Remco Campert (1929-2022), mort d’un virtuose de la littérature néerlandaise
Le poète et romancier néerlandais Remco Campert est décédé à l’âge de 92 ans le 4 juillet 2022 à Amsterdam. Le lauréat du prestigieux prix des Lettres néerlandaises en 2015 et du P.C. Hooft de 1976 pour sa poésie était l’auteur d’une œuvre monumentale appréciée tout autant du grand public que de la critique.
Remco Campert était le dernier représentant de la génération des Vijtigers (Mouvement des années cinquante). Avec les poètes Lucebert, Hugo Claus et Gerrit Kouwenaar, entre autres, il a révolutionné la littérature de langue néerlandaise peu après la Seconde Guerre mondiale en s’opposant aux normes littéraires en vigueur et en particulier au lyrisme.
© Literatuurmuseum
Campert avait fréquenté les membres du mouvement d’avant-garde artistique «Cobra» (Karel Appel, Corneille), notamment lors de séjours parisiens, et les poètes expérimentaux qui influencèrent son écriture poétique. C’est justement par la poésie qu’il avait fait son entrée en littérature. En 1950, il publie le recueil Ten Lessons with Timothy qui sera suivi d’une quarantaine d’ouvrages de poésie, dont le dernier en 2019, Mijn dood en ik. Dans ce recueil publié à l’âge de 90 ans, il regarde la mort dans les yeux de manière extrêmement lucide.
En 1976, Campert recevait le prix P.C. Hooft pour sa poésie. Le jury écrivait: «En parcourant l’ensemble de l’œuvre poétique de Remco Campert, le jury est impressionné par la chronique personnelle des années 1950-1970 qui y est écrite. Les faits périlleux et ridicules de cette période sont chroniqués de manière inoubliable par le poète».
Tout au long de son impressionnante carrière d’écrivain et de poète, Campert a reçu de nombreux prix, dont le plus important de l’ère néerlandophone, le prix des Lettres néerlandaises qui lui a été remis en 2015 pour souligner la qualité de son œuvre poétique et en prose.
© Paul Levitton
Récemment, dans le cadre d’une campagne contre la guerre en Ukraine, le poème de Campert «Iemand stelt een vraag» («Résistance») du recueil Betere tijden (Meilleurs temps, 1970) a été traduit en quatorze langues, dont le français, l’ukrainien et le russe, par l’éditeur régulier de Campert, De Bezige Bij. Depuis 2017, le poème figure sur la façade de l’éditeur en néerlandais.
Résistance
La résistance s’amorce non par de grands discours
mais par de minimes actes
de même que la tempête par un bruissement dans le jardin
ou le chat soudain pris de folie
de même que les fleuves
par une imperceptible source
tapie dans la forêt
de même qu’un embrasement
par l’allumette
qui allume une cigarette
de même que l’amour par un simple regard
un frôlement l’inflexion d’une voix
se poser à soi-même une question
ainsi s’amorce la résistance
que l’on poursuit en la posant à autrui