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Un match de football qui avive le sentiment flamand dans le nord de la France

Par Dirk Van Assche, traduit par Evelyne Ledoux-Beaugrand
20 février 2023 5 min. temps de lecture

Le match de la Coupe de France opposant la petite Union Sportive Pays de Cassel (USPC) au géant Paris Saint-Germain (PSG), sans doute la meilleure équipe d’Europe, s’est transformé en une célébration des Flamands de France. Quel sens faut-il lui donner?

Zéro-sept! Si tout fan de football a, en temps normal, profondément honte lorsque son équipe s’incline de la sorte, les supporteurs l’USPC ont célébré cette défaite à la manière d’une grande victoire. Le 23 janvier 2023, en 16e de finale de la Coupe de France de football, les amateurs de l’USPC se sont fait massacrer, en toute logique footballistique, par les millionnaires parisiens du PSG. Pourtant, ce match est à jamais inscrit comme un moment fort de l’histoire de cette équipe de province.

37 875 personnes étaient présentes au stade Bollaert-Delelelis de Lens. Peu de temps après que le match Cassel contre PSG a été annoncé, 20 000 billets s’étaient déjà envolés. Des dizaines de bus ont été mis en place pour convoyer les fans vers le stade, dont plusieurs ont été payés par la Communauté de communes de Flandre intérieure (CCFI). Les chemins de fer français ont en outre mis à disposition des supporteurs un train régional. Pour l’intercommunale, ce match était un moyen idéal de mettre en valeur cette région rurale partout à travers le pays. Il a permis de promouvoir la «marque» Flandre avec des moyens limités. C’est d’ailleurs l’un des objectifs de la CCFI qui a récemment lancé le label Je suis de Flandre, pour, par exemple, promouvoir les produits locaux.

La presse locale et des médias sociaux ont relayé les appels à porter les couleurs flamandes, le jaune et le noir. Un cri de guerre commun a retenti: Tous flamands. Partout dans les villages de la Flandre française rurale flottait le lion flamand et dans le stade même, des centaines de drapeaux flamands étaient visibles. Les médias, même du côté belge, ont suivi avec sympathie l’enthousiasme des amateurs de football.

S’agit-il seulement de l’expression de la fièvre du football ou ce soulèvement des passions a-t-il des racines plus profondes? Cela me rappelle un peu les nombreux drapeaux belges que l’on peut voir flotter en Flandre belge lorsque les Diables Rouges participent à un tournoi. Ces Flamands sont-ils soudain tous devenus de fidèles défenseurs de la Belgique unie – même les plus nationalistes d’entre eux? Je ne le pense pas. Il est également possible d’établir une comparaison avec les nombreux drapeaux ornés du lion de Flandre qui sont de sortie lors des courses cyclistes printanières. Ceux-ci sont généralement distribués par une organisation dont les intentions sont clairement politiques: l’indépendance de la Flandre. Tous ces drapeaux ont-ils la même portée indépendantiste en Flandre française? Je ne crois pas non plus. Cependant, les personnes qui connaissent bien la situation en Flandre française m’ont assuré qu’il ne s’agissait pas d’une simple fièvre footballistique, mais aussi de l’expression de l’identité flamande.

Français oui, mais flamands aussi

Que le lion flamand flotte partout dans la région, il n’y a là rien de bien surprenant. Après tout, le lion est le blason officiel du département du Nord. C’est aussi pour cette raison que vous voyez souvent un lion flamand au fronton des mairies du département du Nord et que les policiers du département arborent un écusson léonin sur leur épaule gauche. Il n’est pas non plus exceptionnel de voir ce drapeau lors d’autres manifestations sportives dans le département du Nord. J’en ai vu une fois lors d’un match à domicile du Lille Olympique Sporting Club (LOSC). Mais en voir autant en un seul endroit comme ce soir-là à Lens reste exceptionnel. Même l’utilisation du slogan Tous flamands n’est pas inhabituelle, mais à cette échelle, c’est assez inédit.

Alors comment expliquer ce qui s’est passé ce 23 janvier? Il y a bien sûr le fait très exceptionnel qu’une équipe d’amateurs se soit hissée en 16e de finale de la Coupe de France. Le véritable miracle s’était en fait produit la semaine précédente lorsque l’USPC avait éliminé Wasquehal, qui jouait deux ligues au-dessus. Cette victoire étriquée, avec un but à la dernière minute et des tirs au but, combinée au fait que l’USPC pouvait désormais jouer contre le grand PSG, ont relancé l’enthousiasme footballistique de la Flandre française rurale. C’était l’occasion pour cette région de montrer à la France entière qui elle est: une région composée de Français, sans doute, qui sont aussi des Flamands. Bref, des Flamands de France. C’est pourquoi tous les symboles typiques de la Flandre française ont été mis en avant: les drapeaux, les chants et slogans, jusqu’aux géants typiques des Flandres qui étaient présents dans le stade.

Il faut dire que le petit USPC était le club idéal pour canaliser cet enthousiasme. L’USPC n’est pas seulement l’équipe de Cassel: il résulte en fait d’une fusion de Noordpeene/Zuytpeene, Bavinchove, Hardifort, Arnèke et Cassel. Toute la Flandre française rurale a donc pu se rallier à cette équipe. C’est aussi probablement la région où le sentiment flamand est encore le plus fort, où, jusqu’à récemment, on parlait encore le plus souvent le flamand et où l’«identité flamande» est la mieux préservée, même si, selon Wido Bourel, elle est sérieusement menacée et que le dialecte néerlandais y a presque complètement disparu.

Il était bien sûr très important que ce match se joue contre Paris. Beaucoup de Flamands, fussent-ils français ou belges, semblent avoir une aversion innée pour tout ce qui vient de la capitale française. En d’autres termes, c’était l’occasion idéale de montrer que cette région possède son propre caractère qui ne coïncide pas complètement avec le reste de la France. Peut-on pour autant dire qu’il s’agissait d’un message politique? Absolument pas, selon moi. Si vous participez à un rassemblement en Flandre belge où sont brandis autant de drapeau à l’effigie du lion flamand, c’est que vous vous trouvez à un événement politique ayant reçu des appuis de divers groupements ou partis politiques. Ce n’était certainement pas le cas ce soir-là à Lens. Il s’agissait plutôt de personnes enthousiastes qui voulaient montrer au reste de la France qu’elles sont aussi bien flamandes que françaises. Elles ne se battaient pas pour une plus grande indépendance régionale, ni pour rejoindre la Flandre belge, mais demandaient que leur différence culturelle soit respectée.

Ce match a-t-il vraiment fait plus pour le sentiment flamand que l’ont fait au courant des quarante dernières années les diverses associations culturelles en Flandre française, comme l’a laissé entendre Philippe Ducourant, guide à l’inégalable Maison de la Bataille à Noordpeene? Je pense que Philippe sous-estime largement l’importance de son propre musée ici. Le match de l’USPC à Lens a eu l’effet d’un feu de paille: vif et impressionnant, mais éphémère. Ce sont les associations culturelles locales, ainsi que quelques institutions officielles et organisations touristiques, qui devront maintenant veiller à ce que le résultat de cet embrasement ne meurt pas à petit feu.

Dirk

Dirk Van Assche

ancien rédacteur en chef adjoint de Ons Erfdeel vzw

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