L’autre: Annie Degroote jette un regard de l’autre côté de la frontière
Quelles expériences et idées la frontière entre le nord de la France et la Belgique évoque-t-elle à celles et ceux qui ont vécu une (grande) partie de leur vie dans sa proximité? Nous avons posé cette question à différentes personnes. L’écrivaine Annie Degroote a toujours eu beaucoup de tendresse pour ses «cousins» belges.
Degroote, c’est belge?
La Flandre, c’est en Belgique, n’est-ce-pas?
© Catherine Gugelman
Très jeune, j’ai côtoyé «l’autre côté», échangé avec «l’autre», si semblable et si différent. J’ai eu la chance de vivre près d’une frontière pacifique. Si je n’y vis plus, j’y reviens souvent et m’y plonge totalement grâce à mes romans. Je reste une fille du Nord qui garde de nombreux liens avec la Belgique.
Mes ancêtres directs n’ont jamais quitté une terre flamande qui, elle, a changé d’appartenance: bourguignonne, habsbourgeoise, espagnole… Devenus Français sous Louis XIV, notre côté latin ressort. Chacun ses spécificités. Mais la frontière n’a pas réussi à ôter ce que nous possédons en commun: carnavals, kermesses, géants, carillons, moulins, estaminets, brique, mer du Nord, cuisine, goût de l’union et de la démesure, et le vélo! Mon père, fabricant de bicyclettes, proclamait: «Ils sont forts ‘nos’ coureurs Belges!»
Je me souviens d’un tournage TV avec mes amis Folon et Ronny Coutteure. Nous étions sur un char de la fête des Chats à Ypres. On ne nous a pas vus d’un très bon œil, jusqu’à ce que Ronny explique en néerlandais ce que des Français faisaient au milieu du cortège!
© Wikipedia
J’ai ensuite écrit mes romans en amoureuse de la peinture de Flandre, de ses coutumes, de ses mythes. Je suis empreinte de toute cette culture du Nord qui est aussi la mienne …. Pourquoi j’aime autant les tableaux de Bruegel, la poésie de Maeterlinck, l’exubérance, la folie de Ghelderode? J’écris sur la grande histoire de nos ancêtres. Un tronc commun qui ne disparaîtra jamais.
Aujourd’hui, je garde beaucoup de tendresse pour nos voisins belges, j’éprouve de l’admiration pour la créativité de leurs artistes. Ils passent, nombreux, la frontière vers Paris, et comme Brel, le plus grand pour moi, ils savent imposer leur talent, leur humour, leur fantaisie. Vous l’aurez compris, cousins belges, je vous aime.