Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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Les Monseigneurs remettent la tapisserie au goût du jour
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Les Monseigneurs remettent la tapisserie au goût du jour

Les plats pays sont allés à la rencontre de Thomas Renwart, aussi connu sous le nom Les Monseigneurs, dans son atelier gantois. Spécialisé dans le textile, il crée de manière contemporaine des tapisseries éclectiques aux allures de jardins botaniques.

C’est au sein d’un cloître verdoyant et paisible que se trouve l’atelier privé de Thomas Renwart. Espiègle et sensible, le jeune homme de vingt-cinq ans a le vent en poupe puisqu’il vient de remporter le célèbre prix du design Henry van de Velde et se voit représenter en tant qu’artiste par la Bruthausgallery, située à Waregem.

Son atelier est une pièce cosy où tapis, dessins et tapisseries sont couverts de fleurs et de papillons, motifs centraux de son imagerie. Sur les étagères, une montagne de livres de poètes et de dramaturges résiste dans un fragile équilibre. Parmi ses auteurs de prédilection, Charles Baudelaire, Alicia Gallienne ou Alan Bennett.

Sur le bureau, son ordinateur qui lui permet de coder les armures de ses tapisseries, mais aussi des rouleaux de tissu, quand la création se veut artisanale. Une grande fenêtre avec vue sur le monastère permet à notre artiste de mesurer l’évolution – en penchant légèrement la tête – de son précieux jardin botanique, source essentielle à la naissance de ses œuvres tissées.

Un savoir-faire à la fois design et artistique

Après avoir obtenu, en 2019, un master spécialisé dans le design textile à la Luca School of Arts de Gand, Thomas Renwart crée des tapisseries monumentales, des broderies et des courtepointes sous le nom Les Monseigneurs. Alors qu'il avait à peine vingt-trois ans, Thomas Renwart décroche une collaboration avec Verilin, une société basée à Courtrai, réputée depuis 1956 pour son tissage du lin jacquard, qui fait appel à de talentueux artistes et designers. Le tout jeune diplômé saisit l’opportunité d’y produire des tapisseries grand format grâce à d’impressionnantes machines à tisser, mises à sa disposition.

Si la production est industrielle, elle n’est pas multiple. Chaque pièce reste unique, à la manière d’une œuvre d’art qui n’a pas seulement une fonction utilitaire. Parallèlement à cette association, le jeune Gantois continue ses œuvres «faites main» aux dimensions plus modestes, dont une que l’on découvre dans l’atelier.

Et puis ce point d’honneur, cette promesse de ne travailler qu’avec des fournisseurs et des spécialistes du tissu installés en Belgique. «Il est important de montrer ce savoir-faire fortement lié à la tradition flamande. Il faut les soutenir pour que leurs activités et leurs expertises continuent d’exister.»

La collaboration avec Verilin s’avère fructueuse, puisque c’est ensemble qu’ils remportent en janvier 2021 le Prix Henry Van de Velde, l’une des plus prestigieuses récompenses de design en Belgique. La pièce réalisée: des rideaux baptisés Les papillons de nuit. Ils ont à la fois un but fonctionnel, design et artistique. Lorsqu’ils sont ouverts, on peut voir un patronage extrêmement abstrait – aux couleurs blanc et brun –, lorsqu’ils sont fermés, c’est un majestueux lépidoptère toutes ailes déployées que l’on découvre. «Cette dualité permet de modifier l’atmosphère du lieu ainsi que la perception de la matière.»

Pour l’artiste, la réflexion va encore plus loin et insiste sur l’acte de fermer ces lourds rideaux. «Une fois que tout s’éteint à l’extérieur, on se retrouve avec soi-même dans l’obscurité de la nuit. On peut alors allumer notre intérieur et se retrouver à l’abri. Le textile est vraiment à l’origine, même si il est aussi design, un objet domestique apaisant qui est lié à notre habitation», à «notre lieu à soi» aurait peut-être dit Virginia Woolf.

C’est cette sensibilité sur le monde extérieur et intérieur, son regard poétique et son goût affûté pour les formes et les couleurs que du statut de designer, Thomas Renwart, prend tout naturellement celui d’artiste.

De l’importance des fleurs et des papillons

À l’origine de ses œuvres, des mots et des réflexions nourris par d’abondantes lectures, souvent élégiaques. Les pensées deviennent des phrases griffonnées dans l’urgence, sur le premier support à portée de main (un ticket de train, un bout de tissu). Elles germent pendant plusieurs mois, à l’image des plantes et des fleurs qui poussent dans son jardin ou de la métamorphose d’un papillon. Elles sont là «en attente», jusqu’à ce que «le flot d’émotions» atteigne son point culminant et permette de matérialiser, enfin, l’œuvre.

C’est ainsi que se développe petit à petit, un vocabulaire poétique, singulier et botanique. Les fleurs sont mises à l’honneur. Elles apparaissent gigantesques comme la magnifique Trompette de Méduse qui s’élève majestueuse sur un fond orange uni, sans fioritures, tel un phare guidant ceux qui se seraient égarés.

Le jardin miraculeux reprend, avec malice, une petite jonquille présente dans le chef-d’œuvre flamand du XVe siècle, L’Agneau mystique, réalisé par les frères Van Eyck. Ici, l’artiste s’amuse à agrandir démesurément la fleur, sur un ton lavande, brouillant les frontières entre le reconnaissable et le méconnaissable, le visible et l’invisible.

Car il y a bien une dualité stylistique au cœur du travail de Thomas Renwart. La figuration se confronte à l’abstraction, la délicatesse des couleurs surannées des grandes toiles du passé s’affronte aux tons plus électriques et contemporains, les courbes romantiques se superposent, par moment, à des compositions géométriques plus rigoureuses.

Depuis tout récemment, le jeune artiste «sort de sa zone de confort» et explore des couleurs plus sombres, moins éclatantes dans un style beaucoup plus graphique. C’est le cas de cette imposante installation in situ, intitulée Partir dans la nuit, actuellement exposée à Claessens Canvas. Elle se compose de sept immenses tapisseries disposées en cercle sur le thème de «la fabrication en usine des papillons». Tableau après tableau, le visiteur découvre la naissance progressive de ces insectes à quatre ailes qui, du néant, prennent vie, déployant avec puissance leurs ailes, preuve irréfutable de leur présence sur terre.

Ce sont des papillons, encore, que l’on retrouve sur la sublime couverture d’une toute récente publication. Sous la double étiquette d’un catalogue et d’un cahier intime sans texte, à l’exception d’une préface, les pages dévoilent des images à la manière d’un patchwork, un ressenti plus qu’une explication de l’univers intimiste et attachant de cet artiste atypique.

On y découvre avec ravissement certaines de ses œuvres, des gros plans de tissu, mais surtout son environnement créateur tel que son atelier, son fameux jardin et la serre familiale, là où il ramassait les papillons morts pour les mettre à l’abri. Thomas Renwart, alias Les Monseigneurs, remet au goût du jour la tapisserie d’une façon inédite et exaltante. Un jeune talent à suivre de très près.

Site web

Les Monseigneurs


Publication

Comme si de rien n'était, catalogue et cahier intime, éditions merbook.be, 2021.


Événements en cours et à venir

Chants of a Gargoyle, exposition collective, Waldburger & Wouters, Brussels and Seghers & Pang Fine Arts, Bruxelles, jusqu’au 3 avril.

Partir dans la nuit, exposition solo, par Bruthausgallery à Claessens Canvas, Waregem, jusqu’au 11 avril 2021.

Prélude, Barbé Urbain, Gand, à partir du 1er avril 2021.

Young Colours, dans divers lieux, Lille, à partir du 08 avril 2021.

L'ivresse du jeu, duo avec Willem Boel, par Bruthausgallery à Art Rotterdam, juin-juillet 2021.

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