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littérature

Talent de conteur et force critique de l’imagination : Rob van Essen

Par Dirk Vandenberghe, traduit par Micheline Goche
22 août 2019 5 min. temps de lecture

L’écrivain néerlandais Rob van
Essen a débuté en 1996. Il a construit
patiemment une œuvre. Récemment, Van Essen s’est vu décerner le prix Libris, une des distinctions littéraires les plus importantes en néerlandophonie. Des critiques néerlandais ont vu dans son roman «De goede zoon» (Le Bon Fils) des similitudes avec les
œuvres de Haruki Murakami et de Paul Auster.

Des
six nominés pour la dernière édition du Libris Literatuurprijs,
le prix annuel de littérature le plus important du territoire
néerlandophone, doté de 50 000 euros, c’était Ilja Leonard
Pfeijffer qui était le plus souvent cité comme vainqueur
possible. Son livre Grand Hotel Europa, paru peu avant le
nouvel an, est un grand roman à thèse et déjà un classique
moderne. Pfeijffer avait déjà remporté le Libris en 2014
pour La Superba, un roman dont l’action se situe dans la
ville italienne de Gênes, où il vit.

Cependant,
le prix 2019 n’est pas allé à Pfeijffer, mais à celui qui était
considéré le plus souvent comme le dangereux outsider: l’écrivain
néerlandais Rob van Essen. Celui-ci a été distingué pour son
roman aux multiples facettes De Goede Zoon (Le Bon Fils).

Van
Essen (° 1963) aura certainement compati à la déception de
Pfeijffer, car il a vécu la même aventure en 2009. Il avait alors
été nominé pour le Libris pour le roman Visser (Pêcheur)
et avait également été pressenti par les critiques comme probable
vainqueur. Van Essen, alors encore inconnu tant aux Pays-Bas qu’en
Flandre, a vu le prix lui passer sous le nez.

Van
Essen a débuté en 1996 avec Reddend Zwemmen (La Tête hors
de l’eau), qui est encore toujours le nom du blog sur lequel il
publie souvent de courtes histoires. Depuis lors, il a construit
patiemment une œuvre, qui, en plus des romans, comprend des
nouvelles et des essais. Il travaille aussi comme traducteur et comme
critique de la littérature anglo-saxonne pour le célèbre journal
NRC Handelsblad.

Il y a dix ans, Van Essen était sur le point de percer
avec Visser, mais il restait une énigme bien gardée: malgré
de nombreuses critiques élogieuses, les chiffres de vente ne
suivaient pas. Une situation que le prix Libris couronnant De
Goede Zoon,
son douzième roman, modifiera sans aucun
doute.

De
Goede Zoon e
st un livre audacieux bourré d’idées. L’écrivaine
flamande Lize Spit2 l’a comparé à un épisode de la
série Black Mirror, à cause de l’influence des nouvelles
technologies. Des critiques néerlandais y ont vu une similitude avec
les œuvres de Haruki Murakami et de Paul Auster. De Goede Zoon
est un roadnovel avec une voiture parlante et une vision
 »dystopique » de l’avenir, dans laquelle, notamment, des robots ont
pris le pouvoir, un thriller sans intrigue et une ode à une mère
démente décédée.

Et,
comme si cela ne suffisait pas, Van Essen émaille son récit de
considérations et d’analyses relatives au pseudo-bouddhisme, aux
réformés, à l’art moderne, au voyeurisme, à la solitude, à la
mort, aux souvenirs de jeunesse et à la force de la littérature et
des récits. Mais le livre n’est pas surchargé, car l’exposé des
idées est clair, surprenant et drôle.

Parfois, il outrepasse les normes en montrant, par
exemple, l’écrivain en entretien avec lui-même. C’est absurde, mais
cela marche. Parce que Van Essen est un remarquable conteur, qui sait
doser l’humour et l’autodérision qu’il met dans ses récits. Les
thèmes sur lesquels il donne libre cours à son imagination dans De
Goede Zoon
reprennent et enrichissent les idées qu’il a
développées dans Kind van de Verzorgingsstaat (Enfant de
l’État-providence), un recueil d’essais et de réflexions datant de
2016. Dans ce nouveau livre, Van Essen éreinte les Pays-Bas où il a
grandi.
C’est
à la fois une ode au paradis de son enfance et un règlement de
comptes avec les larmoyantes années 1970 et 1980. Avec mélancolie,
autodérision et un recul ironique, Van Essen jette un regard en
arrière, pour constater que le bienveillant État-providence a été
remplacé par une société méfiante où s’opposent des citoyens
cyniques et des politiciens importuns.

Aucun des deux
modèles de société ne trouve grâce aux yeux de Van Essen. Son
respect va principalement aux hommes de la génération qui a relevé
le pays peu après la Seconde Guerre mondiale, héritage qui a
ensuite été galvaudé par les descendants.

Sa critique indulgente du monde de l’édition (dans De
Goede Zoon
, il est question du revenu de base, qui a poussé tout
le monde à écrire, entraînant la fin de la littérature), était
déjà apparue dans son roman précédent Winter in Amerika
(Hiver en Amérique, 2017). Mais, tout comme De Goede Zoon, ce
livre était aussi une ode aux histoires solides et durables. Des
histoires qui montrent des directions qui inspirent, qui donnent
matière à réflexion. Tel est donc aussi De Goede Zoon,
assurément, jusqu’ici, l’œuvre la plus forte de Van Essen, où l’on
retrouve à la fois son talent de conteur et la puissance de son
imagination.

Aucun livre de Van Essen n’a encore été traduit, mais, depuis
l’attribution du Libris Literatuurprijs au début du mois de
mai 2019, son œuvre suscite un plus grand intérêt, selon l’éditeur
Atlas Contact. En France également, on songe à une
traduction de De Goede Zoon.

Dirk_Vandenberghe

Dirk Vandenberghe

journaliste indépendant

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