Parmi les poèmes choisis par Jozef Deleu présentés en traduction française et en version originale néerlandaise, celui d’Erwin Mortier. Sans titre, ce poème a paru dans Precieuze mechanieken (Bezige Bij, 2020).
Sans titre
J’ai fait des rêves pesants.
Cauchemars dans lesquels les mots coïncidaient avec leurs choses.
Tout parlait et devenait dictée tactile.
Il n’y avait plus de quelque part, ni chose en dehors, aussi ne pouvait-on
nulle part trouver nulle part. Chaque son allait comme un gant.
Plus aucun signe ne restait accroché dans nos poumons.
De nos côtes s’évaporait un poids coriace.
Folâtre notre mémoire oubliait tout.
Comme du plomb nous nous taisions.
Rien ne présentait plus de creux.
Nous restions, limpides, en suspens.
Ce qui était suffisait et nous prenait pour
argent comptant.
zonder titel
Ik heb zware dromen gehad.
Nachtmerries waarin de woorden samenvielen met hun dingen.
Alles sprak en werd tactiel dictaat.
Er was geen ergens meer of iets daarbuiten, ook nergens viel
nergens te bekennen. Elke klank zat als gegoten.
Er bleven geen tekens meer in onze longen steken.
Een harde last vervloog uit onze ribben.
Alles vergat ons speelse geheugen.
We zwegen als lood.
Niets had nog holten.
We bleven helder hangen.
Wat was volstond en nam ons
voetstoots aan.