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littérature

La littérature carcérale dans les Plats Pays

Par Anne van den Dool, traduit par Daniel Cunin, Christian Marcipont, Kim Andringa
25 octobre 2023 15 min. temps de lecture

La prison, un univers presque toujours synonyme d’angoisse, d’oppression et de contraintes, n’est pas forcément le meilleur endroit où se livrer à l’écriture. Pourtant, plusieurs chefs-d’œuvre ont vu le jour derrière les barreaux. Osons un plongeon dans ce genre et découvrons comment la littérature des Plats Pays donne la parole tant au coupable qu’à la victime.

Quelques-unes des plus grandes œuvres de la littérature universelle ont été composées en prison. On pense, par exemple, à Don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantès et au De Profundis d’Oscar Wilde. Rien d’étonnant au fond: en détention, on dispose de suffisamment de temps pour coucher ses pensées sur le papier, à condition bien entendu de se libérer l’esprit. De surcroît, dans de nombreuses régions du monde, il n’est pas rare qu’on enferme des personnes aux idées novatrices, parce que leurs points de vue froissent les détenteurs du pouvoir en place.

Dans certains pays, le genre de la littérature carcérale est plus vivant que dans l’aire néerlandophone. Malgré tout, les Pays-Bas et la Flandre comptent également plusieurs œuvres qui narrent le quotidien en taule. Ainsi, par le passé, Graine d’échafaud, premier recueil de nouvelles de l’écrivain et journaliste flamand Roger Van De Velde (1925-1970), et Ik lach om niet te huilen (Je ris pour ne pas pleurer) de l’auteur et journaliste sportif néerlandais Lex Kroon ont pu donner une idée de l’existence en détention et du chemin qui conduit en prison.

Des écrivains entre les murs et des écrivains hors les murs

En 2022, la parution de Gevangenispost (Courrier carcéral) est venue ajouter un titre à cette production des Plats Pays. Dix prosateurs et poètes détenus – nous ne les connaissons que par leurs prénoms: Melvin, Job, Frank, Khalil… – correspondent avec autant d’auteurs reconnus en néerlandophonie, don’t Lale Gül, Thomas Verborgt, Christine Otten, Raoul De Jong et Marjolijn van Heemstra. Dans ce recueil, la distinction opérée entre auteurs du dedans et ceux du dehors est éloquente; elle correspond aux deux perspectives principales que l’on retrouve de manière récurrente dans le genre de la littérature carcérale.

Ceux qui racontent leur histoire depuis l’intérieur de la cellule se concentrent principalement sur la vie entre les murs, mettant souvent l’accent sur la monotonie et les contraintes ressenties. Quant à ceux qui découvrent cette vie depuis l’extérieur, ils ont tendance à réfléchir principalement à ce que la liberté signifie à leurs yeux.

Il arrive certes aussi aux auteurs du dedans de s’étendre sur l’existence qu’ils menaient avant leur incarcération et sur leur désir – ou leur absence de désir – de la retrouver. Dans le même temps, ils cherchent à rendre leur séjour en prison aussi agréable que possible, du moins dans leur tête, notamment en se félicitant d’être si bien pris en charge, comme dans un hôtel tout compris: on fait leur lessive, on leur fait à manger et, pendant la journée, ils ont la possibilité de participer à toutes sortes d’activités. Cependant, sous le règlement pénitentiaire perce le manque de liberté. Parallèlement, la perspective de se retrouver dehors suscite certaines angoisses: ce monde libre, estiment-ils, les a trahis en les enfermant sans ménagement.

De leur côté, les auteurs hors les murs font principalement appel à leur empathie pour tenter de mieux comprendre le quotidien des prisonniers. À cette fin, ils font appel à des souvenirs relatifs à des moments où ils se sont eux-mêmes sentis enfermés ou isolés, par exemple au cours d’une nuit passée en cellule, au cours d’une retraite dans une abbaye, ou bien ils se remémorent – sur un plan plus poétique – les heures où ils ont langui après l’été avant d’éprouver fatalement une certaine déception. Dans quelques cas, ces tentatives, qu’on ne peut guère rapprocher d’années entières d’incarcération, donnent l’impression d’être un rien artificielles.

Pour les auteurs incarcérés, l’imagination qui se libère dans le processus d’écriture sert de moyen d’évasion: sur le papier, ils peuvent vivre des existences alternatives où rien ne les empêche de parcourir le monde. D’autre part, l’écriture leur permet de réfléchir aux ennuis auxquels ils ont dû faire face par le passé: souvent, leur incarcération a été précédée d’une jeunesse compliquée – parents absents ou malades, pauvreté et violence… Si cela leur donne bien assez de matériau pour noircir des pages, la qualité n’est pas forcément au rendez-vous. Les récits restituent sans grand recul des vies solitaires et uniformes; Les poèmes consistent en des vers de mirliton.

Peut-être le passage le plus réussi figure-t-il dans la contribution de Job où l’on perçoit la méfiance que cet homme éprouve à l’égard de lui-même: «L’angoisse d’être seul, d’une part, et celle de me retrouver face à un homme qui me ressemblerait trop, d’autre part.»

Assassin et humain

Hormis la prosa, la poésie elle aussi permet d’appréhender la vie carcérale. Ainsi, dans Celinspecties (Inspections de cellule, 2012), son troisième recueil, Ester Naomi Perquin s’attache à décrire le quotidien derrière les barreaux. Elle le connaît de près: pour payer ses factures à l’époque de ses études, elle a été gardienne de prison.

Malgré tout, Perquin ne perd pas du tout de vue qu’elle n’appartient pas à ce monde. Son recueil débute ainsi: «Me suis laissée tomber ce jour-là sans réfléchir dans la vie d’autrui, d’autrui / les leçons de conduite, les listes de commissions, cours à la fac, d’autrui / les hésitations, les jambes novices à la leçon de danse.» Ces mots laissent entendre que les poèmes vont porter sur des existences assez banales.

Or, rien n’est moins vrai: ils s’arrêtent sur des personnes qui ont été condamnées à des peines de prison. Plusieurs ont d’ailleurs pour titre le nom d’un détenu, ainsi «Frans van A.», «Jakob de B.» ou «Carlo ‘Le Conquérant’ da C.»

Dans Celinspecties, différentes perspectives alternent: celle du délinquant, celle du membre de la famille, celle de l’observateur à l’arrière-plan… On relève l’expression de sentiments de regret chez certains prisonniers, chez d’autres le besoin de défendre leurs actes, chez tous le manque d’intimité en détention, les cauchemars qui les submergent une fois la nuit venue. La forme poétique retenue par Perquin se révèle tout à fait appropriée pour dépeindre les multiples facettes des situations: elle présente les détenus simultanément comme des meurtriers et comme des êtres humains, comme des coupables et comme des victimes, comme des gens honnêtes et comme des hypocrites. En tant que lecteur, le côté que l’on est enclin à choisir ne cesse de varier, bien que les flux de pensée des prisonniers nous aident à comprendre pourquoi ils se sont retrouvés derrière les barreaux.

Tu ne cesses de penser aux filles, dès que le monde s’ouvre d’un coup le matin
à leurs sautillements quand elles sortent, leurs bonds en vue, la danse
le pédalement de leurs jambes ton cœur qui danse qui pédale
(…)
et tu penses à la porte, l’odeur d’acier de l’instinct de conservation, tu penses
aux filles, à leurs sautillements quand elles sortent, ne jamais savoir si l’une
d’elles bondit de son vélo, se précipite vers toi, t’aime.

D’autres voix que celles des détenus se font entendre. Par exemple, dans «Frederik C.», à partir d’une position en apparence neutre, s’instaure une réflexion sur l’importance du langage dans le cadre d’un tribunal. Le narrateur conseille: «Prends donc en main toute l’histoire – ne t’épargne pas trop mais / sors du viseur, doucettement. Au lieu d’assassin / tu choisis ‘auteur’. Plus de recul. Moins biaisé.» Est-ce la poétesse Perquin qui s’adresse à nous ici?

Le chemin de la prison

Il arrive qu’une œuvre à teneur criminelle permette à un néophyte de prendre son envol dans les lettres néerlandaises. Özcan Akyol en a fait l’expérience en 2012 en publiant Eus, présenté comme un «roman picaresque semi-autobiographique». Comme souvent dans la littérature carcérale, cette histoire s’appuie résolument sur la vie de son auteur: un jeune homme dont le père alcoolique maltraite ses fils, Akyol n’ayant pas tardé à dérailler avant d’atterrir dans le circuit criminel et de se retrouver dans une maison d’arrêt.

Si Eus a été un best-seller – plus de cent mille exemplaires vendus -, cela tient sans doute à la dimension quasi mythique du récit de ce garçon qui, de taulard, devient un grand amateur de littérature et même un auteur respecté.

Le roman raconte l’histoire d’un gars qui ne se sent nulle part chez lui: ne se conformant pas aux traditions musulmanes, il ne s’intègre pas dans son milieu turc; d’autre part, en raison de ses origines, la communauté néerlandaise ne l’accepte pas d’emblée. Ce dernier groupe semble refuser de lui ouvrir ses portes: malgré de bons résultats scolaires, on lui conseille d’opter plutôt pour un métier manuel. Il se laisse alors entraîner dans un tourbillon d’alcool, d’escroquerie et de fraude, au point de finir en prison.

Eus s’attache fortement à faire comprendre au lecteur comment un garçon ayant un réel potentiel peut malgré tout s’engager sur la voie de la criminalité. Il faut en chercher la raison dans la position marginale dans laquelle le pousse, à renfort de préjugés, la société, mais aussi dans sa situation personnelle: à l’instar de l’auteur, Eus doit endurer un père tyrannique qui le contraint à abandonner ses études pour lui ramener de l’argent par des voies illégales, sans compter qu’il est entouré d’amis qui l’incitent à s’enfoncer dans les bas-fonds de la société. Comme rien ne vient nourrir son besoin d’appartenance à une communauté, il rejoint des groupes de marginaux qui ne font que renforcer sa position d’asocial.

Au sein du genre de la littérature carcérale, Eus montre essentiellement le chemin qui conduit à l’incarcération: une histoire portant sur le côté déterministe de la société et permettant au lecteur de prendre conscience de la spirale négative dans laquelle peut tomber une personne qui, en raison de ses origines, part avec un handicap.

Quiconque lit ce roman ne décèle pratiquement pas d’autre voie praticable pour le personnage principal que celle du circuit criminel. Dans ces pages, la prison est l’aboutissement d’un long chemin qui passe par des vallées de plus en plus profondes et sur lequel chacun, y compris le citoyen le plus vertueux, peut partager une part de ce que le personnage central ressent.

De nos jours, dans les Plats Pays, contrairement à d’autres contrées et à d’autres époques, ce sont rarement les grands philosophes qui se retrouvent derrière les barreaux. Cependant, en prison, il y a toujours pour l’individu lambda matière à réfléchir sur le sens de la liberté, de l’incarcération et de la trahison. La force de la littérature carcérale réside dans les différentes perspectives que la prose et la poésie offrent sur ces questions. Elle apporte au lecteur de nouveaux éclairages sur les raisonnements et l’état d’esprit du détenu: comment combattre l’attente interminable, en quoi les ruminations en prison peuvent rendre fou, comment l’esprit recourt à l’imaginaire pour résister à pareille dérive.

«Futur»: un poème de Job

Sur le sol de ma cellule, pour autant que cela existe, des débris épars de mon ancienne existence.
Y compris des débris d’amour-propre, de vanité, de légère claustrophobie et d’angoisse.

L’angoisse d’être seul, d’une part, et celle de me retrouver face à un homme qui me ressemblerait trop, d’autre part.

Je ne passe pas l’aspirateur dans ma cellule, car j’aime marcher sur les pelures de ce que j’ai parcouru, de même j’aime toucher
le vieux papier d’emballage des choses neuves que j’ai trouvées ici ou de ce que j’ai reconquis.

traduction Daniel Cunin
Extrait de Gevangenispost – De Geus / Stichting Blocknotes, Amsterdam / Utrecht, 2022.

«Règles de vie»: un poème de Frank

Absorbées, mes pensées vont et viennent.
Autrefois, le quotidien était gravé dans ma tête
d’où jaillissaient naturellement projets et leur réalisation.
Les lois du ménage, de l’éducation et de la responsabilité
en des rapports logiques avec le résultat souhaité.

Bien sûr, dans l’adversité, des anomalies survenaient.
Je sautais alors des repas et dormais peut-être mal,
puis le temps pansait les plaies, l’expérience permettait de se relever.
Ai repris le fil, sauvegardé tout ce qui s’était passé,
surmontant les fatalités temporaires dans une autre peau.

Quelle différence avec l’état de survie d’aujourd’hui!
Rien n’est plus ce qu’il était, la résilience un concept élastique,
perte de toute volonté, des droits surchargés d’obligations.
L’immobilité fait appel à ma flottabilité,
le climat bizarre me rappelle Spitzberg.

Le temps ne passe pas, s’assagir est compliqué.
Alors que je regarde mes mains où des marques sont apparues,
mon immobilité supposée se révèle d’une nature éphémère.
Malgré ce fait accompli, pareil à mon cœur qui bat,
je veille à ne pas disparaître.

traduction Daniel Cunin
Extrait de Gevangenispost – De Geus / Stichting Blocknotes, Amsterdam / Utrecht, 2022.

«Frederik C.»: un poème d'Ester Naomi Perquin

La peine dépend de la façon de le dire. L’homme en noir est
une humeur en costume et son repos nocturne, sa femme, son déjeuner,
la qualité du café sur place: déterminants.

Toi, il te reste tout au plus une phrase sur laquelle il mettra bientôt le doigt.
Prends donc en main toute l’histoire – ne t’épargne pas trop mais
sors du viseur, doucettement. Au lieu d’assassin
tu choisis «auteur». Plus de recul. Moins biaisé.

Entendons-nous bien, quand il le faut: parle durement.
Dur comme l’industrie de la viande, sois ferme, dis comme tu as coupé vite
pour refroidir, rendre maniable comme un poulet surgelé.

Si l’occasion est là seulement tu dis: je lui ai taillé un costard en sapin. La langue
n’a pas sa pareille pour l’atténuation. L’homme en noir aussi
a été jeune, lui aussi apprécie de te voir
attraper quelqu’un, le réchauffer, l’habiller.

traduction Kim Andringa
Extrait de de Celinspecties – Uitgeverij Van Oorschot, 2012.

«En détention provisoire»: un extrait d'Özcan Akyol

Au poste, la gardienne aux cheveux tondus m’a ôté les menottes. Il lui fallait procéder à mon enregistrement. Exactement comme à l’hôtel. Je suis passé par toutes les étapes de la procédure – vidage des poches, fouille, remise du passeport, signature de formulaires -, lui ai remis mes chaussures en échange d’une paire de sandales, avant d’être escorté vers une cellule.
Parvenue devant la porte, la femme s’est arrêtée. Elle a écarté une manche de sa chemise de service pour lire l’heure au cadran d’une montre affreuse à vomir, pourvue d’un bracelet vert fluo et qui lui entamait la chair du poignet. «Voyons voir… Il est six heures et demie. Le fourgon arrive à huit heures et quart…
– Je vais où exactement?
– En cellule dans un autre bureau de police, quelque part au sud. Après, je n’ai pas d’informations.
– Parce qu’il y a un après?
– Oui, mon gars. J’imagine que oui. Mais tout à l’heure quelqu’un d’autre t’en dira plus.
On m’a tendu un petit gobelet de thé en carton et un morceau de pain avec du fromage qui n’avait pas tout à fait fini de dégeler, vu que mon prochain voyage m’obligeait à prendre mon petit-déjeuner plus tôt que les autres truands en avaient l’habitude. Résigné au sort qui m’attendait, je me suis laissé tomber à la renverse sur le lit de camp. Il y avait un drap-housse et une taie d’oreiller, mais j’ai décidé d’y renoncer.
À peu près cinq minutes plus tard, un homme a ouvert le judas de la porte. Voyant que j’étais assis, il est entré en deux enjambées.
– Bonjour, je suis le substitut du procureur.
Le grand type m’a tendu la main et s’est agenouillé devant moi. Il a posé une liasse de papiers sur sa cuisse et s’est lancé dans une énumération interminable de mes droits et devoirs.
– Savez-vous pourquoi vous vous trouvez ici? m’a-t-il demandé en guise de péroraison.
– Oui, parce que vous êtes venus me chercher.
Pas même un rictus.
– Vous êtes soupçonné de participation à une organisation criminelle, de fraude, de vol, de faux en écriture… Euh… Et puis encore de maltraitance, de culture de cannabis, de chantage, seul ou en bande organisée.
Il m’a fixé.
– Qu’avez-vous à répondre à cela?
J’ai haussé les épaules sans prendre la peine de me lever, résolu à ne rien dire.
– Vous invoquez votre droit au silence?
– Oui.
– Étant donné l’implication de votre frère dans plusieurs de ces motifs d’inculpation, il est de mon devoir de vous signaler que vous pouvez faire usage de votre droit d’exemption. Vous savez ce que cela signifie?
J’ai fait signe que non.
– Eh bien, étant donné qu’il existe un lien de famille entre vous deux, vous pouvez chacun choisir de ne rien déclarer qui ait trait à l’autre. C’est clair?
– Ben oui.
C’était son tour de consulter sa montre.
– Vous êtes en état d’incarcération. Par la suite, le juge d’instruction prolongera la détention provisoire. Dans une demi-heure vous serez transféré. D’autres questions?
Le gars s’est levé d’un bond et m’a de nouveau serré la main. Je n’ai rien dit.
– Courage.
Avec un grand claquement, qui a résonné un certain temps, il a refermé la porte.
Ce plouc avait parlé de plantations de cannabis et de chantage. Peut-être s’était-on emmêlé les pinceaux en confondant les affaires et regagnerais-je mes pénates sans tarder grâce à un vice de procédure. J’avais lu des choses là-dessus. À la moindre erreur des flics, on vous donnait la clé des champs. Simple comme bonjour.
La seule chose que les Roms aient faite, c’est de voler des richards. Un point c’est tout.
La même Mitsubishi m’a emporté vers un bureau de police. Tout au sud, cette fois. Pas très loin du camp des Roms. Deux policiers étaient assis à l’avant.
J’ai été obligé de prendre place menotté sur la banquette arrière, pour le cas où l’idée me serait venue de sauter d’une voiture en marche. À toutes fins utiles, la sécurité enfant avait été enclenchée des deux côtés.
– Vous ne pouvez pas allumer la radio? ai-je demandé une fois sur la voie express, histoire de rompre le silence.
– Malheureusement non, a répondu le passager avant, pour vous les restrictions sont absolues.
– Ce qui veut dire?
– Que vous n’avez pas le droit de disposer de la télé, de la radio, d’Internet, de journaux ou de magazines.
– Bon sang, c’est quoi, cette connerie?
Le conducteur m’a envoyé un rictus dans le rétroviseur intérieur. Sa petite grimace, ça m’a mis en rogne.
– Je sais bien que ça a l’air puéril, mais c’est une manière pour nous d’être sûrs que les suspects n’auront pas la possibilité de faire concorder leurs déclarations. D’autres pourraient diffuser des messages via les médias».
Il aurait été vain de protester. J’ai essayé de faire bonne figure, mais mon sentiment d’impuissance me détruisait à petit feu.

Traduit du néerlandais par Christian Marcipont.
Extrait de Eus, Prometheus, Amsterdam, 2012.
Cet article a initialement paru dans Septentrion n° 8, 2023.
Anne van den Dool

Anne van den Dool

journaliste indépendante, autrice

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