Sixtine Bérard – aucun article ne correspond aux termes de recherche spécifiés – «william burges» + «gens derrière william burges»
Dix-huit jeunes écrivain∙es de Flandre et des Pays-Bas donnent la parole à un objet du XIXe siècle exposé au Rijksmuseum. Ils et elles ont écrit une histoire en se posant la question suivante: que voit-on lorsqu’on regarde ces objets dans la perspective d’une catastrophe imminente? Sixtine Bérard a écrit un poème en s’inspirant d’un flacon de parfum. «je découpe la vitrine/ et m’empare du beau bleu indolent.»
© Collection Rijksmuseum, Amsterdam
aucun article ne correspond aux termes de recherche spécifiés – «william burges» + «gens derrière william burges»
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les riches de Versailles luttaient contre les odeurs désagréables en s’imprégnant de parfum et dissipaient en outre les vapeurs aigres des défaites militaires à grand renfort de senteur de roses.
je ne suis pas sans relents, car les écrivains aussi dissimulent : par la force des choses, nous corrigeons la fange en proposition esthétique pour pouvoir la faire rentrer dans notre poétique.
dans les décombres des violences épistémologiques sur Google Scholar, je lis que
«la fusion des styles est entêtante et lui est entièrement propre»
et la page Web sent la vanille.
huit ans après les guerres de l’opium, william burges a volé la technique chinoise permettant de craqueler la porcelaine. si vous voulez l’avis du parfum des roses, william a forgé son propre style, non pas en volant la technique mais en se l’appropriant.
william a fait fabriquer le flacon par «anonyme», mais en dessous, il n’a gravé que son nom à lui.
le texte qui suit est inventé, mais une histoire qui ne nomme que les noms passés à la postérité
tient aussi de l’invention.
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on dit de william qu’il est excentrique,
on oublie que Sybil doit cirer les plinthes après qu’il s’est livré à la débauche,
on oublie Sybil.
avant de partir, Sybil a dérobé un flacon de parfum rempli jusqu’au goulot de l’odeur des roses sauvages,
âpre et aromatique,
dépourvue de souplesse comme toutes les choses sciemment désinvoltes.
une fois claquemurée chez elle, elle a vidé la fiole sur son trottoir,
et à présent impossible de se débarrasser de l’odeur douceâtre en frottant,
par manque de pluie et de torrents d’eau savonneuse.
elle décide de créer des jardins entre les pavés de sa rue aride,
mais la porcelaine du flacon continue de craqueler
et Sybil craint que le sol, de guerre lasse, ne se fissure aussi.
en septembre 1871, quand l’odeur de haricots verts pourris montait du sol,
parce que la rue était restée aride,
Sybil jeta le flacon en l’air afin de changer de point de vue sur les choses.
elle laissa le flacon frôler les sommets contre son plafond bas et blessant,
après quoi le sol fut jonché de tessons et de pierres et
seul resta le treillage, la prise en main qui retenait l’opulence.
en novembre 2022, la lumière des néons s’apitoie sur le flacon,
en cet endroit non plus, la multitude n’est pas nommée par son nom,
alors je découpe la vitrine
et m’empare du beau bleu indolent
et m’essaie à un vigoureux lancer
et des frêles tessons je dessine toutes les Sybil
dans l’ombre qu’a laissée le flacon
et je vous laisse inventer le reste.