, lui écrivit le 24 juillet 1920, en contemplant un de ses dessins: «C’est plus fort qu’Ensor, plus marginal que marginal que Brueghel». Le compliment était de poids, car l’élève de Deladoès admirait Brueghel et Ensor, dont il était d’ailleurs en train de paraphraser des toiles Antonius dans son Heiligen Antonius ou l’admirable, horrifique et philosophique histoire d’Antoine, saint de Flandre, et de ses tentations, relatée en quatre livres, sans souci de morale ni de beau langage pour les gens de Belgique.

Dans une lettre d’avril 1919, il avait d’ailleurs demandé à Deladoès: «Ensor ne voudrait-il pas faire une épouvantable couverture pour mon saint Antoine?» Heiligen Antonius ne fut publié que partiellement, mais ce qui en a été retrouvé confirme que le débutant avait devant les yeux les toiles Les Tribulations de saint Antoine (1887) et/ou La Tentation de saint Antoine (1894) d’Ensor. Le fragment publié en 1922 dans La Halte Catholique, sous le titre Les authentiques tentations de saint Antoine, est d’ailleurs dédié «À Ensor».

Lisez la suite de l’article ICI.

HV

Hans Vanacker

secrétaire de rédaction de Septentrion

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