Nathalie Grall : l’art de concilier minutie et spontanéité
Le musée du Dessin et de l’Estampe originale de Gravelines tient jusqu’au 26 avril une rétrospective intitulée «L’air de rien» consacrée à l’artiste buriniste française, Nathalie Grall (° 1961). Cette exposition présente les 20 dernières années de son œuvre dans laquelle elle parvient à concilier deux pôles que tout semble opposer: la spontanéité, l’énergie du peintre calligraphe et la lenteur, la minutie du buriniste.
L’air de rien
Nathalie Grall est née en 1961 à Compiègne, et vit et travaille aujourd’hui à Lille. Elle est diplômée de l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans, et de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Trois ans après avoir décroché son second diplôme, soit en 1989, elle reçoit son premier prix de gravure, le prix Grav’x. Elle est également lauréate de plusieurs autres prix, parmi lesquels figurent le prix de la Jeune Gravure du Salon d’Automne (1992), ainsi que le troisième prix à la biennale de Saint-Maur à deux reprises (en 2005 et 2007).
© «Galerie Nancay».
Depuis 1985, la buriniste participe à de nombreuses expositions personnelles et collectives en France et à l’étranger. En 2013, elle a en outre reçu le prix d’encouragement de l’Académie des Beaux-Arts de Paris, et deux ans plus tard, elle s’est vu attribuer le Prix Paul Gonnand de la Fondation Taylor.
Cette rétrospective présente les 20 dernières années de sa production gravée. À l’origine de cette exposition, une série de quatorze planches intitulée «La collection», que Nathalie Grall grave depuis 2013. Les thèmes que l’on retrouve dans son œuvre sont liés au cycle de la vie, qu’elle soit humaine, végétale, animale ou minérale : germination, naissance, rencontre, rupture, métamorphose, etc.
Travail d’orfèvre
© «Musenor».
Nathalie Grall est l’une des rares artistes à encore pratiquer la gravure au burin en France. Elle utilise une technique de gravure en creux sur métal, également appelée «taille-douce». Son travail consiste à peindre un motif souple au pinceau, à la gouache ou à l’encre de Chine, directement sur une matrice en cuivre. Elle grave ensuite les lignes peintes à l’aide d’un burin, avec plus ou moins de force, ce qui lui permet une plus grande déclinaison de teintes dans l’œuvre, une fois imprimée sur le papier. Nathalie Grall a opté pour le cuivre, plutôt que pour le zinc comme à ses débuts, car il constitue un métal dur qui permet de produire des tracés maîtrisés, fins et acérés, tout en poussant le détail toujours plus loin. Il s’agit là d’un travail de précision qui ne tolère pas le moindre écart de concentration, ni la moindre hésitation. Une erreur, un coup de burin mal ajusté, et il faudrait tout reprendre à zéro.
Cet exercice est également très physique, car il oblige le graveur à travailler, le corps penché sur la matrice. Cette tâche par ailleurs éprouvante pour le système nerveux, car elle impose au graveur de faire preuve d’une grande concentration. La gravure se révèle ensuite lors de l’impression sous presse que l’artiste réalise elle-même.
© «Musée de Gravelines».
En outre, certaines œuvres de Nathalie Grall sont colorées, car elle applique un chine, un papier teinté légèrement grisâtre, dessus. Elle réalise un véritable travail d’orfèvre, ce qui donne un résultat tout en finesse et en légèreté. Chacune de ses gravures est signée au crayon à papier «N. Grall».
Délicatesse et poésie
Nathalie Grall puise son inspiration dans les formes de la nature et dans l’art originaire d’Extrême-Orient. Cependant, elle n’attend pas que l’inspiration lui vienne, elle la provoque au moyen de la gouache et de divers outils. Elle n’a jamais d’idée toute faite en tête au moment où elle se met à travailler sur la plaque de cuivre. Tout ce qui jaillit de son imagination est transcrit avec un grand sens de la poésie et une profonde délicatesse, dans des œuvres délicates où chaque détail revêt une importance particulière, où chaque trait est admirablement contrôlé, afin d’être à la fois fin et puissant.
© Frans Vanhove Art Gallery.
L’artiste buriniste gomme les frontières entre l’art figuratif et l’art abstrait, joue sur les métamorphoses. Ses différents sujets se dessinent sur un fond épuré, avec élégance et légèreté. Tantôt on s’extasie devant des paysages aquatiques surplombés de rochers, tantôt on analyse chaque trait, chaque courbe pour découvrir des œuvres plus abstraites, plus surprenantes: des plantes qui s’apparentent à des courbes féminines, des silhouettes humaines surmontées de têtes d’animaux.
On constate également que ses gravures font écho les unes aux autres. Il lui arrive en effet de poser plusieurs matrices les unes à côté des autres, de commencer à tracer un trait qui lui inspire un autre dessin, qu’elle réalise ensuite sur un autre cuivre. Certaines séries se construisent donc en parallèle et engendrent parfois de nouvelles séries.
Le goût du livre d’art
Outre ses gravures, la rétrospective présente également «L’Atelier de Nathalie Grall», film datant de 2014 réalisé par Bertrand Renaudineau, dans lequel on découvre l’artiste au travail dans l’atelier qu’elle a aménagé dans sa maison familiale lilloise. On assiste à chaque étape de la création d’une gravure au burin, on observe avec admiration chaque mouvement, chaque coup de pinceau, chaque frappe au burin avant de découvrir le résultat final (une œuvre que l’on peut également admirer en vrai lors de l’exposition). Le film introduit également au spectateur les livres que l’artiste a illustrés, notamment «Caprices» du poète français Gérard Farasse pour lequel elle a créé 8 enluminures et 8 burins.
© «Éditions Henry».
Nathalie Grall partage en effet le goût du livre d’art avec d’autres artistes, et c’est sa rencontre avec Michèle Broutta, galeriste et éditrice, qui lui a offert la possibilité de confectionner de beaux recueils en collaboration avec des poètes ou des écrivains. Elle a ainsi publié en 2007 «Chants du jardin interdit» avec le poète et auteur iranien Parviz Khazraï.
Ces livres sont à découvrir lors de l’exposition qui offre à Nathalie Grall la possibilité de dévoiler d’autres facettes de son travail: dessins, gouaches sur cartes à gratter ou encore sur radiographies, collages. On y découvre également son « cabinet des curiosités ».
Cette rétrospective fait donc non seulement découvrir au visiteur l’ensemble de son œuvre gravé, mais également bien plus encore, et cela toujours avec un grand sens de la poésie et accompagné de citations du philosophe et essayiste Olivier Koettlitz, de la directrice du musée du Dessin et de l’Estampe originale de Gravelines Virginie Caudron, de la poétesse et auteure Laurence Paton ainsi que de Nathalie Grall elle-même.
Vidéo: B. Renaudineau, l’atelier de Nathalie Grall, Gerpinnes, Ed. Gallix, 2014.