Les Pays-Bas célèbrent le centenaire du droit de vote pour les femmes
Le 28 septembre 1919 est entrée en vigueur aux Pays-Bas la loi accordant le droit de vote aux femmes. Cette
date anniversaire invite à réfléchir, car elle symbolise
le combat long et acharné que la gent féminine dut mener pour
conquérir une position égalitaire dans la société. Les femmes belges ont
même dû attendre 1948 pour être autorisées à entrer dans
l’isoloir.
Aux Pays-Bas comme en Belgique, le droit de vote fut, avec la démocratisation de l’enseignement, un des principaux thèmes de la lutte engagée par la première vague féministe, qui apparut grosso modo vers la moitié du XIXe siècle avant de s’assoupir dans l’entre-deux-guerres.
À cette époque, la vie des femmes était difficile. L’idéal bourgeois alors en vogue entraînait une domination toujours plus prégnante des hommes dans l’espace public, tandis que madame restait à la maison.
© «Internationaal Instituut voor Sociale Geschiedenis», Amsterdam.
Dans un contexte d’industrialisation, le travail des femmes était devenu symbole de pauvreté. Les mœurs qui en découlèrent se reflétaient aussi en politique. La démocratie était circonscrite aux citoyens masculins aisés. À l’instar des hommes aux faibles revenus, les femmes ne pouvaient se rendre dans les bureaux de vote.
Rien
d’étonnant à ce que cette situation ait donné lieu à des
mouvements de protestation. Les femmes commencèrent à s’organiser,
d’abord aux Pays-Bas, un peu plus tard aussi en Belgique, en
suivant l’exemple des suffragettes actives en Grande-Bretagne et
aux États-Unis. Manifestations, réunions de contestation et
conférences se succédèrent, tandis que de très nombreux articles
étaient publiés pour dénoncer la position de la gent féminine.
Aux
Pays-Bas, une des principales protagonistes du droit de vote pour les
femmes est Aletta Jacobs (1854-1929).
En 1883, elle lance le débat en annonçant son intention de se
présenter sur une liste. Comme la Constitution ne parle que de
«Néerlandais», sa candidature sera rejetée.
© «Internationaal Instituut voor Sociale Geschiedenis», Amsterdam.
En
1894, Aletta Jacobs fonde avec Wilhelmina Drucker (qui donnera son
nom aux Dolle
Mina’s)
la Vereeniging
voor Vrouwenkiesrecht
(VVK – Association pour le droit de vote des femmes). Grâce à leur
combat, les femmes obtiennent à partir de 1917 un droit de vote
passif qui leur permet d’être éligibles à la Chambre
des représentants.
En
Belgique, la situation évolue plus lentement. Dans un premier temps,
des championnes du féminisme telles que Marie Popelin et Isala Van
Diest se concentrent surtout sur l’enseignement et l’égalité
économique et juridique. La Fédération nationale des femmes
socialistes, dont Isabelle Gatti de Gamond est la première
secrétaire, est au départ le principal défenseur du droit de vote
pour les femmes en Belgique, alors que, dans le même temps, ce sont
les socialistes qui se méfient le plus de cette revendication. Comme
les libéraux, ils craignent en effet que la gent féminine, sous
l’influence du curé, vote massivement pour les catholiques.
Malgré quelques timides victoires enregistrées au début des années 1920, comme le droit de vote passif à l’échelle provinciale et nationale et le droit de vote aux élections communales, ces arguments continuent, entre autres, à jouer en leur défaveur jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ce n’est qu’en 1948 que la loi belge les autorise à choisir leurs représentants au parlement. La Belgique devient ainsi un des derniers pays européens à permettre à ses citoyennes de se rendre aux urnes.
La
Suisse suivra encore plus tard, en 1971. En Afrique du Sud, les
femmes noires peuvent participer aux élections depuis la suppression
de l’apartheid en 1994. En Arabie Saoudite, elles auront dû
attendre 2015. Par ailleurs, le droit de vote octroyé aux
Néerlandaises en 1919 ne s’appliquait pas aux femmes des Indes
néerlandaises, du Surinam et des Antilles.
Notons
enfin que la crainte que l’ensemble de la gent féminine vote pour
les catholiques s’est avérée infondée. Leur choix est aussi
varié que celui des hommes. En revanche, il est vrai que cette
avancée n’a pas entraîné un renforcement automatique de leur
participation à la vie politique. Aux Pays-Bas, on dut attendre
jusqu’en 1956 pour qu’une dame accède finalement au rang de
ministre, et même jusqu’en 1965 en Belgique. Aujourd’hui encore,
la parité reste un doux rêve dans ces deux pays.
Cent
ans après la première victoire des militantes de la première vague
féministe, le combat n’est pas terminé. En Occident aussi, les
femmes sont toujours les premières et principales victimes de la
crise économique. La violence à leur encontre demeure un problème
permanent. Pour les femmes de couleur plus que toutes autres, la vie
est semée d’embûches. Enfin, les normes de genre étroites
restent nombreuses à différents échelons de la société. Les
festivités organisées aux Pays-Bas pour célébrer le droit de vote
des femmes sont l’occasion idéale de s’interroger sur cette
question et de définir ensemble comment aborder ce problème.