L’antisémitisme n’a jamais totalement disparu en Europe
L’antisémistisme qui refait surface aujourd’hui est une combinaison de préjugés jamais totalement disparus d’Europe et d’un «nouvel antisémitisme» chez les musulmans.
Les Juifs ont, de tout temps, servi de bouc émissaire aux régimes s’efforçant de conjurer des crises. Ce fut le cas avec les pogroms de la Russie tsariste, les lois raciales de Nuremberg de l’Allemagne nazie et la diabolisation des Juifs comme critique de l’État d’Israël par les régimes arabes.
Le malaise qui sévit actuellement sur le monde, le climat de peur et de fureur incontrôlée qui plane sur l’Occident après la crise bancaire et la crise migratoire, ont largement ouvert les portes à une nouvelle vague d’antisémitisme.
Ce ne sont pas seulement les fantômes d’un sombre passé qui ressurgissent.
En Allemagne, les Juifs sont dissuadés de continuer à porter la kippa dans la rue. La France, selon son président lui-même, doit en finir avec «une résurgence de l’antisémitisme inédite depuis la Seconde Guerre mondiale». Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, des partis comme GroenLinks
(Gauche verte) et le Labour (Parti travailliste) luttent contre les relents d’antisémitisme qui entourent certains de leurs membres. En Belgique, UNIA, institution interfédérale de protection des droits de l’homme, met en garde contre une nette poussée d’antisémitisme dans la société.
Le «nouvel antisémitisme»
Lors d’une récente enquête auprès de plus de 16 000 Juifs européens, neuf personnes questionnées sur dix déclarent qu’à leur sens, l’antisémitisme augmente dans leur pays. Il semble que, malgré l’inscription des horreurs de l’Holocauste dans les programmes scolaires, l’antisémitisme n’ait jamais totalement disparu en Europe.
Mais ce ne sont pas seulement les fantômes d’un sombre passé qui ressurgissent. Avec la présence de groupes importants de musulmans sur le continent, est aussi apparu ce qu’on appelle le «nouvel antisémitisme». Cette animosité a ses racines dans le salafo-wahhabisme et le conflit israélo-palestinien.
En mai 2016, la Flandre a éprouvé à quel point cette haine est enracinée. Zakia Belkhiri, une musulmane déterminée et flamboyante, devint d’un seul coup une véritable star après avoir pris des selfies où figurait Filip Dewinter, leader du parti d’extrême droite Vlaams Belang. À peine une semaine plus tard, la «selfiemoslima» se retrouva au cœur d’une tempête médiatique pour avoir diffusé sur Twitter des messages haineux du genre: «Hitler n’a pas tué tous les Juifs, il en a laissé quelques-uns pour que nous comprenions pourquoi il les tuait».
L’amalgame avec l’antisémitisme
L’étude Antisemitism and Immigration in Western Europe Today montre que Zakia Belkhiri n’est pas seule à nourrir de telles idées répréhensibles. Dans la population globale, les Musulmans entretiennent relativement plus souvent des préjugés antisémites et sont plus fréquemment impliqués dans des actes de violence du même acabit. La simple existence de l’État d’Israël semble déjà, en soi, appeler à la haine chez les musulmans et une partie de la gauche populiste. C’est aussi de ce côté que l’on pratique souvent l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme.
L’amalgame entre antisionisme et antisémitisme est une épée à double tranchant. D’une part l’antisionisme revendiqué n’est trop souvent qu’une couverture pour propager de l’antisémitisme pur. D’autre part, l’allégation d’antisémitisme est aussi le moyen parfait pour couper court à une critique fondée concernant l’État d’Israël.
Les Juifs portent le fardeau d’une histoire d’environ 2 000 ans de préjugés et de théories du complot
Pour en finir avec cette confusion, l’International Holocaust Remembrance Alliance
(IHRA) a établi une définition, selon elle universelle, de l’antisémitisme. Le problème est qu’il y a également beaucoup à dire sur cette définition. Ainsi, l’IHRA affirme entre autres «qu’on ne peut exiger d’Israël un comportement qui n’est requis d’aucun autre pays démocratique». Il faut donc regarder Israël avec objectivité.
Et c’est justement là que le bât blesse. Israël est en fait un pays qu’on ne peut juger suivant les critères applicables aux autres nations (démocratiques). Il est presque impossible de le considérer objectivement. En effet, l’État d’Israël est à part, et cela dès sa genèse. C’est un cas exemplaire du temps où, dans les milieux coloniaux blancs, on se réservait le droit de diviser le monde à son gré. De préférence sans tenir compte de la population locale «inférieure». Les problèmes du continent étaient peu délicatement transférés dans un autre.
Dire qu’Israël n’est pas trop respectueux des droits de sa population palestinienne est un euphémisme de taille. Dans le World Report 2019 de Human Rights Watch on peut lire à ce sujet: «The Israeli government continued to enforce severe and discriminatory restrictions on Palestinians’ human rights; restrict the movement of people and goods into and out of the Gaza Strip; and facilitate the unlawful transfer of Israeli citizens to settlements in the occupied West Bank.» Pour ce qui concerne la violation des droits des Palestiniens, l’État israélien n’est pas non plus exceptionnel dans la région. C’est ainsi qu’existe une discrimination flagrante des réfugiés palestiniens dans des pays d’accueil arabes comme le Liban et l’Égypte.
Mais ces nations échappent à la critique.
Bien des griefs fondés peuvent être adressés à l’État d’Israël; certains principes sont trop importants pour pouvoir être laissés de côté. L’un d’entre eux est que les individus ne sont jamais collectivement responsables de la politique d’un pays. Encore moins s’ils n’y habitent pas. Le conflit israélo-palestinien exporté dans nos rues, n’y résout rien. Cela complique par contre la coexistence dans notre propre société complexe, et les sensibilités respectives s’en trouvent exacerbées.
Cette virulence repose sur un fondement historique. Les Juifs portent le fardeau d’une histoire d’environ 2.000 ans de préjugés et de théories du complot, souvent inculqués par des interprétations culturelles du cliché: le Juif présenté comme usurier, escroc et tricheur. Un cliché dont on s’amuse aussi sur le mode carnavalesque.
Qu’il s’agisse de l’antisémitisme ancien ou nouveau il n’a, comme les autres formes de racisme et de discrimination, aucun droit de cité. Il n’y a aucun prétexte, aucune raison ou critique pour justifier la haine ou la violence envers n’importe quel peuple. Il ne saurait donc être question ici aussi, de céder à un relativisme lâche.