Les arts plastiques contemporains en prise avec le monde. C’est ce que propose Panorama 22 – Les Sentinelles, une exposition qui devait se tenir jusqu’au début janvier au Fresnoy, à Tourcoing. Le titre évoque le rôle de l’artiste: une personne sur le qui-vive. Comme les œuvres présentées à Panorama 22. Donner des perspectives sur la société d’aujourd’hui. L’exposition a été rapidement fermée peu après son ouverture en raison du renforcement des mesures gouvernementales liées au coronavirus, mais devrait rouvrir à la fin de cette année. En attendant, Lille Capitale Mondiale du Design 2020 continue déroule son programme en étoffant son offre numérique.
Ce cri de protestation des artistes et des collaborateurs du Fresnoy ne saurait être plus clair. Ils affichent leur colère sur le plus grand mur de l’exposition pour marquer leur hostilité au retrait du projet photographique de Paolo Cirio, juste avant l’ouverture de l’exposition, le 15 octobre.
L’artiste activiste avait conçu un projet artistique reposant sur mille photos de policiers et visant à dénoncer la généralisation de la reconnaissance faciale par caméras de surveillance interposées. Cirio a créé un mur de photos, «Capture», qui devait être exposé. Parallèlement, il a mis en ligne sur une plateforme les photos des policiers pour lesquelles il a lui-même utilisé un logiciel de reconnaissance faciale puis fait appel aux internautes pour identifier nominativement les policiers. La réponse du berger à la bergère, selon l’artiste, qui est même allé jusqu’à coller des photos des policiers dans les rues de Paris.
© Bart Noels
C’était cependant sans compter avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, également figure politique de Tourcoing. Darmanin n’a pas admis que des membres de la police soient ainsi exposés aux regards. À la suite de quoi la direction du Fresnoy a déprogrammé de l’exposition l’œuvre de Cirio. Étudiants et chercheurs du Studio national d’arts contemporains trouvent que c’est «une honte» et reprochent à la direction de ne pas garantir l’autonomie des artistes.
Tempête d’images
Prenons maintenant le projet de Cirio comme symbole de ce que «Panorama 22 – Les Sentinelles» veut exprimer. Les artistes vont à l’avant-garde, en éclaireurs. Dans cette exposition, ils nous racontent ce qu’ils voient, de leur avant-poste. Yuyan Wang le fait avec une grande originalité. Elle présente une installation vidéo dans une salle de miroirs où des centaines d’images tournent en un temps record. Elle est partie de vidéos dites «de satisfaction» et les a montées de façon qu’elles tournent à un rythme hypnotisant. Le résultat est une tempête d’images sans équivalent.
D’autres œuvres explorent la frontière entre le rêve et la réalité, le physique et le virtuel. Yonkwan Joo raconte dans «Lines 2020» les péripéties des frontières. Pour ce faire, il s’est rendu dans les régions frontalières bordant la France et à la frontière entre les deux Corées. Un voyage étonnant donnant à voir à chaque présentation d’image la vision renouvelée d’une frontière.
©Vadim Dumesh
Il n’est cependant pas nécessaire d’aller loin pour raconter une histoire forte. Vadim Dumesh en fait la démonstration dans sa vidéo d’une demi-heure, «La Base». Il s’est rendu à la BAT, la base arrière des taxis, de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, un lieu immense où les chauffeurs de taxi attendent de longues heures avant de pouvoir embarquer des passagers. La «base» est ainsi devenue leur second lieu de vie. La vidéo montre comment ils apprennent les uns des autres, dans des discussions souvent très spirituelles .
Passé présent, mémoire industrielle
Dans un coin de la salle d’exposition, au premier étage, vous découvrirez une petite exposition d’artistes ayant collaboré avec une entreprise de la région : un briquetier, un chaisier et un tisserand. De beaux films illustrent les procédés de fabrication d’un métier artisanal auxquels se sont associés les designers Jérôme de Alzua, Sam Baron et Elise Fouin. Il en résulte une chaise unique, qui se prête à la conversation. Ou des lampes garnies de tissu. Il est passionnant de voir la rencontre de l’ancien et du moderne. Il n’y a guère de rapport entre cette petite exposition et les œuvres de Panorama 22, mais elle mérite à elle seule qu’on s’arrête à Tourcoing.
© Bart Noels
Printemps numérique
Lille Capitale mondiale du design 2020 ne ménage pas ses efforts pour transformer le printemps prochain en un rendez-vous numérique. Les expositions prometteuses que les organisateurs avaient mises sur pied ont toutes été fermées, avec une vague perspective de réouverture à la fin de l’année. Un crève-cœur après tous les efforts que Lille et sa région avaient déployés pendant des années pour que ce soit une année de fête.
La nouvelle offre numérique devrait réparer les injustices de l’automne. Grâce aux vidéos, aux webinaires et aux expos en ligne, les personnes intéressées ont la possibilité d’avoir une approche visuelle et de dialoguer. Le site Web s’étoffe de jour en jour. L’année du design n’est donc pas encore perdue. Jetez un coup d’œil!