Miroir de la culture en Flandre et aux Pays-Bas

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«Louise vertelt»: une balade historico-artistique à Ypres en compagnie de la peintre Louise De Hem
© Chloé Bracaval
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«Louise vertelt»: une balade historico-artistique à Ypres en compagnie de la peintre Louise De Hem

À l’occasion du centième anniversaire de la mort de la peintre Louise De Hem (1866-1922), Ypres propose la visite guidée «Louise vertelt» (Louise raconte). Au détour de neuf installations dispersées dans le centre-ville et par-delà les remparts, Louise vous fait découvrir des lieux significatifs de sa ville natale, vous donnant au passage l’occasion d’admirer ses peintures et ses dessins au pastel.

Munissez-vous d’une carte disponible à l’office du tourisme d'Ypres ou de l’application ErfgoedApp (L’app du patrimoine) et préparez-vous pour une balade de cinq kilomètres sur les traces de la portraitiste et pastelliste Louise De Hem. Cette application propose un circuit ludique, à ce jour uniquement disponible en néerlandais. Katelijne Vanbeselaere, ancienne animatrice d’une des stations de radio les plus populaires en Flandre (Radio 2), prête sa voix pour l’occasion et campe le rôle de Louise. En scannant les codes QR placardés sur les installations, vous pouvez l’écouter conter sa vie, exposer ses œuvres et leurs origines, tout en vous offrant une plongée dans le XIXe siècle à l’aide d’anecdotes historiques relatives, par exemple, à la place qu'occupaient les femmes sur la scène artistique ou encore celle que tenait la religion dans la société.

Le choix des neuf lieux à visiter n’est, quant à lui, pas le fruit du hasard. Ils ont été soigneusement sélectionnés par le musée d’Ypres pour le lien qui les unit à la portraitiste et à ses œuvres. Vous pouvez ainsi faire arrêt dans la rue qui abritait autrefois son atelier ou découvrir des toiles présentant un rapport direct avec l’environnement dans lequel elles trônent. De cette manière, le musée municipal permet aux touristes, mais aussi aux Yprois, de découvrir une collection d’autant plus exceptionnelle que rares sont les musées qui détiennent une collection aussi vaste d’œuvres réalisées par une femme.

Par ailleurs, l'application confère un caractère résolument moderne à la promenade, dans la mesure où elle apporte un support interactif, entre autres par le biais de quiz, de photos d’époque ou encore de représentations d’œuvres, de quoi séduire aussi bien les férus d’histoire de l’art que les enfants. Louise vous accompagne ainsi le long des remparts et des petites rues de la cité médiévale, pour vous faire (re)découvrir Ypres sous un nouveau jour. L’expérience vous entraîne au XIXe siècle, notamment grâce à des bruitages immersifs tels que le martèlement cadencé des sabots sur les pavés de la ville fortifiée.

La visite guidée débute sur la Grand-Place, au Nieuwerck, annexé aux majestueuses Halles aux draps, qui abrite aujourd’hui l’entrée du musée municipal. Ce point de départ se révèle hautement symbolique dans la mesure où c’est dans ce même bâtiment que Louise a entamé sa carrière. Artiste prometteuse âgée de 18 ans à peine, elle y expose pour la première fois De Oesters (Les Huitres), une peinture à l’huile sur panneau qui a également pu être admirée au Salon de Spa.

Prochain arrêt: la Vleeshuis (la Maison des Bouchers). En 1858, le premier étage de ce bâtiment a accueilli le musée municipal. La Maison des Bouchers, tout comme une grande partie de la ville et du travail de De Hem, a été détruite pendant la Première Guerre mondiale. À Ypres, seules les œuvres d’art accrochées dans l’hôtel de ville ont survécu au conflit. Après l’Armistice, la ville complètement rasée a dû se reconstruire. En outre, la restauration de la Maison des Bouchers n'a débuté qu'en 1927.

La même année est décédée Hélène Ceriez-Dehem, sœur de Louise et son héritière. De son vivant, Louise De Hem subvenait aux besoins de celle-ci depuis la disparition en 1904 de l’époux de cette dernière, Théodore Ceriez. En lui confiant son héritage, qui comprenait notamment des dizaines d’œuvres et de croquis, Louise s’est ainsi assurée que celle-ci ne tomberait pas dans la pauvreté. Grâce à Florimond Lambin, l’exécuteur testamentaire d’Hélène, de nombreux tableaux et pastels ont pu être confiés à la ville d’Ypres. Celui-ci a également effectué des dons en vue de la création d’un musée et d’un prix à son nom. Deux ans plus tard, alors que le musée rouvrait ses portes pour la première fois depuis la guerre, la Maison des Bouchers a inauguré deux chambres en l’honneur de Louise De Hem. La donation d'Hélène, et plus tard celle de Florimond Lambin représentent à elles-mêmes 66 œuvres des 90 œuvres qui composent la collection actuelle du musée. Celle-ci est entre autres composées de pièces personnelles, à l’instar de portraits de sa sœur et de sa mère.

Alors que vous admirez ce bâtiment riche en histoire, Louise vous expose les difficultés qu’elle a rencontrées en tant que femme dans un univers essentiellement masculin et le soutien financier dont elle a bénéficié de la part de sa ville natale. En 1887, soit deux ans après sa première exposition, la bourse remise par Ypres lui a permis de s'installer dans la Ville Lumière. Elle y a étudié dans des écoles privées, notamment à l’Académie Julian ou encore dans l’atelier du peintre belge Alfred Stevens –les femmes se voyant en ce temps refuser l'accès à l’enseignement artistique officiel. C’est en France, sur les conseils de Stevens, qu’elle a découvert le pastel, qui deviendra sa technique de prédilection. De son vivant, Louise a participé à de nombreux salons, où seules quelques femmes exposaient. Cela ne l’a pas empêchée de remporter, en 1904, la médaille d'or au Salon de Paris, sans doute le plus prestigieux de l'époque, pour son œuvre De Japanse Pop (La Poupée japonaise).

En suivant les directions indiquées par Louise, vous vous retrouvez devant son ancien atelier situé au 31 de la Boterstraat, qu’elle a occupé à son retour de France, en 1892. Elle a partagé celui-ci avec son beau-frère, Théodore Ceriez, artiste et directeur de l’Académie d’art d’Ypres. C’est Ceriez qui lui a donné goût à la peinture et lui a permis de développer son talent. Grâce à l’application, vous pouvez découvrir des photos de son atelier à Ypres ainsi que de celui qu’elle a plus tard occupé dans un bâtiment de style Art nouveau à Forest. Elle vous propose ensuite de traverser le parc du Touquet et d’emprunter en agréable sentier le long de l’eau.

Les quatre installations suivantes attestent du succès qu'a rencontré De Hem en tant que portraitiste, notamment auprès des plus hautes sphères du pouvoir de l’époque, des religieuses aux militaires en passant par les maires. Les portraits de commande représentaient ainsi la majorité de son œuvre. Malgré sa popularité auprès de la bourgeoisie, il lui arrivait cependant également de mettre en scène la pauvreté ou encore l’injustice sociale.

Sur ce, Louise vous donne rendez-vous au Zaalhof (la Cour de la Salle), où se trouvait, à la fin du XIXe siècle, la célèbre École internationale d'équitation où s'entraînaient les officiers de cavalerie du monde entier. Cette place se remplissait souvent d’officiers qui défilaient dans leur uniforme de gala. Vous pouvez y admirer le portrait d’un jeune officier, et non des moindres, devenu attaché militaire à Washington.

Plus loin, vous débouchez sur l’hospice Saint-Jean, un ancien lieu de culte qui a abrité le musée municipal d'Ypres jusqu'en 2017. Vous y faites la connaissance de la mère supérieure Spruytte à l’air sévère, au travers d’une peinture à l’huile réalisée vers 1900, alors que De Hem est à l’apogée de sa carrière. Cette œuvre démontre le talent de cette artiste qui parvenait à faire transparaitre le caractère de la personne représentée à travers la toile.

Au Dehempad, un sentier nommé en l’honneur de la célèbre portraitiste, qui longe les remparts de la ville médiévale, Louise partage avec vous sa passion pour le pastel. Perçu à tort par certains comme une technique typiquement féminine, il s’avère pourtant également très en vogue parmi les impressionnistes (à l’instar de Louis-Eugène Boudin ou encore d’Edgar Degas) et des symbolistes (on pense par exemple à Émile-René Menard).

Ensuite, Louise vous invite à poursuivre votre chemin jusqu’au pont de la Poterne, qui vous permet de pénétrer à nouveau l’enceinte de la ville fortifiée. Ici, Louise partage son amour de la nature, bien que ses tableaux et dessins au pastel champêtres aient connu un succès moindre en comparaison avec les natures mortes et les portraits de la bourgeoisie qu’elle a réalisés.

Au dernier arrêt, dans la Surmont de Volsberghestraat, baptisée en l’honneur d’Arthur Surmont de Volsbergh, maire d’Ypres entre 1903 et 1912, se tient fièrement, en face de cathédrale Saint-Martin, un tableau controversé de ce dernier remontant à 1899. Ce portrait, contrairement à celui du roi et de la reine, a bel et bien survécu à la guerre. Surmont n’est pas la seule personnalité politique à poser pour De Hem; elle a également peint le maire René Colaert qui a joué un rôle crucial dans la reconstruction de la ville après l’Armistice. Qu’Arthur Surmont de Volsbergh ait choisi de lui confier de nouveau la réalisation de son portrait quelques années plus tard, cette fois en sa qualité de sénateur, atteste du talent et du succès que rencontrait la peintre yproise en son temps. Voulez-vous découvrir la raison pour laquelle le portrait de cet homme politique avait provoqué la controverse? Alors n’attendez plus, votre guide Louise De Hem pourra vous révéler tous les secrets qui se cachent derrière ses peintures.

En parallèle à cette balade, le musée d’Ypres propose une exposition intitulée Louise/Edith: entre de bonnes mains qui se tient jusqu’au 12 mars prochain. Elle met en parallèle les œuvre de Louise De Hem et d’Edith Dekyndt (°1960). Bien qu’un siècle sépare ces deux femmes artistes, elles partagent de nombreux points communs: elles sont toutes deux originaires d’Ypres, ont vécu à Bruxelles, ont joui d’une brillante carrière internationale et partagent la même fascination pour les mains et le vieillissement. Les œuvres de Dekyndt, artiste aux multiples facettes (entre autres vidéaste, dessinatrice et sculptrice) peuvent notamment être admirées au MoMA de New York ou encore au Centre Pompidou de Paris. Le musée a confié la sélection des œuvres ainsi que la scénographie de cette exposition à onze étudiants des beaux-arts âgés de 17 ans dans le cadre de leur examen de fin d’étude, de quoi offrir un regard moderne sur l’œuvre de De Hem.

La balade contée «Louise Vertelt» (Louise raconte) offre aux touristes et aux Yprois une occasion de (re)découvrir Ypres autrement. Au détour d’œuvres et de lieux soigneusement choisis, venez admirer le travail de cette portraitiste et pastelliste de talent. Par le biais de cette initiative, le musée d’Ypres met ainsi en lumière une femme artiste quelque peu tombée dans l’ombre, cent ans après sa disparation. À vos smartphones, destination la Nieuwerck d’Ypres pour faire la connaissance de votre guide personnelle: Louise De Hem.

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