Le néerlandais doit être inclus aux côtés du flamand dans l’Office public des langues régionales
Un projet de création d’un Office public du flamand et du picard est en cours dans la région Hauts-de-France. Engagée en politique et maman d’un enfant bilingue, la Bailleuloise Émilie Ducourant écrit ici un plaidoyer en faveur de l’inclusion du flamand et du néerlandais afin que le futur Office public des langues régionales soit un instrument pour le patrimoine, mais aussi un instrument de coordination des langues, au service de la population des Hauts-de-France.
Engagée en politique chez Europe Écologie les Verts, j’ai été candidate aux élections législatives en Flandre française dans la 15e circonscription du Nord en 2022. Je siège au conseil municipal de Bailleul (Belle). Comme le nom de mon parti l’indique, l’aspect pro-européen est important dans mon engagement. Habitant avec ma famille en milieu frontalier, la dimension transfrontalière est pour moi une évidence. Je vis la frontière comme quelque chose de stimulant, l’altérité avec nos voisins est source d’enrichissement. Je me rends très souvent en Flandre belge pour les loisirs ou pour… l’école.
En effet, mon garçon Éloi (bientôt huit ans) est scolarisé depuis la maternelle dans une école flamande (100% en néerlandais) à Abele, un hameau de Poperinge. Il est complètement bilingue français-néerlandais. Il parle comme un locuteur natif. Il a l’accent du Westhoek1, le même que Claire, ma grand-mère native de Volckerinckhove, entre Saint-Omer et Bergues. Éloi parle donc la forme moderne du dialecte de mes ancêtres. Et il entend à Abele le dialecte flamand tel qu’il se parle aujourd’hui dans le Westhoek belge.
Bref, comme frontalière et parent d’un élève réellement bilingue, je pense avoir la légitimité et l’expertise pour m’exprimer sur la question linguistique en Flandre française.
Un Office public des langues régionales en gestation
Depuis quelques années, un Office public des langues régionales est en gestation. Il est porté par le Conseil régional des Hauts-de-France. On y trouvera le picard et la langue régionale flamande. C’est un projet enthousiasmant et potentiellement d’une grande utilité sociale, à condition de le mener dans une perspective transfrontalière.
Il convient bien sûr d’opter pour une langue régionale flamande comprenant la forme orale, le dialecte flamand, et sa forme écrite, le néerlandais, qui est aussi la langue officielle de la Flandre et des Pays-Bas. Cette reconnaissance linguistique nous permettra de renforcer nos liens avec nos voisins Flamands belges.
Le flamand et le néerlandais appartiennent à la même famille, ils sont indissociables
Il y a toujours eu une différence entre la forme écrite, le néerlandais, et la forme orale, le dialecte flamand. C’était ainsi dans l’ensemble du monde néerlandophone, à Hazebrouck comme à Bruges ou Gand. Le flamand et le néerlandais appartiennent à la même famille. Ils sont indissociables.
© archive Cyriel Moeyaert
En effet, le néerlandais a toujours été la forme écrite des deux côtés de la frontière. Les archives de Hazebrouck à Dunkerque sont rédigées en grande partie en néerlandais jusqu’au début du XIXe siècle, et le néerlandais a été langue d’enseignement jusqu’à son interdiction en 1850. Dans sa forme écrite, le néerlandais n’est donc pas une langue étrangère en Flandre française.
Un Office public avec la forme orale dialectale et la forme écrite qu'est le néerlandais
Ajouter le néerlandais au sein de l’Office public des langues régionales est donc éminemment souhaitable. Ce serait faire comme en Alsace où l’allemand jouit de ce statut aux côtés du dialecte alsacien. La problématique alsacienne est très comparable à la nôtre.
L’allemand standard est la norme écrite de référence des dialectes alsaciens. Aujourd’hui, de façon très pragmatique et dans une perspective pro-européenne et transfrontalière, ils ont un Office public de la langue régionale, outil efficace de promotion et de coordination de l’alsacien comme de l’allemand. Ainsi, 30 000 élèves sont actuellement scolarisés dans le cadre bilingue français-allemand plus ou moins à parité!
Chez nous, une école maternelle (à Dunkerque) respecte la parité entre le français et le néerlandais. Nous voyons le chemin qui nous reste à parcourir…
Les élus du Conseil régional ont toute liberté d'ajouter le néerlandais au sein de l'Office public
J’ajoute qu’il n’est pas nécessaire que le néerlandais soit reconnu langue régionale par le ministère de l’Éducation nationale. Les élus du Conseil régional ont toute liberté d’inclure le néerlandais dans l’Office public des langues régionales.
Ils feront ainsi de l’Office public des langues régionales un instrument efficace en matière de formation, avec notamment une forme écrite – le néerlandais – qui est un élément de notre patrimoine, en plus d’être utilisée par 24 millions de voisins à l’économie très dynamique, étant le premier partenaire commercial de notre région.
le néerlandais est un élément de notre patrimoine, en plus d’être utilisé par 24 millions de voisins à l'économie très dynamique
Ouvrir des droits à la forme écrite n’enlèvera rien à la forme dialectale, celle-ci doit bien sûr avoir toute sa place au sein de l’Office public. Il y a tant à faire dans le domaine du marketing territorial, autour du tourisme et du patrimoine…
Avec comme boussole l’intérêt des enfants et des demandeurs d’emplois, ouvrons les portes et les fenêtres et créons un outil résolument transfrontalier et pro-européen.