La Belgique, terre de vaccins
La présence de grandes entreprises spécialisées dans les vaccins, une recherche universitaire de pointe et des coopérations intensives ont fait de la Belgique une «terre de vaccins».
La mise au point d’un vaccin contre le Covid-19, sa production et les essais cliniques: à tous les stades du développement, la Belgique joue un rôle de premier plan à l’échelle européenne, voire mondiale, explique Luc Debruyne. Cet ancien haut dirigeant de l’industrie pharmaceutique belge et internationale est aujourd’hui conseiller stratégique à la fondation Cepi, créée voici trois ans pour lutter contre les épidémies dans le monde. À ce titre, il est étroitement associé à la course au vaccin contre le Covid-19.
Il ne faut d’ailleurs pas chercher bien loin pour trouver des illustrations de ce rôle de premier plan. Selon Pharma.be, la fédération sectorielle de l’industrie pharmaceutique en Belgique, près d’un quart de tous les essais cliniques réalisés en Europe en vue de tester les candidats-vaccins ont lieu en Belgique.
Si la Belgique peut ambitionner une place de leader en matière de vaccins, c’est en grande partie grâce à la présence sur son territoire du groupe pharmaceutique britannique GSK. De loin le plus grand fabricant de vaccins au monde, la multinationale concentre depuis de nombreuses années la plupart de ses activités dans le Brabant wallon. Deux autres sociétés classées parmi les quatre plus grandes de l’industrie des vaccins sont également présentes en Belgique: l’entreprise américaine Pfizer et la française Sanofi. Enfin, Johnson & Johnson, autre grand groupe pharmaceutique actif en Belgique au travers de sa filiale Janssen Pharmaceutica, investit désormais massivement dans le développement et la production d’un vaccin contre le Covid-19. Même si ces investissements ont principalement lieu à l’étranger, la contribution belge à la montée en puissance de Johnson & Johnson dans le domaine des vaccins est notable. Ainsi, le directeur scientifique et le responsable du département des vaccins sont originaires de Belgique.
Une course contre la montre
«Il est donc plutôt logique que de nombreux Belges participent activement à la course au vaccin contre le Covid-19», indique Debruyne. C’est surtout le cas au sein de GSK. La multinationale britannique a engagé un partenariat avec la société française Sanofi pour la mise au point d’un vaccin contre le Covid-19. Une partie de la recherche se déroule sur le site gigantesque de GSK
à Rixensart, dans le Brabant wallon, où travaillent plus de 2 000 chercheurs spécialisés dans les vaccins.
«Il s’agit d’une collaboration sans précédent», souligne Jamila Louahed, responsable de la recherche et du développement des vaccins à Rixensart. «Il faut dire que c’est la première fois que nous sommes confrontés à une crise sanitaire d’une telle ampleur. Ce qui importe aujourd’hui, c’est de rassembler toutes les connaissances, afin de trouver au plus vite un vaccin efficace contre le Covid-19.»
Elle tient toutefois à préciser que cette course contre la montre ne se limite pas à l’élaboration du vaccin. Il est également impératif d’organiser au mieux la vaccination rapide de milliards de personnes, une fois qu’un ou plusieurs vaccins seront prêts.
Avec GSK et Pfizer, la Belgique compte sur son territoire deux entreprises qui disposent de vastes usines pouvant produire des vaccins en grandes quantités. «La Belgique occupe la première place du classement en termes de doses de vaccin produites par habitant», précise Debruyne.
Il y a donc de fortes chances que les vaccins contre le coronavirus soient également fabriqués en Belgique. Surtout si GSK et Pfizer parviennent à mettre au point un vaccin efficace contre le nouveau coronavirus. D’ailleurs, les deux entreprises projettent d’accroître leur capacité de production dans ce pays.
À la recherche d’usines
Selon Debruyne, même les sociétés pharmaceutiques qui ne réussiront pas à développer elles-mêmes un vaccin finiront inévitablement par conclure des accords pour accroître et mettre en commun leur capacité de production dans le monde entier. C’est, en effet, la seule façon de garantir une disponibilité des vaccins à grande échelle dans les plus brefs délais. Il ne peut donc être question de construire de nouvelles usines à cette fin. «Il leur faudrait au moins cinq ans pour pouvoir produire les premières doses», estime Debruyne.
Par conséquent, l’un des défis majeurs consiste selon lui à identifier à court terme les entreprises à même de contribuer au lancement et à l’extension rapides de la production. La fondation Cepi s’y attelle déjà.
Le docteur Johan Van Hoof, qui dirige la division Janssen Vaccines au sein de Johnson & Johnson, souligne toutefois qu’une production accélérée et massive n’a rien d’évident. Selon lui, les différents vaccins qui seront développés ne pourront pas tous être produits de la même façon. Certaines usines ne sont pas adaptées à la production d’un vaccin contre le coronavirus. Janssen Vaccines vise pour sa part à produire un milliard de doses d’ici la fin 2021.
Pas réservé à quelques privilégiés
Reste à savoir si les activités intenses déployées en Belgique auront automatiquement pour effet de rendre le vaccin rapidement disponible chez nous. Si personne n’ose l’affirmer aussi clairement, il va sans dire que les Belges pourront probablement s’approvisionner à la source.
Les fabricants de vaccins se contentent de déclarer qu’ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour produire des vaccins aussi rapidement et en aussi grande quantité que possible. «Des accords internationaux doivent être conclus entre les gouvernements sur la distribution du vaccin. Car il sera impossible de vacciner tout le monde en même temps», met en garde Jamila Louahed de GSK. Il s’agit d’éviter à tout prix que l’accès au vaccin dans un pays dépende de rapports de force géopolitiques ou de sa production sur son territoire, précise Luc Debruyne.
Le fait que la moitié de l’investissement d’un milliard de dollars dans le vaccin contre le Covid-19 provienne d’une agence gouvernementale américaine implique-t-il que les États-Unis pourront en bénéficier en priorité? Johan Van Hoof s’est déjà vu poser la question à plusieurs reprises. «Nous produirons bien sûr pour le marché américain, mais nous travaillons avant tout pour le monde entier, et non pour quelques privilégiés.»