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Les effets économiques du Brexit sur le Nord et le Pas-de-Calais ?

9 juillet 2020 5 min. temps de lecture

Occultées ces derniers mois par la pandémie, les négociations autour du Brexit ont repris. La sortie de la Grande-Bretagne de l’Europe pourrait avoir des conséquences économiques sur le Nord et le Pas-de-Calais.

Comment absorber un flux de 5 000 camions et 7 400 voitures par jour sans créer des files d’attente interminables si les contrôles se multiplient ? Depuis 2016, Getlink (Eurotunnel) s’est sérieusement penché sur cette équation. Et aujourd’hui, le concessionnaire du Tunnel sous la Manche dit l’avoir résolue, aménagements à l’appui. A l’intérieur de la zone d’embarquement de Coquelles, côté continent, tout a en effet été pensé pour fluidifier le trafic si les vérifications douanières venaient à s’éterniser. Création de nouvelles voies de contrôles des papiers, immenses parkings de délestage pour les poids-lourds qui ne seraient pas en règle… Dans l’autre sens, Angleterre vers France, les chauffeurs avec des denrées alimentaires auront eux aussi un vaste parking pour se soumettre aux contrôles qui deviendront obligatoires sur les denrées alimentaires entrant dans l’Union européenne. Des systèmes de formalités douanières dématérialisés ont été développés. Ce déploiement de moyens, qui se chiffre en dizaines de millions d’euros, est logique : le tunnel sous la Manche représente 26% des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et la France…

Si Getlink s’est agité, c’est bien à cause du Brexit. Ce mot occupe les pensées des décideurs européens, mais aussi ceux des Hauts-de-France. Trois cents milliards d’euros de marchandises transitent par la région. D’où la nécessaire préparation du Tunnel sous la Manche et des autres accès. Les ports nordistes ont eux aussi investi dans de nouvelles infrastructures et de nouveaux processus pour fluidifier au maximum le trafic. Trois cents douaniers ont été recrutés pour s’occuper des déclarations de contrôle. «La fluidité est un enjeu majeur», assène Jean-Paul Mulot, représentant permanent de la Région Hauts-de-France au Royaume-Uni. En cas de «no deal» avec les voisins d’outre-Manche, le «Monsieur Brexit» de la région s’inquiète de la possible réaction en chaîne à la multiplication des contrôles aux frontières pour les marchandises : plus de vérifications, plus de temps passé, plus d’argent dépensé, des entreprises qui hésitent du coup à transiter, des particuliers qui désertent. «Eurotunnel est prêt à absorber les flux, tout comme les ports nordistes, mais je suis plus craintif concernant le sous-équipement au niveau du port de Douvres, confie-t-il. D’ailleurs, la Grande-Bretagne n’a pas encore recruté les douaniers nécessaires».

Une fluidité qui jouera sur l’économie

Si la région a nommé un «Monsieur Brexit», c’est aussi que les Hauts-de-France font directement du business avec la Grande-Bretagne. En 2016, la région exportait à hauteur de 4,3 milliards d’euros vers l’outre-Manche, soit 9,4% des exportations (le Royaume-Uni suit ainsi la Belgique et l’Allemagne). Les importations s’élevaient à 2,5 milliards d’euros soit 4,4% (le Royaume-Uni est septième pays fournisseur des Hauts-de-France selon une étude de la Chambre régional de commerce et d’industrie en 2016. Par ailleurs, la région compte 93 établissements à capitaux britanniques, soit 6500 salariés.

Des secteurs sensibles

L’automobile, la chimie, la pharmacie, l’agroalimentaire font partie des secteurs qui pourraient être le plus chahutés par un Brexit dur. Comment ? Prenons l’exemple de l’automobile. Les Hauts-de-France comptent plusieurs équipementiers. Avec des droits de douane susceptibles d’augmenter, la paperasse, les risques de ralentissement de passage de la Manche alors que les chaînes de montage fonctionnent à flux tendus, le secteur pourrait être rapidement fragilisé. Idem dans l’agroalimentaire avec Téréos, géant sucrier mondial qui œuvre des deux côtés de la Manche.«Nous avons également beaucoup de petites et moyennes entreprises qui commercent avec le Royaume-Uni, reprend Jean-Paul Mulot. Je ne suis pas sûr qu’elles aient envie de continuer si ça devient trop compliqué».

Sans accord, c’est une possible explosion des prix sur des poissons

Deux autres secteurs concentrent particulièrement les inquiétudes. La pêche en premier lieu. En cas de Brexit sans accord, la filière se dirige vers la catastrophe. La majorité du poisson pêchée par la flotte française basée à Boulogne-sur-Mer l’est dans les eaux territoriales britanniques… quand la filière anglaise transforme une bonne partie de son poisson dans le port hexagonal ! Sans accord, c’est une possible explosion des prix sur des poissons comme les noix de Saint-Jacques, la julienne, le lieu noir, la lingue, et des entreprises de transformation du Boulonnais qui tireraient sérieusement la langue. Une chance : nos voisins sont relativement sous-équipés dans le domaine de la transformation de poisson…

Autre secteur économique où les Britanniques comptent, le tourisme. Les sujets d’Elisabeth II représentent la première clientèle étrangère dans les Hauts-de-France et celle qui a le panier moyen le plus élevé. Pourraient-ils déserter la région ? Jean-Paul Mulot en revient encore à la question de la fluidité. Pas de fluidité, baisse du tourisme, chute de recettes et de fréquentation des hébergements, restaurants, musées et parcs des Hauts-de-France des plages de la Côte d’Opale jusqu’aux abords chics de Chantilly. Une ville comme Calais pourrait être ainsi particulièrement exposée.

Attirer des entreprises…

A contrario, le Brexit pourrait aussi être un atout économiquement. En 2017, une opération de communication était menée par les Nordistes dans le quartier de la City et le métro londonien pour rappeler que la région est «business friendly» et un «transport hub». Objectif sous-entendu: attirer les Britanniques en Hauts-de-France, ce qui a été confirmé par l’installation du bureau de représentation de la Région à Londres de Jean-Paul Mulot, la création d’un club d’affaires franco-britannique ou encore l’ouverture d’un business lounge à la CCI Hauts-de-France. Dans son étude de 2016, la CCI envisageait par exemple que des usines d’automobile anglaises puissent s’installer dans notre région pour faire face au relèvement des tarifs douaniers.

En réalité, le pouvoir d’attractivité de nos contrées sur la Grande-Bretagne reste modeste. Philippe Hourdain, patron de la CCI régionale, reconnaissait dans La Voix du Nord
en début d’année que les entreprises «sont ouvertes aux renseignements mais pas encore au fait de déménager». Jean-Paul Mulot confirme, mais précise que l’objectif de départ n’était pas tant d’attirer les entreprises britanniques que celles qui auraient dû s’installer au Royaume-Uni. Traduction : les entreprises indiennes, chinoises, coréennes, japonaises qui avaient l’habitude de monter des unités outre-Manche vont désormais s’installer sur le continent pour éviter trop de tracasseries face aux incertitudes britanniques. En 2019, la France était la première destination européenne des investissements internationaux. Dans ce contexte, par leur position, les Hauts-de-France seraient en bonne place pour récupérer la mise. Bilan dans quelques années.

Montard

Nicolas Montard

Journaliste free-lance et cofondateur du magazine en ligne DailyNord.

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