Marente de Moor: le changement teinté de nostalgie
Tous les deux mois, Hans Vanacker pose un regard personnel sur Septentrion et tire des archives du magazine des textes qui entrent en résonance avec l’actualité. Alors qu’un vent de changement souffle sur les plats pays, Hans interroge l’idée de changement en s’attachant à l’œuvre de Marente de Moor.
«Comme notre site web revêtira bientôt de nouveaux habits, peut-être pourrais-tu choisir un article dans lequel le changement joue un rôle central», m’a glissé ma collègue Evelyne. Oui, bon, pourquoi ne pas commencer par là. Au bout de quelques minutes, je me suis demandé, un peu embêté, s’il existait un concept plus large que celui de «changement». On peut l’envisager sous une multitude d’angles, ce qui n’aide certainement pas à faire un choix précis.
Je n’ai rien trouvé de mieux que de taper le mot «changement» dans la fonction de recherche de notre site. Des dizaines d’articles sont apparus, mais pour une raison que j’ignore, je n’y ai pas trouvé mon compte. Trop prévisible, trop abstrait, trop philosophique: il y avait toujours quelque chose qui m’empêchait de sortir un texte de son gris dossier d’archives.
domaine public / Wi
Et puis soudain, j’ai trouvé ! N’avions-nous pas, dans un passé plus ou moins récent, publié dans Septentrion un article sur l’écrivaine néerlandaise Marente de Moor (°1972)? Et le changement n’est-il pas omniprésent dans son œuvre?
Dans ses romans, Marente de Moor nous ramène à des moments clés de l’histoire, où des bouleversements sociaux, politiques ou technologiques rendent, pour beaucoup, le monde brusquement différent.
Pour ne prendre qu’un seul livre: dans Roundhay, tuinscène (Scène au jardin du Roundhay), elle transporte le lecteur à la fin du XIXe siècle et fait revivre l’inventeur Louis Aimé Le Prince, apparemment le premier qui ait réussi à saisir le mouvement sur une pellicule.
Cependant, les périodes de changement ont généralement deux facettes: il y a des gagnants, mais aussi des perdants. Dans les romans de Marente de Moor, ce dernier groupe retient plus d’une fois l’attention. Une forme de nostalgie du passé n’est jamais loin.
Marente de Moor a dû se faire un prénom dans la littérature néerlandaise. Sa mère (Margriet de Moor) est, elle aussi, une écrivaine très respectée, dont plusieurs romans ont déjà été traduits en français. Un coup d’œil à la base de données de la Nederlands Letterenfonds – Dutch Foundation for Literature (Fondation néerlandaise pour la littérature) nous apprend qu’un roman de Marente est déjà disponible en traduction française et qu’une deuxième traduction devrait bientôt paraître. Une autrice à l’œuvre intrigante, cohérente et particulièrement fascinante.
Des fenêtres sur l'histoire. L'œuvre de Marente de Moor
Le carrousel annuel des prix littéraires a de quoi faire tourner la tête et met régulièrement sur le pavois des livres qui ne sont pas appelés à faire date: l’attribution inattendue en 2011 du prix AKO de littérature à Marente de Moor (°1972) pour son deuxième roman, De Nederlandse maagd (La Vierge néerlandaise), fut un choix d’autant plus heureux. La moindre phrase donnait à sentir qu’on avait là un véritable écrivain à l’œuvre. Par ce cliché, «véritable», j’entends l’omniprésence d’une puissance créatrice qui plane, telle un esprit, sur les eaux de ses phrases. À cent lieues de cette médiocrité impersonnelle qui fait rage dans le landerneau de la littérature, la prose de Marente de Moor s’élève au-dessus du diktat qui exige, dosage de l’information à l’appui, le langage du compte rendu, et mène en droite ligne à des styles parfaitement interchangeables. Des phrases qu’on a l’impression d’avoir déjà lues, des phrases pareilles à des briques fonctionnelles, toujours soigneusement disposées pour soutenir l’édifice de l’intrigue, que l’auteur érige à son rythme, savamment dosé, des phrases qui ne sont là que pour servir de gares de transit: inutile d’en chercher chez Marente de Moor. Celle-ci vous entraîne pas à pas dans cette quête de sens que sont ses romans.
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