L’adieu à Frits Niessen (1936-2020)
Nous avons la tristesse de vous informer du décès de Frits Niessen, ancien rédacteur en chef adjoint des publications de Ons Erfdeel vzw.
Le Néerlandais Niessen a collaboré à la revue en langue néerlandaise Ons Erfdeel à partir de 1957, soit à peu près dès la naissance du périodique. Il a d’abord été membre de la rédaction avant de faire partie du noyau de celle-ci avec le rédacteur en chef Jozef Deleu. Il a été à partir de 1977 rédacteur en chef adjoint non seulement de Ons Erfdeel, mais aussi de Septentrion, des annales bilingues De Franse Nederlanden – Les Pays-Bas Français et depuis 1993 des annales en langue anglaise The Low Countries. Il a également assumé en partage la responsabilité de nombreuses autres publications. Durant toutes ces années, Frits Niessen a été associé à toutes les décisions importantes au sein de la maison. Il a non seulement vécu les développements, mais les a largement influencés. Quelqu’un devrait un jour écrire l’histoire du solide tandem qu’il a formé pendant des décennies avec Jozef Deleu, fondateur de Ons Erfdeel vzw et ancien rédacteur en chef des revues et autres publications. Après le départ de Deleu en 2002, Frits Niessen a poursuivi sur la même lancée Il a quitté ses fonctions de rédacteur en chef adjoint à la fin de l’année 2016.
© «Nationaal Archief», La Haye.
Frits Niessen a reçu une formation d’instituteur puis a effectué des études de néerlandais à Tilburg, en Brabant-Septentrional. Il a enseigné le néerlandais pendant de longues années, notamment dans une académie de pédagogie. Une tâche dont il s’acquittait avec allant et enthousiasme. De 1980 à 1994, il a été membre de la Seconde Chambre des Pays-Bas pour le parti social-démocrate Partij van de Arbeid, s’intéressant particulièrement à des thèmes culturels. Il a été, avec Aad Nuis (membre du parti libéral de gauche D66) et Marten Beinema (membre du parti chrétien-démocrate CDA), un des acteurs les plus influents de la politique culturelle néerlandaise. En 1985, il a vivement interpellé le ministre Brinkman, qui refusait de décerner le prix P.C. Hooft, importante distinction littéraire, à Hugo Brandt Corstius. En 1989, il s’est opposé avec succès à une première tentative de supprimer l’Institut Néerlandais à Paris.
Niessen a présidé des organismes culturels très divers tels que le Zuidelijk Toneel à Eindhoven et la Stichting Lambertuskerk
(Fondation de l’église Saint-Lambert) dans son village natal de Raamsdonk. Il a également siégé au conseil d’administration du Nederlands Literair Productie- en Vertalingenfonds, aujourd’hui Nederlands Letterenfonds (Fondation néerlandaise des lettres). Il a fait partie de la Commission interparlementaire de la Taalunie (Union de langue néerlandaise), dont il a aussi été président, et a coprésidé avec Hugo Weckx la Commissie Cultureel Verdrag Vlaanderen-Nederland (CVN – Commission du traité culturel Flandre – Pays-Bas).
Frits Niessen était le rédacteur rêvé: ouvert au débat, sans ordre du jour personnel, toujours bien préparé, tenace là où il le fallait, conciliant quand venait le moment de trancher.
En tant que rédacteur, Niessen a signé durant les premières décennies pour Ons Erfdeel de nombreux aricles sur la littérature, la politique culturelle et le Mouvement flamand. Dans la suite, Frits a moins écrit pour nos revues – ne l‘avait-il d’ailleurs pas fait à profusion jusque là? – mais il est resté jusqu’en 2016 le pourvoyeur idéal de thèmes, se présentant constamment aux réunions de rédaction avec une flopée de suggestions, qui prouvaient l’étendue de ses centres d’intérêt culturels et sociaux. En tant que généraliste, il était le rédacteur rêvé: ouvert au débat, sans ordre du jour personnel, toujours bien préparé, tenace là où il le fallait, conciliant quand venait le moment de trancher. Ses comptes rendus de lecture révélaient un esprit attentif et critique, nullement sous l’influence d’un jargon de spécialiste ou d’un verbiage intellectuel à la mode. Un esprit dont l’ouverture s’étendait d’ailleurs largement au-delà des limites du monde néerlandophone. Il allait chaque année en vacances en France, un pays qu’il avait fini par connaître particulièrement bien et dont il faisait souvent l’éloge.
En 2006, lorsqu’il a quitté la coprésidence de la CVN, Niessen a été fait Commandeur de l’ordre de la Couronne. Neuf ans plus tôt, il avait reçu le prix Visser-Neerlandia. Cette distinction est décernée par l’Algemeen Nederlands Verbond, association qui promeut la coopération culturelle entre les Pays-Bas et la Flandre. Le prix lui était attribué pour quarante ans de «mérite personnel» dans le domaine de la langue et de la culture néerlandaises. Aad Nuis, qui était alors secrétaire d’État, avait prononcé un éloge dans lequel il le qualifiait de «touche-à-tout passionné», soulignant que Niessen remplissait une mission de passerelle entre Nord et Sud: «Pour les gens du Nord, tu es un véritable homme du Sud, un Brabançon. Mais les Flamands peuvent voir dans ta ponctualité et dans ta ténacité des traits du Hollandais rabâcheur. Je suppose que tu habites les deux mondes, je te soupçonne même d’avoir pris racine dans les deux».
Dans leur candidature d’admission à Ons Erfdeel en 1957, les jeunes «Néerlandais du Nord» de vingt ans s’engageaient à «se vouer entièrement avec enthousiasme à cette importante mission». Par cette «mission», les signataires visaient l’objectif poursuivi par la revue, un objectif qui, selon eux, cadrait avec «le sentiment d’union au sein d’une grande communauté néerlandaise». Ce Brabançon des Pays-Bas qui, comme personne, s’est épris de la Flandre au point d’être capable, en pleine connaissance de cause, de s’adresser à elle, au besoin, sévèrement mais toujours avec équité, cet homme-là a conservé le même enthousiasme pendant près de soixante ans. Son engagement exemplaire n’a jamais failli et il s’est constamment attelé à sa mission de façon totalement désintéressée. Pour l’évolution des publications de Ons Erfdeel vzw et pour celle de l’institution culturelle Ons Erfdeel vzw elle-même, le dévouement de Frits Niessen a été inestimable et son apport extrêmement précieux.