Début 1945 aux Pays-Bas: l’hiver de la faim
Début
septembre 1944, la population des Pays-Bas croyait la fin de la
guerre imminente. Le 5 septembre – dolle dinsdag «mardi fou» – les
soldats allemands prenaient la fuite en masse. Toutefois la
libération des Pays-Bas ne se déroula pas tout à fait comme prévu. Moins de deux semaines plus tard commença «l’hiver de la faim».
«Lorsque
les oignons sont bien secs et fermes, ils sont une excellente
gourmandise bien nourrissante dont le goût correspond à peu près à
celui des châtaignes séchées». Au XVIIe
siècle,
les bulbes de tulipes étaient encore considérés comme un produit
de luxe, mais en 1944 ils étaient devenus un ingrédient
indispensable à la préparation de biscuits, potages, tartes ou
purées de toute sorte. Aux Pays-Bas, au cours de la Deuxième Guerre
mondiale, le manque de nourriture exigeait de la maîtresse de maison
des trésors de créativité culinaire. Médecins, autorités
gouvernementales, journaux nationaux l’inondaient de leurs conseils
dans ce domaine.
En
1945, la commission locale de la ville d’Amsterdam en matière
d’information ménagère et de gestion familiale édita un petit
livre de cuisine comportant l’utilisation des bulbes de tulipes.
Quand on est tenaillé par la faim, on mange de tout et manger avait
préoccupé la population néerlandaise durant toute la guerre. La
pénurie de produits alimentaires contraignait les gens à la
parcimonie et les autorités à l’invention de systèmes
alternatifs de distribution. La vraie famine ne sévit aux Pays-Bas
qu’à la fin de la guerre. De fait, l’épreuve la plus lourde
pour la population civile coïncida avec l’annonce de la
Libération.
Après
le débarquement en Normandie début juin 1944, la population des
Pays-Bas croyait la fin de la guerre imminente. Le 5 septembre –
«mardi fou» – les soldats allemands prenaient la fuite en masse. À
tout moment, on s’attendait à accueillir les Alliés.
© Wikipedia.
Pour
leur faciliter la tâche, le gouvernement néerlandais en exil appela
le transport ferroviaire à la grève générale «afin d’empêcher
autant que possible le transport des ennemis et les concentrations de
troupes».
Mais la libération des Pays-Bas ne se déroula pas tout à
fait comme prévu et, à l’automne, la ligne de front s’installa
tout à coup au centre du pays. Pour la partie du pays toujours
occupée, ce fut la période la plus pénible en quatre ans.
Bien que
parfaitement conscient qu’un tel arrêt de travail générerait de
grandes difficultés, le gouvernement des Pays-Bas refusa de lever le
mot d’ordre de grève. Les voies ferroviaires restèrent désertes.
L’occupant allemand réagit avec les mêmes armes et paralysa le
transport alimentaire vers l’ouest du pays. La population de la
zone occupée était coupée du monde extérieur. Plus rien n’y
entra, ni nourriture, ni carburants, ni produits de secours. Les
conséquences étaient à l’avenant. Bien que l’on ne dispose pas
de chiffres exacts à ce sujet, on admet généralement que sans
doute 22 000 personnes décédèrent en quelques mois de faim, de
froid et de maladie.
L’hiver
de 1945 fut rude et implacable et la vie quotidienne de la population
des Pays-Bas se résumait essentiellement à un combat pour la
survie. De peur de se faire arrêter et d’être envoyés en
Allemagne, les hommes restaient le plus possible à la maison. Les
femmes et les enfants se mirent en route à la recherche de
nourriture, voire de restes de nourriture. Poussés par la faim ils
désertèrent la ville pour acheter de la nourriture à la campagne
ou, plus souvent, pour s’en procurer en échange de vêtements ou
de bijoux. Les proches qui vivaient en zone libre envoyèrent à leur
famille des produits alimentaires par la poste, mais lorsque les
Allemands interdirent les envois au-delà de 200 grammes, la
population essuya à nouveau un coup très dur.
© M. Meijboom.
Lorsqu’à
la fin de l’hiver une grande partie des habitants des villes
étaient trop affaiblis ou malades, le nombre d’expéditions de la
faim diminua sensiblement.
L’aide
n’arriva qu’au compte-gouttes et en première instance du pays
même. Les proches essayèrent aussi souvent que possible de faire
entrer de la nourriture dans les zones occupées. Les enfants
sous-alimentés furent placés dans des familles d’accueil à la
campagne et, en octobre 1944, les soupes populaires, qui avaient été
fermées au cours de la guerre, ouvrirent à nouveau leurs
portes. Après de longues attentes, la population y trouva un maigre
repas, la plupart du temps de mauvaise qualité. Il fallut attendre
la fin de la guerre pour voir les premières actions internationales.
Le premier secours vint de la Croix rouge portugaise.
Fin janvier 1945 suivit une cargaison de farine en provenance de Suède. On en fit soi-disant du pain blanc qui ne trouva que difficilement le chemin vers la population affamée. Ce ne fut que quelques jours avant la libération des Pays-Bas que des avions britanniques larguèrent, avec une permission spéciale des Allemands, des paquets d’alimentation sur des terrains vagues. Le soulagement fut immense, surtout lorsque, quelques jours plus tard, le 5 mai 1945, vint la fin de l’Occupation.