Le troc de coquillages: un phénomène belge unique
Derek Blyth vous embarque dans des micro-aventures qui éveillent la curiosité pour les Plats Pays. Il nous emmène cette fois-ci à la côte belge où il nous fait découvrir un phénomène belge unique, à savoir le commerce de fleurs de plage en papier.
Nul ne semble connaître l’origine de cette tradition, mais depuis près de cent ans, les enfants vendent des fleurs en papier dans les petites stations balnéaires situées le long de la côte flamande. Afin de créer leur boutique de fleurs imaginaire, les enfants commencent par amasser soigneusement du sable et se façonnent ainsi un semblant de comptoir et un banc. Ils confectionnent ensuite les fleurs dans du papier crépon de couleur vive acheté dans des boutiques locales de loisirs créatifs.
Peut-être les enfants ajouteront-ils une petite pancarte indiquant que leur magasin est ouvert. Ils n’hésiteront pas à appeler leurs parents ou grands-parents à la rescousse pour qu’ils donnent un coup de main à l’entreprise familiale.
Mais ce qui rend ces vendeurs de fleurs particuliers, c’est qu’ils n’échangent pas leurs fleurs contre de l’argent. Ils pratiquent une économie de plage informelle basée sur une monnaie ancienne: les coquillages. Et les règles de leur petit commerce sont strictes. Seuls les couteaux seront acceptés, pas les coquilles de moule ni les bulots.
Dites-le avec des fleurs
L’artiste flamande Katrien Vermeire, qui a grandi au Coq-sur-Mer, a filmé ces vendeurs de fleurs de plage dans sa ville natale durant les étés 2011 et 2012. «En arrivant à la plage, vous devrez vous frayer un passage entre une bonne dizaine de boutiques improvisées», a-t-elle déclaré lors d’une interview. «Souvent, ces enfants ne parlent pas la même langue et les fleurs leur servent de moyen de communication. C’est comme cela que des enfants de différentes nationalités deviennent amis.» Mme Vermeire a découvert que le mode de paiement variait d’une station à l’autre. Tout dépend de la difficulté à trouver les bons coquillages. Sur la plage de Knokke, les vendeurs de fleurs demandent des couteaux, alors qu’au Coq, la monnaie d’échange est d’une à deux poignées de coquillages assortis.
«C’est un phénomène unique au monde», a-t-elle ajouté. «J’ai rencontré deux sœurs françaises et un couple d’Allemands avec leurs trois petits garçons. Ils étaient tous venus sur notre côte spécialement pour les fleurs de plage.»
Le court-métrage de Vermeire s’intitule Der Kreislauf (La Poignée). Sorti en 2014, il a été projeté dans plusieurs festivals internationaux de cinéma. Ce film porte non seulement sur l’imagination et le jeu, mais aussi sur le fonctionnement d’une économie. Il n’est donc pas si surprenant de découvrir que le nouveau musée de la Banque nationale de Belgique, rouvert en 2018, projette ce film dans son circuit «Histoires d’argent», qui retrace l’histoire des moyens de paiement. «Malgré leur jeune âge, les enfants appliquent déjà tous les principes des échanges commerciaux», se contente de mentionner le site web du musée.