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Un jeune Flamand apprend le français: Ohain

Par Hans Vanacker, traduit par Evelyne Ledoux-Beaugrand
8 décembre 2020 4 min. temps de lecture

Est-ce le deuxième confinement qui me pèse? Ou la noirceur des jours? Un peu des deux peut-être? Je ne sais pas, mais je ne peux le nier: ces derniers temps, je suis aux prises avec la nostalgie. De plus en plus, je songe à Ohain, là où j’ai passé mes étés de 1971 à 1975.

Avant que vous n’alliez surfer sur Google maps, sachez qu’Ohain est un village du Brabant wallon. À l’époque dont je parle, il s’agissait encore d’une petite commune indépendante. Quelques années plus tard, une grande fusion de communes a eu lieu en Belgique. Ohain fait maintenant partie de Lasne.

Qu’a Ohain de si spécial, vous demandez-vous, quelque chose que tous devraient connaître? Rien. C’est un village comme il y en a treize à la douzaine. Il y a cependant un joli centre, avec une place gazonnée entourée d’arbres. Waterloo est tout près et à proximité de l’endroit où j’ai séjourné cinq été consécutifs se trouve le domaine d’Argenteuil.

Je suis un enfant de mon temps, d’un père et d’une mère qui étaient tous deux ce qu’on appelle joliment «Vlaamsvoelend». Ils avaient donc une sensibilité flamande. Pour être clair, mes parents étaient ouverts d’esprit et en rien extrémistes. En tout cas, que faisaient les parents flamands issus de la bourgeoisie? Ils s’assuraient que leurs enfants connaissaient bien le français. Cela était une priorité.

À l'exception des quartiers privés de l'abbé, toutes les chambres étaient mises à la disposition de filles et de garçons flamands

Il y avait plusieurs endroits où les néerlandophones pouvaient apprendre le français, mais cela a été Ohain, et plus précisément un… monastère à Ohain (je ne me souviens plus de quel ordre il s’agissait). Pendant les mois d’été, seul l’abbé restait au monastère. À l’exception de ses quartiers privés, toutes les chambres étaient mises à la disposition de filles et de garçons flamands. Je ne sais pas combien sont venus chaque été, mais nous étions nombreux, des «débutants» aux «anciens».

Comment était la vie dans un monastère? Nous dormions dans des cellules nues, chacune meublée de deux lits et d’un petit placard. Les murs, autant que je m’en souvienne, étaient blanchis à la chaux. Les autres pièces n’avaient rien de particulier. Le réfectoire spacieux avait été transformé en «salle de jeux». Comment était la nourriture, question très importante pour un Belge? C’était délicieux et copieux.

J’étais le seul élève qui ne fréquentait pas une école offrant ce qu’on appelle, faute de mieux, un enseignement catholique. Les messes auxquelles je devais assister dans la chapelle étaient en soi d’étranges expériences. D’ailleurs, j’avais la nette impression que les autres élèves n’en pensaient pas moins que moi, mais c’est là une autre histoire. On y était strict, parfois jusqu’au ridicule. Si un garçon et une fille se regardaient trop longuement, les yeux dans les yeux, s’ensuivait immédiatement une remarque cinglante. Si on vous entendait prononcer un ou plusieurs mots de néerlandais, péché ultime, vous étiez mis en punition dans le couloir pendant une heure environ.

Malgré cela, ce que j’ai pu aimer ces étés! Les balades à vélo à la butte du Lion de Waterloo, au lac de Genval (au milieu duquel passe la frontière linguistique), au château de Rixensart, à la piscine de Wavre, même les longues ballades jusqu’à la citadelle de Namur et à Bernissart, c’était merveilleux! Jouer au football, au basketball et au handball à Braine l’Alleud, visiter le musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren (encore un peu trop jeune pour me rendre compte que les histoires qu’on nous racontait ne correspondaient pas tout à fait à la réalité).

Il y avait aussi bien sûr les moments où nous lancions notre ballon de l’autre côté du mur du domaine d’Argenteuil en espérant secrètement que l’ancien roi ou sa femme sortirait du palais et nous la renverrait. Malheureusement, Léopold III ne s’est jamais montré, Liliane Baels non plus. Un autre moment de plaisir pris en cachette: écouter la radio pour obtenir des nouvelles d’Eddy Merckx. Oui, Luis Ocaña n’a pas pu suivre Merckx, a annoncé Luc Varenne presque hors de lui tant il était content. Notre Eddy national gagnait encore une fois le Tour de France

Je m’en rends compte, j’apprécie probablement cet article plus que ne l’apprécient mes lecteurs et lectrices. Les temps changent et ils sont difficilement comparables. Considérez cependant ce texte comme un plaidoyer (déguisé) en faveur du multilinguisme. Dans un monde idéal, tout Flamand ou Flamande connaîtrait bien le français, tout Wallon ou Wallonne connaîtrait bien le néerlandais. C’est un rêve irréaliste, j’en suis bien conscient. Car beaucoup trouveront de nombreuses raisons pour ne mettre aucun effort et enthousiasme dans l’apprentissage de la langue de l’autre. Dans tous les cas, un monde dans lequel les jeunes Flamands et les jeunes Wallons utilisent l’anglais pour communiquer entre eux relève pour moi du cauchemar.

HV

Hans Vanacker

secrétaire de rédaction de Septentrion

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