Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

Le projet tandem UCLouvain-KU Leuven délie les langues dans le train
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Le projet tandem UCLouvain-KU Leuven délie les langues dans le train

À une trentaine de kilomètres de distance, des étudiant·es flamand·es de la KU Leuven et des francophones de l’UCLouvain apprennent la langue de l’autre. À la façon du train qui relie les différentes zones linguistiques de la Belgique, le projet tandem met en contact ces étudiant·es des universités sœurs. Et qui dit mieux qu’un déplacement en train, qui plus est à destination du musée du train, pour clôturer l’édition 2022-2023 d’une initiative ayant pour objectif de franchir la barrière des langues.

Des étudiant·es de l’UCLouvain et de la KU Leuven se sont rencontré·es le 3 mai dernier au musée Train World de Schaerbeek. Les premier·ères sont des francophones qui étudient le néerlandais à la Faculté de philosophie, arts et lettres à Louvain-la-Neuve, et les second·es, des néerlandophones féru·es de langue française inscrit·es à la Faculté de lettres de Leuven. D’un côté comme de l’autre, ils et elles sont en deuxième année de leur bachelier en Langue et littérature.

Ce qui les réunit? Un projet «tandem» organisé par leurs enseignant·es Liesbeth Degand, Laetitia Louis (UCLouvain), Michèle Goyens et Gaétan de Saint Moulin (KU Leuven). Le principe est simple: chaque étudiant·e forme un binôme avec un·e partenaire de l’université sœur. Cette année, ce projet s’est clôturé par une balade littéraire, suivie d’un atelier d’écriture bilingue au musée du Train de Schaerbeek.

Projet tandem: une vision partagée

L’idée de créer cet échange tandem est née avant tout de la volonté d’aider nos étudiants et étudiantes à améliorer leurs compétences dans leur langue-cible. Comme toute personne qui apprend une langue étrangère a pu en faire l’expérience, nos connaissances s’automatisent et s’adaptent dans des situations de communication naturelles, pour des tâches motivantes, à travers des relations humaines. Ces moments jouent aussi un rôle positif sur l’envie d’apprendre.

Notre projet tandem place les étudiant·es dans une relation d’égal à égal: ils et elles voient dans leur partenaire un alter ego, une image renvoyée par un miroir rassurant. De l’autre côté de la frontière linguistique, les visages sont les mêmes, la maitrise est similaire, personne ne s’exprime sans aucune erreur, les rêves et la jeunesse sont tout aussi éclatants.

Ce face-à-face est aussi culturel. Lors de leur première rencontre en octobre, les participant·es avaient été invité·es à évoquer les représentations qu’ils et elles se font de la culture de l’autre. Quels livres, films, séries, programmes regardent-ils? Quelles villes, quels musées de l’autre communauté ont-ils visités? Pour la plupart, les lieux sont nouveaux, la découverte est totale. Pour toutes et tous, l’envie d’en savoir plus est énorme. À la clé, des milliers de petites découvertes sur la langue et la culture réciproques. En voici une, parmi tant d’autres, dont s’émerveille dans un compte rendu une participante néerlandophone: «Apparemment, Sophie n'habite pas très loin de chez moi! Elle a parlé d'une spécialité de Nivelles qu'elle et sa famille mangent souvent à Noël: la tarte al'djote. Je n'en avais jamais entendu parler, alors que je n’habite pas très loin de là».

Tout au long de l’année, les rencontres se font en binômes: les étudiant·es s’entraident pour relire leurs travaux, s’exercent à faire un exposé, corrigent leur prononciation, s’expliquent les expressions imagées, partagent leurs musiques, leurs podcasts, leur vision du monde.

Train linguistique

Cette année, l’excursion à Train World a clôturé le voyage. Le train a nourri l’imaginaire de générations de passagers, et fasciné nombre d’auteurs et autrices. Guidé·es dans le musée par les acteurs de l’asbl Amusea, nos étudiant·es assistent d’abord à une véritable performance: les acteurs et actrices déclament des passages littéraires choisis qui font écho à la scénographie du musée. Fables, contes, extraits de romans, poèmes se succèdent, dans la langue-cible des étudiant·es.

Enfin, les participant·es se sont retrouvé·es dans le wagon-restaurant de la brasserie du musée. Anne Reverseau, chercheuse qualifiée FNRS qui enseigne la littérature française à l’UCLouvain, leur a préparé un atelier d’écriture bilingue sur le thème du train.

L’enjeu de cet atelier d’écriture était de travailler sur les perceptions pendant et après le voyage en train pour mieux comprendre les mutations qu’a pu provoquer le rail depuis le XIXe siècle dans notre saisie du paysage. Ils et elles ont ainsi pu évoquer des textes littéraires, comme ceux de Sur les rails, l’anthologie qu’a publiée Anne Reverseau en 2018 (éditions Les Impressions nouvelles), mais surtout en faire l’expérience.

Pendant l’aller (en train, bien sûr), les étudiant·es ont écrit sur une feuille blanche, autour d’une rose des vents indiquant les quatre points cardinaux, ce qu’ils et elles voyaient autour d’eux: les paysages défilant par la fenêtre, les passagers qui se côtoient, le contrôleur qui passe. Une idée inspirée de Christine Jeanney, qui avait proposé cette expérience textuelle et visuelle dans Ligne 1044, paru aux éditions QaZaQ en 2015.

Une fois confortablement installé·es en terrasse, en groupes de quatre, les étudiant·es se sont lu leurs premiers textes et les ont corrigés. Puis ils et elles ont ajouté des perceptions intérieures, des ressentis, à leurs listes de choses vues, petits bouts de réalités glanés dans le train. Enfin, ils et elles ont agencé l’ensemble pour produire un texte hybride par groupe. Certains de ces textes, véritables traversées du paysage belge et morceaux de vie des étudiant·es, ont été lus (déclamés!) dans le wagon-restaurant, belle façon de clore une après-midi consacrée aux plaisirs du train.

Voici le résultat d’un des groupes d’étudiant·es. Quelques instants où surgit la poésie, sur le bord d’une table, en deux langues et à huit mains (celles de Marine Schweich, Norah Pothaar, Laure-Anne Hoet et Romain Verbrouck):

Trein van Gedachte

Koeiemiddag! Titre de transports s’il vous plait.
Zegt een van de drie kaartjesknippers.
Le soleil m’éblouit lors de mon trajet.
Met hun blauwe uniformen lijken het wel schippers.

Le soleil reflète sa couleur sur le champ de colza.
Plotseling duikt een stem op.
Les couleurs changent le paysage par la force de leur éclat.
We komen aan in Herent, is dit de eerste stop?

Des oiseaux se reposent au bord de flaques vertes.
Ik loop verdwaald in gedachten.
Comme l’oiseau dans les landes désertes.
De tijd doet mijn indrukken verzachten.

Maintenant que le moment est passé,
Je remarque que je me suis pris pour Théophile Gauthier.

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