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La Nuit des idées: la proximité au-delà des frontières

3 février 2021 5 min. temps de lecture

La Nuit des idées est un événement annuel international organisé sous l’égide de l’Institut français dans le but de célébrer le partage des savoirs et des idées entre les pays et les cultures et de réfléchir aux grands enjeux contemporains. Dans un contexte où nos rapports à l’autre et à la mobilité n’ont jamais été aussi limités, sa sixième édition, qui s’est tenue le 28 janvier 2021, avait pour thème la proximité. En Belgique, ce thème s’est décliné plus précisément autour de la question des «Frontières, nos limites?» lors de la soirée d’échanges organisée par l’université catholique de Louvain FUCaM Mons. Trois grandes thématiques y ont été abordées: «(Dé)passer les frontières», «Habiter la frontière» et «Repousser les frontières».

«Dépasser les frontières»

Dans l’introduction de ce débat axé sur une approche socio-politique des frontières, l’initiateur d’Eurometropolis News, Bart Noels, a déploré le fossé qui se creusait entre Wallons et Flamands, peu encouragés à faire un pas vers l’autre. Selon lui, ces deux régions linguistiques devraient réapprendre à se connaître, notamment par le biais de la culture, pour célébrer leurs différences et renforcer leur collaboration.

Loïc Delhuvenne, le directeur de l’Eurométropole, a, quant à lui, fait remarquer le paradoxe des régions transfrontalières: c’est principalement là où les frontières semblent exister le moins. On pense notamment aux milliers de travailleurs qui passent d’un pays à l’autre tous les jours ou encore aux Belges qui se rendent au Luxembourg simplement pour y faire le plein. Delhuvenne a, en outre, tenu à mettre l’accent sur les conséquences parfois néfastes qu’entraîne l’existence des frontières, notamment en matière de pollution de l’air, un fléau qui sévit particulièrement dans l’Eurométropole. En effet, malgré l’existence de directives européennes, Français et Belges n’évaluent pas la qualité de l’air de la même manière. Ainsi, il n’existe aucun seuil commun d’alerte en cas pic de pollution, une aberration lorsque l’on sait que cette dernière affecte une personne sur huit.

La professeure Fabienne Leloup a à son tour abordé les différentes facettes des frontières, tantôt perçues comme les limites d’un territoire, tels des murs ou des barrières, tantôt comme des empreintes de l’Histoire (à l’instar du mur de Berlin), qui sont parfois encore visibles et qui peuvent laisser des différences idéologiques dans leur sillage. Tantôt ouvertes, tantôt fermées, elles sont vivantes et évoluent selon le bon vouloir de l’être humain, comme on peut le constater avec le Brexit. Elle a notamment mis en lumière le programme Interreg qui vise à gommer les frontières entre la France, la Wallonie et la Flandre pour rapprocher les acteurs privés et publics ainsi que les citoyens.

Le projet «Europe je t’aime, moi non plus», une série de consultations citoyennes organisées par l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, a également été mis en avant. Le but? Faire des citoyens des acteurs européens et leur donner les clés pour mieux comprendre le fonctionnement de l’Europe. Les instigateurs du projet souhaitent permettre aux citoyens d’interpeller les membres des institutions européennes sur des questions telles que le manque d’équivalence de diplômes entre certains pays, une réalité quelque peu saugrenue, quand on sait que le nombre de bénéficiaires du programme Eramus+
ne cesse d’augmenter. Fabienne Leloup a d’ailleurs fait remarquer qu’il était parfois plus difficile pour un étudiant belge francophone d’effectuer un stage en France ou en Flandre, d’un point de vue administratif, que dans d’autres pays européens.

«Habiter la frontière»

L’urbanisme ainsi que l’atelier de master «Question d’Architecture: Sociétés et Territoires» organisé par les professeurs de la Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme (LOCI) constituaient le fil rouge de ce deuxième temps d’échanges. Les étudiants de cet atelier avaient été invités à se rendre dans des espaces habités en transition situés à la frontière franco-belge pour y interroger les habitants et ainsi mieux comprendre les particularités de ces endroits.

On a pu voir le résultat des recherches des étudiants présenté de manière originale (sous forme de jeu de société, par exemple). Un étudiant a d’ailleurs eu l’occasion d’expliquer en direct le travail de son groupe, qui a débouché sur une exposition urbaine intitulée «No made» et sur une rencontre entre habitants de la commune belge de Herseaux et les gens du voyage établis de l’autre côté de la frontière.

Une question a resurgi: quelle est la bonne distance à mettre entre soi et les autres? Chloé Salembier, l’un des professeurs qui a encadré cet atelier, en a conclu qu’une trop grande proximité pourrait occasionner une sensation d’étouffement, qui entraînerait à son tour de la violence, tandis qu’une certaine indifférence, voire de l’individualisme, pourraient découler d’un éloignement trop marqué. On retrouve le deuxième cas de figure à la frontière herseautoise: les habitants du village se sont réfugiés derrière des caméras de surveillance, des talus et des clôtures, instaurant un climat de méfiance et de rejet de l’autre.

«Repousser les frontières»

L’intelligence artificielle (IA) se trouvait au cœur de la dernière rencontre qui a abordé la question des frontières entre l’humain et la technologie. Les professeurs Mieke De Ketelaere et Benoît Macq ont souligné les avancées belges considérables réalisées dans ce domaine, notamment en médecine, et plus précisément en neurologie. La spécialiste en éthique Valérie Kokoszka a tout de même tenu à mettre en garde contre les effets indésirables que cette technologique pourrait entraîner, notamment en matière de gestion de données personnelles. Au fil du débat, les différents intervenants se sont néanmoins accordés à dire qu’on ne pouvait nier les avantages de l’IA. Bien qu’intéressante, cette troisième partie s’est avérée moins pertinente pour ceux et celles qui espéraient trouver dans cette rencontre matière à alimenter la réflexion sur la réalité des habitants des régions transfrontalières.

Le doyen et la vice-doyenne ont conclu cette Nuit des idées en soulignant la nécessité de «diluer les frontières pour créer une nouvelle vision du monde». Enfin, la soirée, qui avait été ponctuée par différentes interventions artistiques ayant en commun de «se jouer des frontières», s’est prolongée avec la diffusion de courts-métrages sélectionnés par le comité de programmation du Ramdam Festival de Tournai. Le «festival du film qui dérange» aurait dû se dérouler du 16 au 26 janvier 2021.

L’événement ayant été enregistré, il est encore possible de visionner ici les échanges.

Chloebracaval

Chloé Bracaval

traductrice et collaboratrice marketing et communication

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