«Recrues 1914»: un poème de Charles Ducal
Charles Ducal est le nom de plume du poète flamand Frans Dumortier (°1952). C’est sous ce pseudonyme que Dumortier fait ses débuts en poésie avec le recueil Het huwelijk (Le mariage) en 1987. Il publie par la suite Twist met Ons (Twistez avec nous) en collaboration avec Eric Spinoy, Bernard Dewulf et Dirk Van Bastelaere. Ducal a depuis fait paraître de nombreux ouvrages de poésie, dont le récent De koers van de eeuw – 72 gedichten (2021). Il s’est aussi adonné au récit, à l’essai et au roman. En 2014-2015, il a été le tout premier Poète national de la Belgique.
Paru initialement dans «Oorlog» (Guerre), un numéro thématique de la revue Het Liegend Konijn
(éditions Van Halewyck, Louvain, 2014), «Recrues 1914» rappelle la déroutante expérience de jeunes soldats envoyés pour la première fois au front.

© Carolien Coenen
Recrues 1914
Comment une guerre non voulue d’eux
devient dans leurs crânes un désir?
On les sortit de leurs demeures
comme des guêpes avec un bâton de miel.
Dans le train devenus hommes
sans femme, ils riaient déchaînés,
pareils à des chiens fous, à parier
qui d’entre eux tuerait le premier.
Plus tard, fixant le brouillard, ils tiraient
sur des ombres soudain surgies et disparues.
Sur leurs paupières la boue commençait à peser.
La nuit parfois survenait une mère
posant la main sur une bouche qui se trahissait.
Qui était l’ennemi, ils l’ignoraient.

Recruten 1914
Hoe kwam de oorlog die zij niet wilden
in hun schedels als lust? Als wespen
op een honingstock werden zij
uit hun huizen getrokken.
In de trein werden zijn mannen
zonder vrouw, lachten uitgelaten,
als losgehaakte honden, om de gok
wie van hen het eerst doden zou.
Later tuurden zij in de mist, schoten
op schimmen die opdoken en weer verdwenen.
Op hun oogleden begon de modder te wegen.
’s Nachts verscheen soms een moeder
en legde haar hand op een mond die zich verried.
Wie de vijand was wisten zij niet.