Les six enseignements du scrutin régional et départemental dans les Hauts-de-France
La France votait ces 20 et 27 juin. À la fois pour le scrutin régional et pour les départements. Voici les principaux enseignements dans les Hauts-de-France.
Les dimanches 20 et 27 juin, il y avait plus de monde dans les rues et campagnes des Hauts-de-France que dans les bureaux de vote… Ce constat visuel s’est confirmé dans les urnes avec une abstention record. Deux électeurs sur trois ne se sont pas déplacés! Ce naufrage démocratique a plusieurs explications: institutions régionales et départementales peu connues et mal identifiées, une campagne qui a été très nationalisée avec les ambitions de certains présidents de région (voir ci-dessous), la crise sanitaire, le beau temps et évidemment un désintérêt certain pour la politique…
Un président sortant en route pour la campagne élyséenne
Xavier Bertrand est réélu. Et de quelle manière! Les sondages lui prédisaient certes une victoire, mais relativement étriquée, ce qui l’aurait forcé à faire appel aux voix de Laurent Pietraszewski, candidat La République en Marche (LREM ; majorité présidentielle d’Emmanuel Macron), pour se détacher au second tour face au Rassemblement National (RN). En réalité, le président sortant de droite a tué le match dès le premier tour: 41,4% contre 24,4% pour Sébastien Chenu. Au second tour, il a confirmé: 53%. De quoi le placer dans les bonnes dispositions pour son objectif suivant, la présidentielle française face à Emmanuel Macron.
Le président de région, qui mène deux campagnes en même temps depuis des mois, pourrait donc laisser officieusement les clés de la région Hauts-de-France à l’un de ses proches (Christophe Coulon, Jean-François Rapin sont régulièrement évoqués) pour se consacrer à la campagne élyséenne. Car la route est encore longue. Désormais, il doit se démarquer des autres postulants de droite, eux aussi présidents de région réélus dimanche: Valérie Pécresse, patronne de l’Île-de-France, et Laurent Wauquiez pour Auvergne-Rhône-Alpes.
Un Rassemblement National en repli
Il y a six ans, le Front National était aux portes de la région avec 40% au premier tour. En 2021, le Rassemblement National a enregistré un sévère reflux avec 24% des voix au premier tour et 25% au second tour. Au premier tour, le RN a perdu 584 000 voix par rapport à 2015. Aux départementales, où il dépassait les 30% dans les cinq départements des Hauts-de-France en 2015, le parti d’extrême droite est là aussi largement en recul et perd la majorité des cantons gagnés six ans auparavant…
Comment expliquer cet échec? L’abstention ne lui a pas profité, notamment chez les jeunes, une partie de son électorat. Plusieurs analystes politiques mettent aussi en avant la «dédiabolisation» du RN. Il n’apparaît plus comme un parti anti-système, donc ses électeurs qui votaient dans une forme de «dégagisme» s’en détournent. Il y a aussi le nom de la tête de liste RN: Sébastien Chenu est certes député et porte-parole vu à la télé (il est en permanence sur les chaînes d’infos en continu), mais il est loin de la popularité de Marine Le Pen (qui, elle, a préféré se présenter dans un canton d’Hénin-Beaumont aux départementales. Elle a été élue).
La responsabilité de Sébastien Chenu est aussi engagée. En faisant campagne sur le thème de la sécurité sans réellement s’intéresser aux compétences régionales, il n’a certainement pas servi son camp. Le député perd ainsi une deuxième élection majeure après avoir échoué à prendre Denain aux municipales de l’an dernier, ville qui lui semblait pourtant promise! Règlements de compte en perspective au Rassemblement National!
Le retour de la gauche au conseil régional
Six ans d’absence et le retour dans l’hémicycle régional. Mais ce sera cette fois-ci dans l’opposition. L’originale liste d’union de la gauche menée par l’écologiste et députée européenne Karima Delli regroupait un arc politique allant du Parti socialiste aux écologistes, en passant par le Parti communiste et la France Insoumise. Un attelage assez hétéroclite unique en France! Elle réussit donc à siéger de nouveau au conseil régional. Une satisfaction, même si le score de l’union de la gauche 2021 est bien en deçà des pourcentages de 2015 quand les forces de gauche étaient parties en rangs desserrés: 18% contre 28%. Ce retour au conseil régional est surtout l’occasion pour Karima Delli et ses colistiers de préparer l’élection suivante dans six ans. Mais le mandat ne va pas être un long fleuve tranquille. Des tensions entre les différentes forces politiques qui composent cette union sont déjà apparues pendant la campagne.
Un parti présidentiel dans les choux
Dans la dernière ligne droite, le président de la République Emmanuel Macron n’avait pas ménagé sa peine en envoyant cinq ministres sur la liste LREM, dont Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux. L’idée n’étant pas tant de gagner l’élection, promise à Xavier Bertrand, que de gêner le score d’un potentiel concurrent pour l’élection présidentielle de 2022… Hélas, avec 9%, la liste LREM ne vaut pas grand-chose et confirme, après les municipales de l’an dernier, toutes les difficultés d’ancrage local du parti présidentiel. La République En Marche peut juste se satisfaire d’avoir quelques élus dans les départements, dont Gérald Darmanin pour le Nord ou Brigitte Bourguignon dans le Pas-de-Calais.
Des départements qui optent pour la continuité
Peu les voyaient basculer à l’issue des scrutins de juin. Avec l’effondrement du Rassemblement national, ça devenait encore plus facile. Les cinq départements des Hauts-de-France confirment leur tendance. Nord, Oise, Aisne, Somme restent à droite. Le Pas-de-Calais, terre historique de gauche, conserve son ancrage.