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Le Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers rouvre ses portes en grande pompe

Par Maya Toebat, traduit par Caroline Coppens
3 octobre 2022 8 min. temps de lecture En mode musée

Après onze ans de construction et de rénovation, le Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA) rouvre ses portes. L’événement fait grand bruit dans la métropole, dans le pays et ailleurs, car avec une toute nouvelle aile consacrée à l’art moderne, deux cents œuvres restaurées et une expérience publique interactive, le musée veut attirer les visiteurs belges, mais aussi étrangers. Dans le paysage muséal flamand, le KMSKA entend assumer un rôle de pionnier.

En entrant dans le Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers rénové, le visiteur est aussitôt impressionné par la cage d’escalier monumentale en marbre foncé que surplombe un plafond voûté doré. Dans un tel environnement, les œuvres d’art ne peuvent qu’être entre de bonnes mains. Et de fait: la salle Rubens et les salles adjacentes qui hébergent les primitifs flamands sont elles aussi finies à la perfection, avec des canapés en velours et des murs rouge antique qui mettent merveilleusement les tableaux en valeur.

Il faut dire qu’après onze ans d’attente, on n’en espérait pas moins. Le musée, construit en 1890, a fermé ses portes en 2011 car un siècle d’histoire l’avait rendu vétuste. Le système de climatisation n’était plus en mesure de préserver la collection pour l’avenir, le toit fuyait, la façade s’effritait dangereusement et il n’y avait plus assez d’espace pour la vaste collection et les nombreuses fonctions du musée. Bref, le KMSKA n’était pas adapté au XXIe siècle.

Initialement, la rénovation devait être terminée en 2014, mais la réouverture a été reportée à plusieurs reprises: d’abord à 2017, ensuite à 2019 et enfin à 2022. Lorsqu’on entame la rénovation d’un vieux bâtiment, on rencontre toujours des complications imprévues. Ainsi, il a fallu parer à des problèmes de stabilité, enlever davantage d’amiante que prévu et démolir, entièrement à la main, un bunker situé au sous-sol.

Et puis, il y avait le coût du projet, rendu d’autant plus complexe qu’il a fallu faire face à des changements de directeurs, de maîtres d’œuvre et de ministres. La rénovation du jardin, de la façade et des bureaux avait été retirée du plan directeur en 2006 pour des raisons budgétaires, avant d’y être réintégrée quelques années plus tard. Le budget a donc également été revu à la hausse. Censé au départ y consacrer quarante-quatre millions d’euros, le gouvernement flamand a fini par y investir 100 millions. «C’est beaucoup d’argent, mais comparé à des projets de construction similaires à l’étranger, la facture est somme toute raisonnable», a déclaré le ministre-président flamand, Jan Jambon.

Une galerie des glaces

Il n’y a pas à dire: le résultat est à la hauteur des attentes. Les salles d’origine ont été restaurées dans toute leur splendeur, mais l’attraction principale de la rénovation est le nouveau volume d’un blanc immaculé qui augmente la surface d’exposition de 21 000 mètres carrés. Dikkie Scipio, de KAAN Architects, a intégré ces salles dans les anciens patios, rendant l’extension invisible de l’extérieur et préservant la grandeur du bâtiment d’origine.

Dès que vous entrez dans la nouvelle partie, vous oubliez que vous vous trouvez dans un bâtiment datant du XIXe siècle. Les sols, les murs hauts de plusieurs mètres, le plafond percé de coupoles en verre: tout est blanc et brille tellement qu’on a l’impression que les œuvres d’art sont à nos pieds. Quelques étages plus haut, l’espace se fait noir dans l’intimité du cabinet des arts graphiques où sont exposés dessins, petites sculptures et autres œuvres sensibles à la lumière.

Dans les coulisses également, le musée a été entièrement réorganisé. Ainsi, les œuvres qui ne sont pas exposées dans les salles sont conservées dans un dépôt interne ultramoderne ou sont traitées dans le nouvel atelier de restauration partiellement ouvert au public. L’extérieur du musée a été rénové également. La façade a été restaurée, une nouvelle mosaïque a été installée à l’entrée, et le jardin du musée fait d’emblée office de première salle de musée avec une promenade et des sculptures appartenant à la collection.

Une attraction internationale

Cette collection reste, bien entendu, le fleuron du musée. Ce sont les chefs-d’œuvre de Rubens, Van Dyck, Jordaens et des primitifs flamands, l’irréelle Madone de Fouquet, la plus grande collection d’œuvres signées James Ensor et Rik Wouters du monde qui devraient faire de ce musée une attraction internationale. «L’ouverture du KMSKA est un moment historique car elle donne accès à une collection unique de renommée mondiale. Grâce aux prêts consentis ces dernières années, nos œuvres ont été admirées par 11 millions de visiteurs dans le monde», précise Luk Lemmens, président de l’ASBL KMSKA. «Le musée relie le passé, le présent et l’avenir de manière unique et peut donc rivaliser avec d’autres musées européens de premier plan, tels que le Rijksmuseum et le Prado.»

Sur les 8 400 œuvres que compte la collection, pas moins de 640 sont présentées dans trois ailes. Les œuvres antérieures à 1880 ont leur place dans la section historique, les joyaux modernes (Alechinsky, Permeke, Modigliani et Magritte, notamment) peuvent être admirés dans le nouveau volume et à l’intersection des deux, une aile entière est consacrée à James Ensor. Pourtant, la scission entre l’ancien et le nouveau n’est pas trop stricte: la répartition se fait davantage de manière thématique que chronologique, ce qui donne lieu à des rencontres surprenantes. A-t-on déjà vu Bruegel côtoyer Broodthaers ou Berlinde De Bruyckere, Da Messina?

Un lieu de rencontre

À présent, la collection peut être présentée aux visiteurs dans des conditions optimales. Après onze ans, le personnel est donc impatient de voir les salles se remplir de nouveau. «Nous espérons accueillir aussi bien nos anciens visiteurs que de nouveaux, et surtout toucher différents groupes cibles», précise Carmen Willems, directrice du musée. «À cette fin, nous avons réfléchi pendant cinq ans à la présentation, la signalisation, l’évacuation, etc. avec un public test diversifié – Les Cent Gracieux. Nous avons conçu le musée non seulement pour le public, mais aussi avec lui.»

Le KMSKA a saisi l’occasion de redéfinir entièrement son rôle. Au lieu d’adopter une approche plutôt conservatrice et de se contenter de présenter des œuvres, comme autrefois, le musée se veut aujourd’hui un lieu de rencontre où chacun se sent bienvenu. «Nous voulons inviter les visiteurs à regarder autrement et à voir davantage», déclare Willems. «C’est pourquoi, outre les classiques textes fournis dans les salles, nous proposons désormais un audioguide, une app du musée et une série d’applications multimédia: des écrans tactiles avec des infos complémentaires, une expérience de réalité virtuelle de l’atelier de Rubens, ainsi que des performances d’artistes en résidence, qu’il s’agisse de poésie, d’une pièce sonore, de musique… »

L’interaction s’adresse à différents âges. Pour les enfants, l’artiste Christophe Coppens a agrandi dix détails de tableaux: un chameau grandeur nature, une main gigantesque, un nez… Un livret gratuit accompagne chaque installation d’une mission. Ensuite, des ateliers organisés le weekend proposent dans l’Open Atelier des activités créatives pour tous âges. L’une des nouveautés dont le musée est le plus fier est Radio Bart, le studio radio mobile avec lequel Bart Van Peer, employé non voyant, parcourt le musée et invite les visiteurs à aborder avec lui les œuvres d’art d’une manière originale.

Pionnier

Maintenant que le KMSKA a eu le temps de peaufiner le projet, il entend plus que jamais assumer un rôle de pionnier dans le paysage muséal flamand. Il s’agit non seulement du plus grand musée de Flandre, mais aussi du seul musée d’art flamand doté d’un statut académique. Aussi se profile-t-il comme le centre d’expertise sur Ensor et est-il une plaque tournante pour la recherche sur Rubens. «Nous voulons échanger des connaissances avec d’autres musées flamands, en prêtant des pièces de notre collection et en partageant notre expertise. Nous sommes le seul musée flamand à disposer de son propre atelier de restauration. Nous conseillons donc les autres musées dans ce domaine et nous partageons également les résultats de nos recherches avec nos collègues», explique Carmen Willems.

Malgré cette collaboration, le KMSKA n’est pas fan de l’idée du gouvernement flamand de fusionner avec le M HKA (Musée d’art contemporain d’Anvers) et le Mu.ZEE d’Ostende. Il tient à sa valeur distinctive. C’est ainsi que lors de l’inauguration, le président du KMSKA, Luk Lemmens, a évoqué avec fierté la manière dont le musée aborde les défis financiers, notamment en permettant aux amateurs d’acheter une part virtuelle du Carnaval de Binche de James Ensor. «En nous positionnant comme entrepreneur culturel, nous avons trouvé beaucoup de soutien auprès des entreprises. Le KMSKA est la première institution culturelle en Flandre à obtenir un aussi bon résultat dans ce domaine.»

Expositions temporaires

Outre la collection permanente, le nouveau volume du musée permet d’accueillir des expositions temporaires. À l’automne 2022, elles sont au nombre de trois. Le cabinet des arts graphiques est placé sous le signe de Michel Seuphor. Dans Kosmorama, le photographe Ives Maes montre les vestiges architecturaux laissés à l’abandon des expositions universelles. Enfin, The Making of révèle la manière dont un bâtiment aussi délabré que celui du musée parvient à s’élever de nouveau vers le ciel: les photos de Karin Borghouts permettent de suivre la rénovation spectaculaire du KMSKA. Car un musée n’est digne de ce nom que lorsqu’il parvient à transformer ses problèmes en art. Un art dans lequel, de toute évidence, le KMSKA excelle.

Le Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers a rouvert ses portes le 24 septembre dernier. Il est prudent de réserver ses billets d’entrée en ligne.
Maya

Maya Toebat

journaliste indépendante et éditrice

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