Tous les deux mois, Hans Vanacker pose un regard personnel sur Septentrion et tire des archives du magazine des textes qui entrent en résonance avec l’actualité. À l’occasion du 65ᵉ anniversaire de Tom Lanoye, il relate l’évolution de son appréciation pour cet auteur flamand.
Cette année, nous célébrons le soixante-cinquième anniversaire de l’auteur flamand Tom Lanoye.
© Filip Van Roe
Nous nous sommes probablement croisés pour la première fois à l’automne 1978, dans le Blandijn, un des bâtiments de l’université de Gand. Il était alors en première année de licence, alors que moi, je prenais place sur les bancs de l’université pour la première fois. Toutefois, ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard que Tom Lanoye a commencé à jouir d’une grande notoriété. En tant qu’écrivain débutant, il a commencé à se faire un nom.
Je l’admets, au début, je n’aimais pas beaucoup Lanoye. Cette tendance à vouloir se faire remarquer à tout moment m’agaçait et je n’arrivais pas à comprendre ceux qui ne tarissaient pas d’éloges sur ses livres. Entre-temps, j’ai complètement changé d’avis. Pour moi, en 2023, Lanoye est l’un des plus grands, sinon le plus grand auteur flamand. La Langue de ma mère, l’hommage bouleversant d’un fils à sa mère, a sans doute été le point de bascule.
Récemment, j’ai également lu d’une traite De draaischijf (La Scène tournante), une histoire, largement basée sur des faits, dans laquelle un directeur de musée anversois sombre dans la collaboration pendant la Deuxième Guerre mondiale. Contrairement à d’autres qui prétendent trouver dans ce roman la preuve que l’on pouvait se laisser entraîner dans la collaboration sans s’en rendre compte, j’ai surtout vu dans ce livre l’importance des choix qu’une personne fait dans sa vie. Le directeur du musée était animé par une ambition débridée. Cela l’a amené à faire de mauvais choix, mais il les a faits en toute connaissance de cause.
On pourrait avoir l’impression que cet écrivain est surtout un romancier, main Lanoye, dont l’œuvre est disponible en français grâce au célèbre traducteur Alain van Crugten, est aussi un poète et l’auteur d’une œuvre théâtrale impressionnante. En 2016, Lanoye a choisi Septentrion comme média pour souligner l’importance du théâtre, comme partie intégrante de son œuvre et comme forme d’expression qui a fait de lui un meilleur auteur.
En conclusion ceci: Lanoye a non seulement une bonne plume, mais aussi une voix intéressante. Prenant fréquemment part au débat social et politique, il défend souvent les droits de la communauté LGBTQ+ et lutte constamment contre le nationalisme et l’étroitesse d’esprit. Je suis presque toujours d’accord avec lui.
Les leçons de Médée et de «La Falstaff»: Comment le théâtre a fait de moi un meilleur écrivain
Lorsque le metteur en scène Luc Perceval, au milieu des années 1990, m’a proposé d’entreprendre avec lui ce qui allait devenir la production marathon (douze heures) de Ten oorlog (Partons pour la guerre), je n’ai pas hésité longtemps. Ou plutôt, je n’ai hésité que quelques jours, principalement parce que je n’avais trouvé que très peu de rôles de femmes dans les sources. Il s’agissait de huit des drames historiques de Shakespeare, ceux qui commencent par Richard II et se terminent par Richard III, un ensemble communément désigné comme «La guerre des Deux-Roses».
Je n’ai accepté que lorsque j’ai compris que l’absence et l’omission volontaire des femmes étaient précisément un élément essentiel du cycle universel de la lutte pour le pouvoir que nous allions présenter. Mieux encore, lorsque Perceval m’a promis de faire de Falstaff un travesti subversif. Notre Falstaff pourrait même tomber amoureux du jeune prince héritier «Henk» (ce qui équivaudrait à «Riton» en français), qui deviendrait plus tard le roi-soldat Henri V. Finalement, j’allais même mettre dans la bouche de «La Falstaff » deux ou trois sonnets amoureux adaptés de Shakespeare, en guise de lamento au moment où il / elle est largué(e) par son Henk chéri, qui choisit inopinément de finir par être adulte, respectable et roi.