Passa Porta, la Maison internationale des littératures de Bruxelles, fait souffler une expérience unique sur le monde des Lettres. Créée en 2004, Passa Porta a pour vocation d’œuvrer aux échanges, aux rencontres entre la littérature belge et la littérature internationale. Au cœur de ce dispositif axé sur la multiculturalité et le plurilinguisme, éminemment avant-gardiste en ce qu’il est composé de l’union entre une association francophone et une association néerlandophone, les traducteurs jouent un rôle de premier plan.
Fondé en 2003, le Collectif des traducteurs de Passa Porta voit le jour à la demande du directeur de l’époque, Paul Buekenhout.
Les objectifs sont resserrés autour de la traduction de la poésie et assurés par quelques traducteurs, Lisette Keustermans pour les langues scandinaves, Éric Metz pour les langues slaves, Frank Olbrechts pour l’arabe, Katelijne De Vuyst pour l’anglais, le français et le grec moderne, Bart Vonck pour le français, l’espagnol et le portugais.
Le Numéro 3 des Cahiers Passa Porta, le recueil Je bereikt me in vertaling (Vous me joignez en traduction), publié en 2011, présente le fruit de ce travail de traduction de poètes en néerlandais.
Au fil des années, la formule évolue et prend la forme d’une collaboration entre deux traducteurs néerlandophones belges (Katelijne De Vuyst et Bart Vonck) et deux traducteurs francophones belges (Pierre Geron et Danielle Losman). En partenariat avec Primaëlle Vertenoeil des éditions Tétras Lyre, avec la collection De Flandre, l’équipe assure la traduction d’un poète francophone belge en néerlandais et la traduction d’un poète néerlandophone belge en français.
© B. Potvliege
C’est ainsi que la collection De Flandre accueillera les recueils Lavis à l’encre de Charles Ducal, Chambre morte d’Erik Spinoy, Sculptures de Roland Jooris, Le Slalom Soft de Paul Bogaerts, Nous sommes parallèles de Maud Vanhauwaert, Chants d’un cheval qui chavire d’Els Moors, Révolution de Lies Van Gasse.
Lorsque, début 2014, le projet «Poète national belge» voit le jour, il a pour horizon la valorisation et la promotion des échanges littéraires et culturels entre les trois communautés linguistiques de Belgique et il se traduit par la désignation d’un Poète national élu pour une période de deux ans. Le collectif des traducteurs de Passa Porta participe à l’aventure en traduisant les six poèmes annuels nationaux de Charles Ducal, de Laurence Vielle et d’Els Moors.
Discret, mais essentiel
Dissous en 2018, le collectif des traducteurs (mais aussi le collectif des auteurs) cède la place à d’autres initiatives frayées par Passa Porta, des initiatives qui prolongent en les renouvelant le rôle de passerelle entre les langues du monde entier.
© B. Boar
Les ateliers Found in Translation abordent sous un nouveau jour la traduction en ouvrant la porte à un collectif plus large, à un public de professionnels ou de traducteurs amateurs. La notion de laboratoire, d’espace de travail en commun est central dans la philosophie de Passa Porta. L’ancien noyau du collectif de traducteurs continue à prester des traductions isolées ou collectives, en collaborant avec les Midis de la Poésie notamment.
Les traducteurs sont les chevaux de poste de l’instruction (Pouchkine)
Mettant en lumière via son Festival biennal les écritures les plus contemporaines, les nouvelles voix, des artistes internationaux confirmés ou moins connus, des écritures audacieuses et expérimentales qui interrogent le monde actuel et le transforment, en partenariat avec d’autres lieux culturels, Passa Porta a métamorphosé Bruxelles en une ville littéraire, une plaque-tournante des idées et de leurs expressions artistiques.
Une expérience unique, poétique et politique, passionnée et militante qui, décloisonnant les genres, les disciplines, ouvrant les frontières, fait entendre les voix de la littérature belge et internationale d’aujourd’hui. Au sein de cet espace de partages et de réflexions sur la création actuelle, sur ses devenirs, ses possibles, ses nouveaux enjeux, la traduction joue un rôle aussi essentiel que discret, fait danser la Tour de Babel des langues et des cultures en les invitant les unes chez les autres.
Comme l’écrivait Jacques Derrida, «Si le traducteur ne restitue ni ne copie un original, c’est que celui-ci survit et se transforme. La traduction sera en vérité un moment de sa propre croissance, il s’y complétera en s’agrandissant. Or il faut bien que la croissance […] ne donne pas lieu à n’importe quelle forme dans n’importe quelle direction. La croissance doit accomplir, remplir, compléter. […] Et si l’original appelle un complément, c’est qu’à l’origine il n’était pas là sans faute, plein, complet, total, identique à soi.»