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pays-bas français

La réhabilitation du Bassin minier dans le respect de l’identité minière

Par Bieke Lebbe, traduit par Michel Perquy
25 juin 2020 6 min. temps de lecture

Il y a trois cents ans, les premiers morceaux de charbon furent montés à la surface dans le Bassin minier du nord de la France. Pendant plus de deux siècles, le charbon amena la prospérité, mais la fin des années 1980 vit la fermeture des dernières mines. Depuis, cette région dépérissait. Mais aujourd’hui, il y a des signes porteurs d’espoir.

Les images du film Bienvenue chez les Ch’tis font partie de notre mémoire collective. Certaines scènes ont réellement été tournées dans les quartiers miniers paupérisés du nord de la France, occupés par des habitants rudes et incultes, parlant un charabia incompréhensible. Le message était manifeste : « Oui, il existait un retard social dans le nord industrialisé, mais il y avait surtout une culture typique et chaleureuse. » Elle n’est nulle part aussi unique que dans ce Bassin minier qui était, jusqu’il n’y a pas si longtemps, le cœur battant industriel de la région. Cette époque est sans doute révolue, mais l’activité minière a laissé des traces jusqu’à aujourd’hui. En 2020, il y a exactement 300 ans que le premier morceau de charbon a été sorti de terre dans le Nord. C’est ce que veut illustrer l’exposition temporaire au Centre Historique Minier de Lewarde. Il est vrai que le programme commémoratif est restreint à cause de la crise du Covid‑19. Mais on réfléchit déjà à la manière de renouer avec les activités, tout comme on l’a fait après la fermeture de la dernière mine d’Oignies en 1990.

Sommet et déclin

La région minière s’étend sur une longueur de 120 km et une largeur de 12 km, de Valenciennes à Douai et de Lens à Béthune. Au xixe siècle, les charbonnages se multiplièrent sous la poussée de la révolution industrielle qui s’était emparée de l’Europe. Les premiers mineurs étaient des Français, bientôt rejoints par des travailleurs transfrontaliers flamands et plus tard par des immigrants de tous les pays d’Europe et même de l’Afrique du Nord. À une certaine époque, ils étaient plus de 100 000 ‘gueules noires’ à travailler dans la région. Ce qui, dans la foulée, donna lieu à la naissance de l’urbanisation moderne. Les patrons miniers firent en effet construire autour des mines des cités-jardins pour les ouvriers, mais aussi des écoles, des églises, des commerces… Tous ces aménagements rattachaient les travailleurs à leur patron. Les quelques rares cafés privés devinrent bien vite des foyers de révolte et il n’est pas étonnant que le socialisme ait été fortement représenté dans le Bassin houiller.

Après les deux guerres mondiales, les mines furent reconstruites pour se voir nationalisées dans les années 1950. Elles devaient servir de moteur de la reconstruction du pays. Mais après les investissements nécessaires, la production houillère ralentit progressivement et vers la fin des années 1980, la plupart des puits avaient été fermés.

Le choc social était inévitable. Que faire de ces milliers de mineurs au chômage qui ne connaissaient d’autre existence que la mine ? Et que faire des anciennes installations minières ? Une bonne part des anciens mineurs purent se reconvertir pour trouver du travail dans l’industrie automobile. Mais la plupart restèrent au chômage. Si leurs logements étaient gratuits, ils n’étaient même pas pourvus du confort basique tel que l’écoulement des eaux usées, d’une arrivée d’eau, d’une installation sanitaire ou du chauffage et il ne se trouvait personne pour y engager des fonds. Certains anciens mineurs purent racheter leur habitation, mais des quartiers entiers se dégradèrent ou furent totalement désertés. Jusque dans les années 1990, les anciens bâtiments miniers étaient abandonnés ou démolis, créant aux abords des villes de vastes zones de terrains en friche ou gravement pollués. Bref, la recette idéale de la marginalité telle que l’a évoquée le film Bienvenue chez les Ch’tis.

Un vent nouveau

À la veille du nouveau siècle, l’État français a élaboré une stratégie de développement pour le Bassin minier, coordonnée par la DRAC (Direction régionale des Affaires culturelles). La voie tracée était celle d’une réanimation de l’identité minière collective par le biais de la culture et de la créativité. Un exemple de cette politique est le Louvre-Lens qui a ouvert ses portes en 2000. Cette approche se révéla très réussie car l’identité minière devint un excellent liant entre le patrimoine minier matériel et immatériel, entre la population et le paysage. Ce qui fut confirmé lorsque le Bassin minier fut repris en 2012 par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondial sous la dénomination de ‘paysage culturel évolutif vivant’. Ce titre comprend précisément ce dont il s’agit dans cette région : la régénération d’une région dans le respect de l’identité minière comme déterminant culturel. Car pour bien comprendre la vie des mineurs, il ne suffit pas de se rendre sur les sites miniers mêmes. Le paysage culturel protégé comprend aujourd’hui quelque 4 000 ha avec 109 sites comptant 353 entités minières remarquables telles que les terrils, des piscines, des églises, des cités-jardins etc.

Le patrimoine minier ne fut pas enfermé non plus sous une cloche de verre, car la régénération du Bassin minier se poursuit et les nouvelles générations font preuve d’une créativité indispensable. Des terrils ont été transformés en pistes de ski (Loisinord) ou en vignobles, des bâtiments miniers en salles de concert (Métaphone, Oignies), des cités-jardins entières en hôtels (Hôtel Louvre Lens) ou, comme c’est le cas de ‘La Cité des électriciens’, en villages d’artistes doublés d’habitations sociales. Entre-temps, les lacs et terrils se sont développés en une superbe zone naturelle avec une biodiversité exceptionnelle. Afin de la protéger et de l’ouvrir aux loisirs durables, les diverses entités se sont regroupées sous la dénomination ‘Chaîne des Terrils’. Grâce à un projet Interreg IV, elles continuent à se développer jusqu’à former un véritable couloir vert s’étendant jusqu’en Wallonie.

Il convient cependant d’ajouter une remarque d’ordre économique à cette histoire d’une belle réussite. Il avait été prévu pour de nombreux projets des investissements nationaux ou régionaux qui sont actuellement en train de s’épuiser. Mais il s’agit souvent de projets qui ne sont pas autosuffisants et qui créent peu d’emplois. Les jeunes hautement qualifiés vont s’installer dans la zone métropolitaine autour de Lille et le niveau de qualification dans le Bassin minier demeure donc modeste. Le reste de la population sur place vieillit et viennent s’y ajouter de nouveaux habitants sans aucune identité minière et le plus souvent actifs dans la tranche inférieure du secteur tertiaire. Dans ce sens, la pauvreté se maintient d’elle-même dans le Bassin minier.

Il est clair qu’il y a encore beaucoup de pain sur la planche pour réinventer l’économie ici. Pourtant, les premiers signes d’un revirement sont perceptibles. Quelques secteurs spécialisés se sont en effet établis dans le Bassin minier, ouvrant surtout de belles perspectives d’avenir dans l’industrie logistique et ferroviaire grâce à la position centrale en Europe (I-Trans & Raileneum, 2017). Mais les besoins d’investissements plus importants dans la recherche et l’innovation sont énormes. Et l’on constate que le nord de la France en bénéficie encore toujours moins que d’autres régions françaises. Il faut que d’autres acteurs tels que l’enseignement, l’infrastructure de transports, etc. soient également impliqués dans cette histoire, car ils sont encore insuffisamment adaptés à la population locale et au nouveau développement régional.

Bref, il est clair que le puzzle de la reconversion n’est pas facile à réussir et qu’il reste de nombreux défis à relever, par exemple dans les domaines de l’écologie, de l’économie, de l’infrastructure, de l’enseignement, etc. Il y a trois siècles, la découverte du charbon dans le Bassin minier y a provoqué une révolution économique et sociale et c’est sur cette histoire de prospérité qu’il faut poursuivre.

Quant à nous, il est grand temps que nous partions à la découverte de cette région passionnante. Nous n’avons plus d’excuses à invoquer depuis que la pandémie du Covid‑19 nous contraint de chercher des occasions de détente et de partir à la découverte de perles culturelles inconnues dans notre propre région. Le Bassin minier en fait indiscutablement partie.

Bieke Lebbe

Guide dans plusieurs musées le long de la frontière belgo-française (entre autres le Musée de Flandre), elle aime le paysage de la Flandre française. Elle chante dans plusieurs chorales en Flandre et en France.

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