«Les Porteurs de nuages» par Peter Holvoet-Hanssen
Mariant avec délicatesse le poétique et le féérique, Peter Holvoet-Hanssen livre sous la forme du recueil De wolkendragers (Les Porteurs de nuages, éditions Polis) une nouvelle étape de sa navigation aux confins de la poésie, sur les courants de surface, de profondeur et contraires, ce qu’il appelle une «intervention tritonique», n’hésitant pas à composer des vers en collaboration avec des collégiens ou des patients d’hôpitaux psychiatriques.
S’appuyant sur les improvisations du jazzman Joachim Badenhorst, il insuffle une seconde vie à ses textes au fil d’une représentation donnée dans plusieurs endroits en Flandre ainsi qu’à Bruxelles. C’est un extrait de celle à laquelle on a pu assister (sur place ou en ligne) à Bozar le 8 octobre 2020 que nous proposons ci-dessous. Il s’agit d’une interprétation d’un trio de danse, le poème «Don Chisciotte della Danza» (De wolkendragers, p. 86).
Tant l’original que la traduction française ont paru initialement dans le catalogue qui accompagne l’exposition Danser brut (Bozar, 24 septembre 2020 – 10 janvier 2021).
Les Plats Pays remercient Bozar pour la mise à disposition de cette vidéo.
Don Chisciotte della Danza
valse à rebours
cata clop dans le val du massif le feu bout
pareil à l’ange rouge, ne te retourne pas
sur le géant qui bouffe de la chair des dieux
il crie source hors service, sol brûlé car plus il
se grandit plus son assiette se rétrécit
vois ses ailes pareilles au feu redeviens eau
être sec calciné malgré tout bien liquide
trampoline au saut qui cherche, infime détail
modifiant l’espace, la rêverie ronronne
laisse les meuniers moudre, sois fort et courageux
sans laisser entrer leur monde alors que tu te noies
cette danse non pas une seiche mais encre
nuée qui fusionne noir et vert émeraude
terre aigre et mer, comme un village qui revit
et les yeux se ferment, tends la main à la vue
privée de lumière car on ne copie plus
l’inutile oui ça perdure plus, chef d’orchestre
éraillé, gris de grime et le bleu notre teinte
reconnaissant l’inconnu, la valse à rebours
avec Tadeusz, Jerzy et Pina une volte
qui tord le scénario : la mort est une porte
traîne le leurre des sens, le monde est ici
tel un cygne à dents de lapin, Hitler pédale
vers le car à beurre, albatros libre de l’air
le soleil brûlant tel un galion qui claironne
de passion, la louve ou la tortue – elle pleure,
carapace à l’éclat de cristal galactique
qui heurte le ballon tel l’enfant de la tête
petit tu vas grandir – viens et sans crainte vole
ainsi que dit Roza «la nuit est une étoile
dans ta main» – danse sur la tête danse nu