Partagez l'article

Lisez toute la série
littérature

«De zaak Tom»: Une amitié généreuse ?

Par Frank Heinen, traduit par Noëlle Michel
10 octobre 2019 3 min. temps de lecture La première fois

Dans «De zaak Tom», le journaliste sportif Frank Heinen (° 1985) évoque une amitié généreuse, qui toutefois n’est pas toujours perçue comme telle. Le livre aborde aussi le secteur des soins et le rôle des médias qui ont tendance à guider notre façon de voir certaines choses.

Nina

Le lendemain matin, il retrouve Nina à l’endroit où il l’a laissée la veille. Assise au milieu des camionneurs et autres représentants de commerce, elle mange un cracker garni de fromage et de mélasse de pomme.

Les valises à roulettes patinent bruyamment sur les dalles de l’entrée, dehors. Au cœur de cette débauche d’efficience, Nina grignote son biscuit en lisant un livre. Il émane d’elle une sérénité qui le rend nerveux. Quand elle tourne une page, son regard se détache du papier pour errer un instant dans la pièce. Parfois, ses yeux suivent un client qui passe devant elle, avant de se fixer quelque part en dehors de son champ de vision à lui. À chaque moment de distraction, elle mâche au ralenti jusqu’à s’arrêter tout à fait.

Il ne connaît personne qui mange aussi lentement qu’elle.

«Kann ich Ihnen helfen? Je peux vous aider?

La fille de la réception est penchée au-dessus de son comptoir, la tête inclinée sur le côté. Sans effort, il évite le décolleté plongeant.

«Nein, danke.»

Elle sourit. «Tout se passe comme vous le désirez?»

Soudain, il se demande si elle n’est pas au courant de quelque chose, la réceptionniste. Il est assez au fait de ce qui se joue sur Internet pour savoir que ses actes sont sujets à controverse. Tout est sujet à controverse. Et puis les gens sont fascinés par les excentriques, les hommes qui s’échouent sur une plage anglaise et dessinent un piano sur le sable sans prononcer un mot. Les personnages de conte de fées. La fascination n’est rien d’autre que l’incompréhension de ceux qui croient tout comprendre.

Il pourrait se justifier en long en large, et même cette fille saisirait, mais personne n’attend d’explication approfondie. Comprendre mettrait fin à la fascination, personne ne s’en réjouirait.

Il hoche la tête, se racle la gorge et entre dans le restaurant.

Le journaliste

Assis devant la fenêtre avec le chien sur les genoux, Tom suit les cercles décrits par un avion de tourisme au-dessus du village. Tandis que, sur le carrelage près de la porte de derrière, Nina téléphone avec sa nouvelle carte prépayée achetée au magasin d’électronique autrichien, Bob interroge Jonas: «Combien de temps comptez-vous rester?»

Le menton au-dessus de sa tasse, Jonas ferme les yeux, hume le café avant de répondre: «Un peu amer.» Pendant un instant, il semble ailleurs. Puis il reprend: «J’ai une réputation de pitbull.» Avec sa cuillère, il attrape quelque chose qui flotte dans le liquide. «Quand je plante mes crocs dans une histoire, je ne lâche plus prise. Je tiens bon, je reste fidèle au poste, c’est mon point fort. L’un de mes points forts. Je suis ici, alors que je pourrais être n’importe où ailleurs. Le monde brûle, vous vous en rendez bien compte?»

Jonas utilise sans arrêt cette expression. Peut-être tous les journalistes prometteurs jonglent-ils ainsi, désinvoltes, avec les grands mots, peut-être la promesse de Jonas se dissimule-t-elle dans cette désinvolture.

Une sensation qu’il ne reconnaît pas tout de suite s’abat sur Bob. Il lui faut quelques secondes pour l’identifier: la douleur est de retour. Cette fois-ci, elle se propage depuis le flanc en direction du bas-ventre et du dos. Aussitôt, la souffrance envahit tout, elle prend les commandes en dedans et se ronge un passage vers l’extérieur. Tout se met à bouger, à tournoyer. Les murs s’éloignent, le temps s’étire en une seconde sans fin. Le monde tourne, tremble et frappe.

L’instant d’après, il n’est plus là. Il ne tombe pas. Il paraît plutôt s’écraser. Les cris de Nina retentissent à travers la porte de la cuisine, perçants comme l’alarme d’une voiture garée un peu plus loin.

Extraits de De zaak Tom (L’Affaire Tom), De Bezige Bij, Amsterdam, 2019.
Frank Heinen 1

Frank Heinen

écrivain - journaliste sportif

Commentaires

La section des commentaires est fermée.

Lisez aussi

		WP_Hook Object
(
    [callbacks] => Array
        (
            [10] => Array
                (
                    [00000000000026790000000000000000ywgc_custom_cart_product_image] => Array
                        (
                            [function] => Array
                                (
                                    [0] => YITH_YWGC_Cart_Checkout_Premium Object
                                        (
                                        )

                                    [1] => ywgc_custom_cart_product_image
                                )

                            [accepted_args] => 2
                        )

                    [spq_custom_data_cart_thumbnail] => Array
                        (
                            [function] => spq_custom_data_cart_thumbnail
                            [accepted_args] => 4
                        )

                )

        )

    [priorities:protected] => Array
        (
            [0] => 10
        )

    [iterations:WP_Hook:private] => Array
        (
        )

    [current_priority:WP_Hook:private] => Array
        (
        )

    [nesting_level:WP_Hook:private] => 0
    [doing_action:WP_Hook:private] => 
)