Un projet franco-néerlandais titanesque: quatre cent cinquante notices sur le siècle d’or des Pays-Bas
Ce livre devient vite un fidèle compagnon que l’on consulte impatiemment au quotidien aussi bien lors de travaux de recherche que le soir emmitouflé dans ses couvertures. Cet ouvrage de référence passionnera aussi bien les spécialistes que les amateurs.
Le Dictionnaire des Pays-Bas au Siècle d’or
ne comporte pas moins de huit cent trente et une pages, dont vingt-et-une illustrations en couleur. L’ouvrage est introduit de manière passionnante par deux remarquables savants, lauréats du prix Huygens-Descartes,
qui ont consacré leur carrière au siècle d’or: Catherine Secretan, directrice de recherche émérite au CNRS-ENS Lyon, et Willem Frijhoff, professeur émérite à la Vrije Universiteit Amsterdam et professeur invité à la Erasmus Universiteit
de Rotterdam, dont il faut saluer la bravoure et le mérite d’avoir su mener à terme un tel projet franco-néerlandais titanesque. On imagine toute la patience et la force de conviction qu’il leur a fallu pour réunir les contributions de cent-vingt-et un chercheurs et chercheuses, originaires essentiellement des Pays-Bas et de France, mais aussi de Belgique, des États-Unis, de Grande-Bretagne, d’Italie et de Suisse, pour la plupart renommé.es, qui comptent parmi les meilleurs spécialistes de cette période historique. Il est réconfortant de prendre connaissance d’un tel résultat, «fruit d’une collaboration internationale» à un moment où les nations du monde ont tendance à se refermer sur elles-mêmes, prouvant une fois de plus que la science ne connait pas de frontière. Un ouvrage néerlando-néerlandais n’aurait certainement pas eu la même portée.
Il faut souligner, et l’on ne peut que s’en réjouir, que la recherche française sur le siècle d’or néerlandais se porte plutôt bien au vu du nombre de contributeurs issus de l’Hexagone, dont des jeunes fort prometteurs, notamment Sarah Moine, qui a obtenu le prix d’Amsterdam en 2016. C’est également la langue française qui est mise à l’honneur ici. Une sacrée gageure quand on connait la part désormais écrasante de la langue anglaise dans les publications scientifiques. À ce propos, il aurait été utile de savoir précisément quels articles ont été traduits et de quelle langue. Les éditions du CNRS ont également réalisé un travail d’édition tout à fait admirable. La présentation et l’organisation du livre sont claires et élégantes. La couverture qui représente le port d’Amsterdam au XVIIe siècle, tableau excellement choisi d’Abraham Storck, est tout aussi attrayante. La réalisation d’un tel ouvrage coûtant cher, il a également bénéficié du soutien de plusieurs financeurs. Citons le LaBex (laboratoire d’excellence) COMOD (Constitution de la modernité), né suite à un appel à projet du Programme investissement d’avenir lancé par l’État français en 2011, la fondation Dr C. Louise Thijssen-Schoute (chercheuse néerlandaise tout à fait attachante), le fonds Professeur Pieter Jan van Winter (illustre historien néerlandais) et la fondation Paedagogica Historica.
Concernant le contenu, le lecteur a grand plaisir à «picorer» de-ci de-là, au hasard ou en choisissant soigneusement ses entrées préférées, les quatre cent cinquante notices classées par ordre alphabétique qui traitent de multiples domaines, d’une période comprise entre 1579 (Union d’Utrecht) et 1713 (Paix d’Utrecht), dont «les Beaux-Arts, la musique et l’architecture», «le commerce, l’économie, les finances et l’empire colonial», «la culture, la société et la démographie», «l’enseignement, les universités, l’édition et l’historiographie», «l’Histoire (hommes, événements, historiens, mythes)», «les langues et la littérature», «la philosophie et les idées politiques», «la politique (hommes et institutions)», «la religion et la théologie», «les sciences, la médecine et les techniques», «les villes, les provinces, les fleuves et cours d’eau».
L’ensemble est naturellement excellement documenté et chaque notice est pourvue d’une bibliographie complémentaire afin de donner la possibilité à chacun d’aller plus loin dans ses recherches. Le charme du dictionnaire réside dans le fait que les auteurs traitent aussi bien de sujets en apparence plus légers – mais éminemment complexes – tels que les loisirs, les jeux d’intérieur, le patinage ou la vie dans les tavernes que de matières intellectuelles et philosophiques ardues et plus difficilement pénétrables. Ce livre devient vite un fidèle compagnon que l’on consulte impatiemment au quotidien aussi bien lors de travaux de recherche que le soir emmitouflé dans ses couvertures. Cet ouvrage de référence, qui passionnera aussi bien les spécialistes que les amateurs, se doit ainsi de faire impérativement partie de la bibliothèque de toute personne s’intéressant au siècle d’or. L’auteur de ces quelques lignes doit bien avouer ne pas encore avoir lu l’ensemble des notices, tant elles sont nombreuses et denses, mais il en continue la lecture de ce pas sans attendre.