Le ciel comme atelier. Yves Klein et ses contemporains (néerlandais)
En s’appropriant le ciel, ce lieu infini des possibles, Yves Klein (1928-1962) allait entraîner avec lui une pléiade d’artistes de la France jusqu’au Japon. Les Pays-Bas ne seront pas en reste avec le groupe NUL dont le Centre Pompidou-Metz révèle et célèbre la créativité et le rôle de passeur d’idées nouvelles.
Créativité et nihilisme ambiant
Le Centre Pompidou Metz englobe l’univers dans ce formidable «atelier» qui dresse une cartographie repensée par l’art. La tabula rasa préside à l’orientation de nombre de groupuscules qui fleurissent durant cet après-guerre.
© ADAGP, Paris 2020 - Succession Yves Klein c/o ADAGP, Paris
La volonté de rompre avec un ancien monde qui a sombré dans la Seconde Guerre mondiale anime Yves Klein. Son message trouvera un écho auprès de toute une génération qui allait réinventer de nouveaux moyens d’expression.
Né aux Pays-Bas en 1960, le groupe NUL initié par Armando, Jan Henderikse, Jan Schoonhoven, Herman de Vries, Henk Peeters, rejette la peinture informelle et plus particulièrement COBRA. Ce n’est là qu’un aspect de son esthétique, qui trouve son équivalent en Europe au travers d’autres mouvements. L’exposition nous révèle en effet la communauté de pensée des Néerlandais avec le Groupe ZERO en Allemagne, Piero Manzoni en Italie, Gutai au Japon et les Nouveaux Réalistes avec Yves Klein à Paris. Leur bataille commune vise à abolir les principes artistiques régis par la tradition picturale, un idéal de beauté conventionnel et obsolète.
Du dialogue européen à la découverte du Japon
Lucio Fontana et Yves Klein constituent la principale source d’inspiration de ces jeunes artistes. L’Italien est la figure tutélaire, par sa fascination pour la dimension infinie de l’espace à laquelle ses Concepts spatiaux donnent forme.
© Charles Wilp / BPK, Berlin - Succession Yves Klein c/o Adagp, Paris, 2020.
Il partage avec son ami Yves Klein une prédilection pour le bleu céleste «bien plus vaste que l’infini», s’émeut l’inventeur d’un bleu inédit. Le ciel se convertit pour eux en un atelier immatériel idéal. L’élan d’intérêt se propage.
Tout en s’intéressant aux travaux de Klein, Piero Manzoni rencontre en 1958 les trublions du Groupe NUL, comme Lucio Fontana lors d’un voyage aux Pays-Bas. Plus que d’influences, il s’agissait d’échanges et même de collaborations. Témoin dans l’exposition un dessin de 1965 d’Yves Klein et du Néerlandais Henk Peeters dans lequel les auteurs qui s’étaient rencontrés à Paris cinq ans plus tôt dans la galerie Iris Clerc, projetaient la réalisation de l’œuvre collective ZERO op Zee (ZERO on sea).
Le dialogue s’instaure aussi en 1960 avec le Groupe ZERO, nébuleuse et forum nés en Allemagne en 1957, qui désire rompre avec la peinture gestuelle de l’Américain Jackson Pollock. Ils ne sont pas fédérés autour d’un manifeste qui pourrait les emprisonner. Leur seul mot d’ordre: donner libre court à leur créativité. Les Néerlandais Armando, Jan Henderikse, Jan Schoonhoven, Herman de Vries, Henk Peeters et Flamand Jef Verheyen se reconnaissent en eux et adhèrent au Groupe ZERO.
Le collectif au service d’une esthétique individuelle
Henk Peeters fut le plus actif des membres du groupe NUL au regard de l’organisation d’expositions et de sa contribution à la faveur de ses écrits. Il fit de ce groupuscule néerlandais un mouvement international. Lui-même participe à nombre d’expositions à l’étranger avec la Japonaise Yayoi Kusama, Lucio Fontana ou Yves Klein.
Il initia ZERO on Sea, projet utopique de réelle envergure qui réunissait une cinquantaine d’artistes de près de dix pays. Jusqu’à sa mort en 2013, il demeura fidèle au mouvement dont il fut le plus ardent défenseur. Dans ses Pyrographies
débutés en 1959, il aime à la manière d’Yves Klein à jouer avec le feu. Pyrographie 59-22 (1959) exposé à Metz est emblématique par le matériau en l’occurrence le feu et la non-intervention de l’artiste qui s’abandonne au hasard de la brûlure
Adepte comme Yves Klein du monochrome, Luciano Fontana s’employait à dépasser la peinture gestuelle au profit d’une monochromie qui va devenir un mode d’expression généralisé. Les liens d’amitié de l’Italien avec la jeune génération aboutissent à la collaboration avec le Flamand Jef Verheyen. En 1962, ils réalisent deux œuvres, ainsi que la même année, Concetto spaziale
(Concept spatial, anciennement Le Jour), peinture sur toile trouée au poinçon.
© VRT
On est confondu devant ce dialogue générationnel qui anime ces mouvements d’avant-garde. L’exposition révèle un réseau d’échange, une sorte de rhizome. Dans cet écosystème qui ignore les hiérarchies, chacun s’enrichit au contact de l’autre à la faveur d’expositions ou d’œuvres collectives. Metz fait revivre ces personnalités un peu oubliées et tout un monde dans lequel se tissaient des liens. Un exemple à méditer à l’heure où notre époque fabrique plus volontiers des individualités.