En 2018, les Français Anaïs Maillard et Charles Corthier ont créé studio bling. Leur travail traduit et définit leur manière de voir le design: une approche artistique de la discipline. Partant d’observations du quotidien, les réalisations de studio bling s’attachent à traduire une réalité marquée de souvenirs, de sensations, de moments passés. Les deux artistes cherchent à susciter des émotions et réflexions à travers des objets aux fins contemplatives, comme témoins d’une certaine temporalité.
Ils ne se destinaient pas spécialement à faire du design d’objet: à la base, l’une voulait travailler dans la peinture (Anaïs Maillard) et l’autre dans la publicité (Charles Corthier). Leur souhait était avant tout de pouvoir exercer dans un domaine artistique, mêlant travail manuel et expression plastique. Ce qui les a petit à petit attirés vers le design d’objet, c’est avant tout de pouvoir mêler facilement différentes disciplines artistiques en une: architecture, graphisme, peinture, maquette, etc. Et cette pluridisciplinarité se manifeste aussi bien au niveau de la réflexion et conception d’un projet que dans la création, la fabrication, la production de l’objet.
«Souvent critiqués lors de leur formation, Anaïs Maillard et Charles Corthier défendent toujours leur vision du design.»
A. Maillard et C. Corthier sont tous deux issus d’un parcours artistique davantage qu’industriel. Cela explique cette approche plastique de l’objet. Souvent critiqués lors de leur formation, ils défendent cette vision du design, car il s’agit de leur propre manière de travailler, de réfléchir et de produire. Cette approche globale et artistique explique la diversité de leur production: illustrations, collages, graphismes, typographies, packaging, etc. Ils se nourrissent de références actuelles en design d’objet, mais également d’objets anciens, car ils reflètent, d’après-eux, l’évolution de l’histoire de l’art, avec les différents courants artistiques passés. Du fait de ces inspirations très diverses, il est impossible de cantonner studio bling dans un champ spécifique du design.
Houblon
La région Hauts-de-France compte un grand nombre d’industries du XIXe siècle, offrant un patrimoine matériel unique qui fait partie de la mémoire collective. Ses différentes manufactures (notamment minières et textiles) sont déjà bien représentées et valorisées à travers différents musées et paysages (terrils) qui jalonnent la région. Dans le cadre d’une première résidence de designers au sein de l’écomusée de l’Avesnois, studio bling a souhaité mettre en avant un autre aspect du territoire: sa flore. Les espèces endémiques font la richesse et la spécificité d’une région. Ce patrimoine botanique est souvent méconnu du public, pourtant il participe énormément à l’identité culturelle d’une région. La région Hauts-de-France compte de nombreux spécimens plus ou moins rares, mais propres à son territoire.
Parmi ces différentes espèces de la région, les designers ont choisi de travailler autour du houblon sauvage, que l’on trouve naturellement en milieu frais, humide et au bord de l’eau, notamment au cœur du parc naturel régional de l’Avesnois, dans la forêt de Mormal. Cette plante caractéristique de la région explique également la culture brassicole et l’attachement pour la bière comme patrimoine culturel et touristique de la région.
Le houblon est une plante herbacée, vivace et grimpante, de la famille des Cannabaceae qui peut se hisser jusqu’à une hauteur de 10 mètres telle une liane. On reconnaît facilement l’espèce à ses feuilles rappelant la vigne, ainsi qu’aux cônes pendants évoquant les épis de blé ou les pommes de pin. La tige du houblon s’enroule autour d’un arbre, toujours dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. La plante est pérenne, sa durée de vie est supérieure à 20 ans : chaque année les racines produisent de nouvelles pousses.
Il s’agit d’une plante dioïque, c’est-à-dire avec à la fois des plants femelles et mâles. Ce sont les fleurs femelles du houblon (les cônes) qui sont utilisées en médecine et pour la fabrication de la bière.
En septembre-octobre, si l’on regarde l’intérieur des feuilles qui constituent ces cônes, on distingue l’un des constituants du houblon: la lupuline, une huile résineuse jaune doré à l’odeur forte et à la saveur amère. Elle est communément appelée «l’or du brasseur».
Le houblon est en effet un ingrédient indispensable aux brasseries locales. Cultivé sur des tuteurs de plusieurs mètres de haut, il sert à aromatiser la bière, à lui apporter une amertume, à la stabiliser, et aussi à la conserver plus longtemps. On dit que «si le malt est la moelle de la bière, le houblon en est l’âme».
Cette plante est aussi utilisée en décoration, ce qui est moins connu : elle est notamment exposée et suspendue dans les estaminets, rappelant une vraie tradition brassicole. Et ses longues tiges permettent également le tressage: le houblon est utilisé pour la vannerie sauvage.
C’est à partir de ces utilisations, de ces histoires, de ces spécificités culturelles, traditionnelles et régionales, que studio bling nous propose une famille d’objets, une série de vases:
– le houblon suspendu dans les estaminets (Tulipe);
– le houblon comme ingrédient de la fabrication de la bière; objets dérivés pour déguster et
apprécier celle-ci: la chope avec couvercle (Chope) et le bock accompagné de son sous-bock (Bock);
– le houblon utilisé en vannerie sauvage (Calice).
À travers le média qu’est le verre, A. Maillard et C. Corthier retranscrivent cet “or vert”, ce patrimoine floral régional. Chaque vase reprend des éléments constitutifs du houblon et de ses utilisations: la superposition que l’on retrouve sur les cônes de houblon (couches successives de feuilles), les anses que l’on retrouve sur les chopes (verres à bière emblématiques), ou encore les collerettes, qui sont comme un déploiement ou une extension du vase, ce qui évoque le houblon en tant que plante vivace, grimpante et envahissante.